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les éléments épars du lieu

Celui qui a offert la cassette des Cowboy Junkies fait des études d'histoire, rêve d'Australie, s'envole pour Canberra et photographie le désert (des souvenirs de rocs, graphiques, de tableaux granitiques) tandis qu'au tabac de la Sorbonne se dessinent les vies de ceux de la Villette. Pour l'instant ils naviguent sur le boulevard Saint-Michel, passent devant Mouna qui arrangue la foule (Mouna badgé de partout, traçant par terre ses slogans moqueurs à la craie, le grand amour des japonais), entrent dans des cinémas où la place ne coûte presque rien, s'affalent dans leurs grands fauteuils déchirés, lardés de coups de couteaux auxquels on a du mal à croire, puis discutent dans la cour d'honneur, les fesses calées sous la statue d'Hugo. Des librairies, des crêperies, un disquaire ; des marchands de frites, des musées, des bureaux de tabac ; des boutiques de photocopies, le vendeur ambulant du Monde, des librairies encore, anciennes, modernes, spécialisées, d'occase : généralement c'est simple, très simple ces balades aériennes où tout le monde vous porte, les amis, les scénarios de films, les bouquins introuvables, la foule. Quand la nuit tombe vous attrapez le 38. Par la vitre, les deux ponts de Paris qui livrent l'île de la Cité, les phares jaunes des voitures sur le quai rive droite vous allègent encore ce demi-cercle tracé de la Conciergerie à la place du Châtelet, compas qui prend la Seine, le ciel jusqu'à la tour Saint-Jacques c'est chez vous. Rien ni personne pour dire le contraire, vous contester la place.
C'est ce qu'il faudrait savoir transmettre (à celui à qui l'on écrit).

Margo chuchote dans « Postcard Blues »
With my head again clear
I think of words to send to you
To coax you bock to my side

Un décor de carte postale, ces deux rives de Seine ?
Peu importe : que ceux qui la veulent la prennent.

Anne Savelli, Cowboy Junkies / The Trinity Session ’til I’m dead (Le Mot et le Reste, Solo, 2008, p. 49-50)

Les trajets, plans-séquences, lumières et lieux d’une belle prose poétique qu’on peut retrouver dans Fenêtres open space, le blog d’Anne Savelli.

Anne Savelli est née en 1967 à Paris, et a publié aussi Fenêtres, open space (Le Mot et le Reste, 2007). Elle est en résidence au 104.

::: un article de Sereine Berlottier pour remue.net.