me prévenant que la mémoire est pleine
Par cgat le mardi 6 janvier 2009, 01:42 - écrivains - Lien permanent
Les lois de l’hospitalité est le fruit d’une résidence que j’ai faite aux Nouvelles Subsistances à Lyon. (…) À partir d’entretiens que j’ai réalisés avec une vingtaine de personnes qui vivent à Lyon et dont la langue maternelle n’est pas le français, j’ai écrit un texte qui reprend leurs histoires, les croise, les reconstruit et les invente. (p. 7)
Le 16 novembre, après deux entretiens particulièrement éprouvants pendant lesquels je suis restée détachée et souriante, je commande une choucroute à la brasserie Georges et je pleure dans mon assiette. (p. 17)
Le 14 novembre, on me prête un appareil pour enregistrer les entretiens, les fichiers sont vierges, la batterie chargée, mais quand j’essaie de déclencher l’enregistrement, un message s’affiche me prévenant que la mémoire est pleine et qu’on ne pourra plus rien y ajouter. (p. 37)
Le 6 décembre, pour vaincre les réticences de mon interlocuteur qui prend notre conversation pour un interrogatoire, je suis obligée de lui raconter sur moi des choses que je préfère d’habitude passer sous silence. (p. 49)
Le 18 novembre, c’est dimanche, je cherche un café dans le quartier, tout est fermé, j’imagine la solitude que doit éprouver un étranger séjournant dans un pays dont il ne connaît ni la langue ni les habitants. (p. 55)
Olivia Rosenthal, Les lois de l'hospitalité (Inventaire/Invention, 2008)
Olivia Rosenthal est née en 1965 à Paris
::: Viande
froide (Lignes, 2008)
::: On n'est pas là pour
disparaître (Verticales, 2007)
Commentaires
et bien sûr, avant même cette mise en appêtit, une grande envie de lire ce petit dernier
vous me resservirez la même chose !
merci je vais essayer de le lire moi aussi
Curieuse. Pour le mojns. Cette littérature de résidence d'écriture (comme il y aurait un art de résidence d'artiste). Elle induit une posture, un ton, une écriture de soi et des autres quasi coloniale (je rêve ou n'est-il pas écrit noir sur blanc : "...et dont la langue maternelle n’est pas le français, j’ai écrit un texte qui reprend leurs histoires, les croise, les reconstruit et les invente (!!!)"). A tout le moins y a-t-il ici une modalité de recension du réel sur laquelle il convient de s'interroger (tout comme l'art "résidentiel" induit un topos sur lequel il est saint et nécessaire de s'interroger) en ce qu'il organise souvent (toujours ?) le travail d'écriture autour d'un sacro-saint "projet", en général (toujours?) officiellement dédié à l'édification, la restauration ou l'enregistrement d'un sacro-saint "lien social", qui implique souvent (toujours ?) la participation, dans ledit projet, de ceux des administrés (de l'autorité qui est à l'origine de la résidence...) les plus pauvres, les plus reprouvés ou faisant l'objet d'une violence symbolique quelconque, et, sous couvert de les "révéler", de les faire venir à la lumière de leur parole, par le travail en quelque sorte magique de l'artiste, les transformer en animaux de zoo planétaire: trahir de facto ce qu'il y a en eux de plus humain. Curieux, en effet, comme ces travaux d'écriture résidentielle charrient leur content de violence pure (qu'est-ce que les "vrais gens" évoqués dans ce type de littérature savent-ils vraiment de leur statut de personnage-cleenex ?), de voyeurisme (chez l'auteur comme chez le lecteur), d'autocomplaisance (idem), de fausse compassion (idem, notons au passage combien ces trois sentiments sont inscrits au cahier des charges des scénaristes d'hollywood), l'auteur n'ayant de cesse de faire exister ledit projet - car il faut qu'il existe : il faut répondre en temps et en heure à la commande dûment payée, c'est au contrat - en se mettant absolument en scène, dans un curieux dévoiement de la posture d'observation participante (l'artiste invoquera ici le mantra de l'autofiction). Tout cela pour mettre un nom sur une couverture. Non vraiment. Reverence gardée. Il convient à mon avis de s'interroger... JFP
expression libre
Culture
Interview de Badia Hadj Nasser
La psychothérapeute Badia Hadj Nasser, une figure de proue de l'écriture féminine au Maroc et auteur du célèbre roman "Le voile mis à nu", a bien voulu accepter de répondre aux questions de "Expression Libre".
