devenir une espèce de commis voyageur de son écriture
Par cgat le dimanche 4 janvier 2009, 02:35 - citations - Lien permanent
Tout cela, oui. Mais autre chose. Le principe même de la promotion. Comme une salissure. Aller vendre sa soupe. Finalement, ce n'était pas autre chose. Ne plus écrire, mais devenir une espèce de commis voyageur de son écriture. Justifier un texte déjà ancien, au lieu de s'immerger dans un nouveau projet. Au fur et à mesure que le succès s'amplifiait, ressentir jusqu'au vertige la certitude que tout serait infiniment plus difficile désormais, et comme bridé par l'idée qu'on se ferait d'elle à l'avance. De plus, elle n'était pas romancière. Les pages qui avaient fait la célébrité de Granité café tenaient davantage du poème en prose pour la forme, et pour le fond... Les analyses sur le livre commençaient à lui donner la nausée. Elle ne pourrait envisager d'écrire sensiblement le même genre de chose sans qu'on lui reproche d'exploiter un système. Et rien d'autre ne la tentait.
Philippe Delerm, La bulle de Tiepolo (Gallimard, 2005, Folio, p. 67)
Commentaires
un extrait tout en profondeur et justesse, je n'ai jamais lu Delerm, quel titre me conseilles-tu pour commencer ? J'aime les histoires qui tiennent la "route", et aussi celles qui se terminent bien, je suis un peu "fleurs bleues" :)
J’ai lu ce petit livre de Philippe Delerm il y a un certain temps déjà et si je l’ai lu c'était plutôt à cause de son sujet qui est une sorte de fantaisie de Philippe Delerm autour de quelque chose qui m’a souvent fasciné : le ‘Mondo Novo’ représenté ici par Tiepolo. Il Mondo Novo , c’était ces attractions promenées de village en village mettant en scène des appareils optiques qui fascinaient les gens. Le travail de bonimenteur était important et faisait partie du spectacle. Mais, c’est le dispositif du tableau de Tiepolo –rendant compte du Mondo Novo- qui reste passionnant (on n’en voit ici qu’un détail sur la couverture du bouquin) : il y a une trentaine de badauds qui sont rassemblés de dos, face à quelque chose qu’on ne voit pas ; et moi, le spectateur de la fresque, quand je suis au Ca’ Rezzonico à Venise, il se trouve que je suis un de ces badauds, un parmi tous les autres…
Il y a des variantes (parfois drôles) de ce 'Mondo Novo' :
http://espace-holbein.over-blog.org...
wictoria, je n'ai pas lu tout Delerm, très loin de là, mais je ne suis pas sûre qu'il soit l'auteur le plus à même de fournir des histoires qui "tiennent la route" : ce qu'il écrit dans l'extrait ci-dessus à propos de son héroïne décrit très bien son propre travail, qui tient davantage de la prose poétique que du roman
en fait j'ai lu ce titre là pour les mêmes raisons qu'espace-holbein, parce que les fresques de Tiepolo entrevues ici ou là dans des musées ou des villas paladiennes me fascinent, notamment le "Monde nouveau" ; est-ce que vous avez vu celui de la Villa Valmarana, espace-holbein ?
et merci pour le charmant Goya !
Longue vie à Ligne de fuite (et à sa patronne) - menus très variés - se méfier peut-être des plats du jour du mercredi (jour de relâche?) - ça reste pour moi la première source d'envie de lecture (sur internet) - Bonne année
Très bonne année 2009 aussi, pp, et merci beaucoup pour votre "menus très variés" ... que je prends comme un compliment (c'est même pour cela qu'il y a un s à lignes de fuite)
Je n'ai pas vu la version de la villa Valmarana mais je sais qu'il en existe une troisième (plus près d'ici) qui se trouve au Musée des Arts Décoratifs (sur toile).
... que je n'ai pas vue non plus mais que j'ai noté dans mes tablettes "à voir" depuis que j'ai lu Delerm
c'est vrai que les couvertures de livres sont importantes, elles peuvent attirer comme repousser un éventuel lecteur. Je vais noter ce titre pur commencer la découverte de cet écrivain alors...
bonne année 09 à toi Christine et à tes lignes de fuite.
Delerm, j'adore (le père comme le fils). Il faut lire le petit dernier ("Ma grand-mère avait les mêmes") où l'écrivain se moque gentiment, par de jolis petits poèmes en prose, de certaines expressions courantes un brin agaçantes.
Très bonne année aussi Loïc !