Trouver, rencontrer, voler, au lieu de régler, reconnaître et juger. Car reconnaître, c'est le contraire de la rencontre. Juger, c'est le métier de beaucoup de gens, et ce n'est pas un bon métier, mais c'est aussi l'usage que beaucoup de gens font de l'écriture. (...) La justice, la justesse, sont de mauvaises idées. Y opposer la formule de Godard : pas une image juste, juste une image. C'est la même chose en philosophie, comme dans un film ou une chanson : pas d'idées justes, juste des idées. Juste des idées, c'est la rencontre, c'est le devenir, le vol et les noces, cet « entre-deux » des solitudes.

Gilles Deleuze ; Claire Parnet, Dialogues (1977, réed. Flammarion Champs, p. 15)

Le Salon du livre a cette année découvert l’existence des blogs de lecteurs, mais cela a été le plus souvent pour les dénigrer, l’attitude la plus courante consistant à dire que oui, bien sûr, il existait quelques « véritables » critiques littéraires en ligne, par exemple ceux qui l’étaient déjà avant, mais qu'ils surnageaient dans un océan de n’importe quoi, l’essentiel des blogueurs étant illégitimes (pas validés par une autorité), carriéristes (beaucoup espèrent devenir de « vrais » critiques), superficiels, bavards, bêtement fans, narcissiques, etc. etc.

Puisque lignes de fuite appartient (plus ou moins) à cette catégorie, et toutes ces critiques me paraissant relever d'une méconnaissance absolue, je tiens à préciser que pour ma part :

- je ne rêve absolument pas de devenir critique littéraire, car je n’aime pas du tout le côté normatif de cette activité : je ne souhaite pas juger et ne pense pas que mes goûts doivent être ceux de tous ; cela me désobligerait même beaucoup que cela soit le cas.

- je n’essaie donc pas d’écrire des critiques littéraires (je m’efforce, même, de ne pas en écrire) mais juste de faire passer des morceaux de textes, des images et des liens, tout en donnant par quelques mots l’envie d’aller y voir de plus près, si affinités.

- je parle donc essentiellement des livres et des sites que j’aime, ne voyant pas l’intérêt de parler des autres, sinon par masochisme ou, attitude plus répandue, pour s’ériger en juge sévère et craint façon Rinaldi, Naulleau, ou Stalker.

- que je ne fais pas court par défaut mais par choix : pour laisser la place aux textes ; car en tant qu’internaute, je lis rarement les billets qui excèdent un écran ; car, plus généralement, je pense qu’il est souvent plus facile de faire long que de faire court.

::: J’ajoute que je suis heureuse et infiniment honorée que mes lignes de fuite soient l’un des sites favoris d'Éric Chevillard !