Nous remercions Badia Hadj Nasser pour sa disponibilité, malgré ses multiples déplacements et ses différentes occupations.
Badia Hadj Nasser, vous êtes psychanalyste. Comment est né votre intérêt pour la littérature ?
J’ai été bercée par les contes dès ma plus tendre enfance. La transmission orale des contes est une formation importante pour l’enfant. De là peuvent naitre des vocations... Qui sait ? Ce fut mon cas.
Vous êtes avec Leïla Houari et Farida El Hany Mourad, les premières Marocaines après Halima Ben Haddou dans Aïcha la rebelle à publier dans une langue autre que l’arabe. Comment justifiez-vous cela ? Est-ce un choix délibéré ou une nécessité ?
Ni choix, ni nécessité. Becket, irlandais anglophone, familier de Tanger a pris la plume en français…
Après la publication de son premier roman, Halima Ben Haddou a déclaré à Jeune Afrique « Aicha c’est l’héroïne, mais la rebelle c’est moi. ». Dans votre roman Le voile mis à nu en 1985, votre héroïne Yasmina a choqué plus d’un au Maroc à l’époque. Pourquoi cette transgression des tabous en créant une héroïne qui mène une vie d’errance sexuelle ?
Nous connaissons tous et toutes l’expression concernant une femme : « ses pieds se sont allongés » ou « ses pieds sont sortis du bât ». Pour une psychanalyste c’est une veine rare d’illustrer ce symbole ancré dans notre expression verbale.
Votre roman Le voile mis à nu est considéré à une certaine époque comme le plus « osé » du Maghreb. Est-il un roman militant, ou cherchiez-vous la notoriété par le scandale ?
Quelle que soit la langue, il me semble intéressant de faire certains rapprochements entre ce qui est désigné dans le parler courant et le réel. En français par exemple les premières femmes qui sont sorties sans chapeau étaient désignées par l’expression « une femme en cheveux » ce qui au premier abord ne semble pas très explicite. Chez nous au Maroc quand une femme ne portait pas dans la rue le haïk ou la djellaba elle était désignée par le terme « nue » On disait la fille d’un tel est sortie nue alors même que la fille d’un tel pouvait porter un manteau, des gants...D’où le titre du roman « Le voile mis à nu »
Peut-on parler d’une écriture féminine au Maroc ? Si oui quelles sont ses caractéristiques ?
La féminité au Maroc m’enchante et me séduit. Nous avons une féminité rare. Peut-être le fait que nous avons dû être extrêmement vigilantes jusqu’à il ya peu de temps sur notre sort.
Qu’est-ce qui fait la différence entre l’écriture féminine et l’écriture masculine ?
Je peux parler de lieux le rituel du hammam par exemple auquel un homme n’a pas accès et réciproquement. Il y a là peut-être un enjeu de l’écriture que personnellement je considère comme une richesse de la littérature marocaine.
Pourquoi la fascination pour le corps féminin dans vos romans ?
Vous l’avez remarqué ? C’est la preuve d’une lecture attentive ce dont je vous remercie. J’aime décrire la danse, les parures. Je décris aussi les violences faites aux femmes.
Qu’est-ce qui motive votre intérêt pour les Mille et une nuits ?
J’ai été bercée par les Mille et une nuits. La princesse Shahrazade est une battante. Elle œuvre pour le bien de la cité. Elle ne part pas perdante. elle réussit.
Quel rôle joue Tanger en tant qu’espace dans vos romans ?
