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Wenn man doch ein Indianer wäre, gleich bereit, und auf dem rennenden Pferde, schief in der Luft, immer wieder kurz erzitterte über dem zitternden Boden, bis man die Sporen ließ, denn es gab keine Sporen, bis man die Zügel wegwarf, denn es gab keine Zügel, und kaum das Land vor sich als glatt gemähte Heide sah, schon ohne Pferdehals und Pferdekopf.

Christine Bauer lance sur le blog regard au pluriel une invitation à traduire/interpréter ce texte de Kafka ... et je me retrouve à traduire sans doute de manière très inexacte mais avec grand plaisir une langue dont je ne parle pas un mot, ce qui donne :

Faire comme si on était un indien, toujours prêt à s’enfuir sur un cheval fendant l’air pour échapper aux spasmes de la terre, et s’aperçevoir qu’on a perdu ses éperons, car il n’y avait pas d’éperons, qu’on a laché les rênes, car il n'y avait pas de rênes, et que progressivement le paysage virtuel s’efface, se mue en une matrice vide, tandis que l’encolure puis la tête du cheval retournent aux pixels.

Cela me rappelle l’époque où j’attaquais mes versions anglaises ou latines à l’intuition, ce qui produisait des résultats très ... contrastés,
cela me rappelle aussi pourquoi je me méfie des textes traduits,
cela me rappelle que Le Clavier cannibale de Claro attend sagement d’être lu sur une de mes étagères.
et cela me rappelle enfin un autre texte allemand que j'aime beaucoup, dans la traduction où je l'ai rencontré pour la première fois, en exergue d’Histoire de Claude Simon :

Cela nous submerge. Nous l'organisons. Cela tombe en morceaux.
Nous l'organisons de nouveau et tombons nous-mêmes en morceaux.
(traduction de J.F. Angelloz, Aubier bilingue)

le texte allemand, extrait de la huitième des Élégies de Duino (1912-1922, parution 1923) de Rainer Maria Rilke, est :

Uns überfüllts. Wir ordnens. Es zerfällt.
Wir ordnens wieder und zerfallen selbst.

et les autres traductions que j’ai pu en lire, en recherchant la référence de la première, me parlent beaucoup moins, par exemple :

Débordés. Nous mettons de l'ordre. Tout s'écroule.
Nous remettons de l'ordre et nous-mêmes croulons.
(traduction de François-René Daillie, Orphée-La Différence)

En sommes submergés. L'agençons. Sa ruine survient.
L'agençons de nouveau et périclitons nous-mêmes.
(traduction de la Pléiade)

Ce tout nous submerge. Nous y mettons de l'ordre. Il vole en éclats.
Nous l'ordonnons encore : nous volons en éclats nous-mêmes.
(traduction de Jean-Yves Masson, Imprimerie nationale)