que ceux qui la veulent la prennent
Par cgat le mardi 9 juin 2009, 01:57 - écrivains - Lien permanent
les éléments épars du lieu
Celui qui a offert la cassette des Cowboy Junkies fait des études d'histoire, rêve d'Australie, s'envole pour Canberra et photographie le désert (des souvenirs de rocs, graphiques, de tableaux granitiques) tandis qu'au tabac de la Sorbonne se dessinent les vies de ceux de la Villette. Pour l'instant ils naviguent sur le boulevard Saint-Michel, passent devant Mouna qui arrangue la foule (Mouna badgé de partout, traçant par terre ses slogans moqueurs à la craie, le grand amour des japonais), entrent dans des cinémas où la place ne coûte presque rien, s'affalent dans leurs grands fauteuils déchirés, lardés de coups de couteaux auxquels on a du mal à croire, puis discutent dans la cour d'honneur, les fesses calées sous la statue d'Hugo. Des librairies, des crêperies, un disquaire ; des marchands de frites, des musées, des bureaux de tabac ; des boutiques de photocopies, le vendeur ambulant du Monde, des librairies encore, anciennes, modernes, spécialisées, d'occase : généralement c'est simple, très simple ces balades aériennes où tout le monde vous porte, les amis, les scénarios de films, les bouquins introuvables, la foule. Quand la nuit tombe vous attrapez le 38. Par la vitre, les deux ponts de Paris qui livrent l'île de la Cité, les phares jaunes des voitures sur le quai rive droite vous allègent encore ce demi-cercle tracé de la Conciergerie à la place du Châtelet, compas qui prend la Seine, le ciel jusqu'à la tour Saint-Jacques c'est chez vous. Rien ni personne pour dire le contraire, vous contester la place.
C'est ce qu'il faudrait savoir transmettre (à celui à qui l'on écrit).Margo chuchote dans « Postcard Blues »
With my head again clear
I think of words to send to you
To coax you bock to my sideUn décor de carte postale, ces deux rives de Seine ?
Peu importe : que ceux qui la veulent la prennent.Anne Savelli, Cowboy Junkies / The Trinity Session ’til I’m dead (Le Mot et le Reste, Solo, 2008, p. 49-50)
Les trajets, plans-séquences, lumières et lieux d’une belle prose poétique qu’on peut retrouver dans Fenêtres open space, le blog d’Anne Savelli.
Anne Savelli est née en 1967 à Paris, et a publié aussi Fenêtres, open space (Le Mot et le Reste, 2007). Elle est en résidence au 104.
::: un article de Sereine Berlottier pour remue.net.
Commentaires
"... qui arrangue la foule". C'est fait exprès (par l'auteur du livre) ou quoi ? Je sais bien que j'emmerde tout le monde avec ces problèmes d'orthographe, mais tout de même...
Pas fait exprès du tout, et nous avons été trois (dont deux correcteurs professionnels) à n'y voir que du feu. Par conséquent, merci de cette harangue !
(et merci à Lignes de fuite, surtout, pour l'extrait...)
par principe je ne corrige pas les citations, mais là je n'avais pas remarqué non plus ... merci fuligineuse et merci Anne, pour le livre qui est très beau même sans h et avec deux r
En tout cas ça ne m'empêche pas d'avoir envie de lire le livre... entre autres, en tant que passagère fréquente de la ligne (de fuite) 38 !
Merci beaucoup à vous deux. Et c'est drôle, c'est précisément cet extrait-là du livre (à partir de l'évocation des librairies) que j'ai choisi de lire samedi dernier au 104 lors d'une thématique "traversée de Paris" (avec passage par le tabac de la Sorbonne). Je conviais les gens à prendre le 38 pour se rendre aux Halles, devant la fontaine des Innocents, pour tout dire...
Bonne journée,
Anne
c'est amusant que je sois tombée sur le même passage, qui m'a plu car j'aime bien me faire dès que possible des traversées de paris son fleuve ses îles en bus ...