Voilà une question qui me va droit au cœur. Et je vous remercie de me la poser. Le rôle joué par l’espace dans mon écriture est essentiel. Je dirai que l’intrigue s’articule à partir de l’espace. Je viens de terminer un livre « Les Hédonistes » recueil de nouvelles dont la première page inaugure une dialectique de l’espace que j’appelle dedans dehors dialectique qui pour moi est essentielle dans la compréhension de l’intrigue.
Nous remarquons l’attrait que Tanger exerce sur vous. Est-ce parce que vous êtes tangéroise ? Où parce que vous êtes sensible, comme Paul Bowles et Mohammed Choukri, à la poésie qui se dégage de cette ville à quatorze kilomètres de l’Europe ?
Le Maroc entier dégage de la poésie. Eugène Delacroix s’est extasié sur Tanger dès son arrivée sans parler d’Henri Matisse. La réfraction que procurent à la fois les deux mers n’est qu’un attrait de la ville.
Siham Benchekroun, Bahaa Trabelsi, Houria Bousjra ont écrit dernièrement des romans aussi osés que votre Voile mis à nu. Pensez-vous que c’est par mimétisme ou est-ce l’expression du vent de liberté qui souffle sur le Maroc ?
Nous sommes amenés au Maroc à réaliser de grandes choses. Nous femmes seront et sommes déjà les artisans d’un grand Maroc comme l’ont été avant nous nos mères. Le Maroc a une tradition où les femmes ont toujours été porteuses d’avenir.
Badia Hadj Nasser, un grand merci pour nous avoir accordé un peu de votre temps. Cette interview fera le bonheur de vos lecteurs.
Merci à vous et à vos lecteurs, lectrices. L’acuité et la pertinence de vos questions m’ont fait passer un bon moment, j’espère que vous aurez du plaisir à me lire.
AUTEUR : Nadia Bouziane
@JFP : sur même problématique qu'Olivia, voir Albane Gellé http://remue.net/cont/albane.html personnellement j'ai décliné chaque fois ce genre de situation et de production, pas de taille à affronter ces paradoxes - mais c'est une dérive de plus en plus avérée du système de "résidence" où on embauche l'écrivain pour des tâches sociales, et pas du tout en soutien ou réflexion sur temps de création, ou le petit poumon que ça pourrait représenter de temps en temps
Daewoo, trou de mémoire?
Batignolles, vous êtes dans une zone de commentaire et pas d' "expression libre", a priori
vous n'avez pas totalement tort, jfp : c'est la raison pour laquelle sans doute ce que j'ai préféré dans ce livre, et cité, ce sont les courts fragments qui introduisent chaque chapitre et racontent les réactions et la gène palpable de l'auteur, et pas les pages où elle invente (très peu d'ailleurs) la vie des autres
a y est, je termine à l'instant de me mettre à jour de mes dix jours de lignes de fuites en retard... alors du coup, j'en profite pour vous souhaiter une très bonne année 2009 !
bien amicalement
benjamin
je vous souhaite également une très belle année 2009 benjamin !
et à vous aussi, jean-françois, d'ailleurs, car je ne crois pas avoir eu l'occasion de le faire encore ...
Heureuse année 2009 à vous...
C'est en lisant un billet tel que le vôtre que justement la mémoire se nourrit, se remplit, et pour tout dire vit...
Alors merci pour ces lignes de " non fuite ".
(après la choucroute lyonnaise, pourquoi ne pas venir apprécier le tablier de sapeur et les quenelles strabourgeois ?)
