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Les lignes, les lignes, comme des rayures sur la peau, des mots distendus relançant la blancheur des propos. Une fonte des neiges en bouche, un filet s’écoule, des syllabes en tombent, forment de bruyantes zébrures, un iceberg dans le fond d’un verre, sa crête étincelante, sous l’eau, une masse somnolente aux variations bleues assourdit et fragilise le corps, au fond s’agitent les mots laissés muets, n’ayant pas encore fait surface. S’ils atteignent la ligne de flottaison, terre de liquidité, ils seront éclairés à vide, les lignes se dissoudront et la crête, abrupt de la langue fondra subrepticement, émaciant à jamais le blanc. Sous la peau ces couches glaciaires génèrent une telle fossilité verbale. Si dense. La faire émerger.

Virginie Poitrasson, Tendre les liens (publie.net, 2009, p. 8)

Pour les lignes de mots ... et pour la « légèreté intime du trait » (p.18) des lignes dessinées au bas de chaque page (la belle mise en page est due à Fred Griot).

Virginie Poitrasson est aussi traductrice de poésie contemporaine américaine, éditrice, plasticienne.
Elle a publié Demi-valeurs (Éditions de l’Attente, 2008)

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