attention, rien évidemment contre qui que ce soit, c'est pure interrogation, je parle de posture obligée, contrainte par le système : tout le monde finit par tomber dans le piège (même si certains plus que d'autres, dans le cas du texte ci-dessus, pas pu m'empécher de dire combien il est au fond choquant notamment parce qu'il est rempli de bonnes intentions et pourtant réduit l'autre à un outil d'édification de son propre moi - bourdieu et sa misère du monde trahis?), au premier chef celui qui accepte le principe de résidence et ne fait rien pour le contourner ou le faire imploser (il y en a qui le font et c'est toujours réjouissant), ce qui équivaut à ne pas jouer le jeu, au risque de se faire tricard (ce qui nous renvoie direct à nous interroger sur la condition de l'auteur en France...). Facile à dire, certes, mais il faut refuser ces résidences quelles qu'elles soient : artistiques ou littéraires, sans évoquer les conditions matérielles (souvent payées au lance-pierre, parfois simplement défrayées) elles sont basées sur le même principe : un pseudo contrat "gagnant gagnant" administration-auteur, ce dernier devenu une sorte de thuriféraire ("de base", vue sa rémunération...) : drôle en passant de remarquer que l'on revient là aux sources mêmes de l'art et de la littérature, en tout cas pré-romantiques : porter l'encensoire pour quelque instance de pouvoir... Il y a aussi tout de même l'affaire de la posture que l'écriture rsidentielle induit, quand elle est prise au premier degré ("l'auteur rencontre les réprouvés et en tire un texte - qu'il appellera "proposition" ou "travail"...) : d'où parle-t-il ? la position qu'il tient est-elle tenable? Mon avis : non, et c'est à pleurer dans l'assiette à choucroute. Chercher à mon avis autre chose, arrêter de s'illusionner avec ces histoires d'auto-fiction, ici cache sexe d'une manière de néo-colonialisme (drôle ce que cette notion porte d'instrumentalisation de l'autre, que ce soit doc gynéco ou les "lyonnais ne parlant pas français".) Reste qu'en dehors de cette indignation qui me paraît salutaire, j'ai beau tourner la chose en tous sens, je n'ai malheureusement pas grand chose à proposer de neuf (mon dernier manuscrit pas eu l'heur de convaincre mon éditeur, alors profil bas, on retoune au fourneau et en rabattre...)
@françois : je lirai albane. Il y a aussi la manière d'enquêter, d'en sortir qq chose, de donner la parole et de poursuivre ensuite autrement la rencontre (tout ce qui fait l'intérêt de Daewoo)... Toujours pareil au fond, il y a le travail sérieux et le travail bâclé ou inauthentique...
@françois et Christine : bonne année et attention aux chaussées glissantes
@jfp : quand la neige arrivera chez toi, ici il n'y aura plus que la bouillasse - on aura des photos demain chez brigetoun! pour ton "attention je ne dis ça contre personne" j'avais bien pigé - aucun de nous pour être indemne de ces questions dès qu'on entre dans le processus atelier, même le plus banal - en même temps, c'est dans ces lieux "privés" (d'où mon lien vers la tour de Rennes où avait travaillé Albane, proposition qui m'avait été faite et j'avais calé), c'est là où la littérature aurait le plus à travailler - n'ai pas encore lu le texte d'O chez Inv/Inv, vais m'y coller dès que j'en aurai terminé avec tes piscines... quant aux résidences, il y a chez nous une thésaurisation, de vraies compétences là où il y a eu vrai boulot, genre Arpel, ou Xavier Person à Région IdF - le coup dur c'est d'avoir démantelé les services livre des DRAC (plus qu'1 conseiller au lieu de 2, en 2 ans) alors que souvent c'est eux qui garantissaient, et contribuaient à construire, la solidité de la démarche du point de vue artistique - il nous en passe tous les jours sous les yeux, de ces projets de résidence au rabais, contrairement à projets où liberté artistique commande
Résidence, bourse, travail de commande, ... sans contrainte?
Dans le genre de nom sur couverture comme dit "jfp", ce serait plutôt "Daewoo" qui me paraît obscène (ou comment, à partir d'un nom, vendre une histoire, au bon moment).
tiens, le clown est de retour...
... clown je ne sais pas mais monomaniaque c'est sûr !
peut-être pourriez-vous, pp, créer un blog intitulé "amicale des ennemis de fb" (il y avait ça pour houellebecq), histoire de canaliser cette animosité que revient à tout propos et hors de propos ... cela ferait un joli habit bleu à vos initiales
Commentaire ?
Comment taire ?
Comment faire taire ?
L'impression de gêner une discussion entre gens bien ...
Bonne continuation!
et comment tenter de culpabiliser ?
... si je veux faire taire pas de souci, c'est plus facile que dans la vie : simple comme un clic sur le bouton "supprimer"