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Une tâche scabreuse, marcher sur la pointe des pieds en passant par une poutre vermoulue qui sert de pont ; ne rien avoir sous les pieds ; gratter d’abord la terre avec ses pieds pour rassembler le sol que l’on va fouler ; marcher uniquement sur son propre reflet que l’on voit dans l’eau au-dessous de soi ; maintenir le monde avec ses pieds ; en l’air seulement se tordre les mains afin de pouvoir endurer cette peine. (p. 560)

« Ce n’est pas un mur nu, c’est de la vie très sucrée qu’on a comprimée pour en faire un mur, grain de raisin sur grain de raisin. – Je ne le crois pas. – Goûte. – Je ne peux pas lever la main à force d’incrédulité. – Je porterai le raisin à ta bouche. – Je ne pourrai pas le goûter à force d’incrédulité. – Alors rentre sous terre. – Ne le disais-je pas que devant la nudité de ce mur on ne peut que rentrer sous terre ? » (p. 585-586)

Je sais nager comme les autres, seulement j’ai plus de mémoire qu’eux, je n’ai pas pu oublier l’époque où je ne savais pas nager. Comme je ne l’ai pas oubliée, il ne me sert de rien de savoir nager et malgré cela je ne sais pas nager. (p. 586)

Frantz Kafka, Traductions de Marthe Robert. Œuvres complètes. 2 : Récits et fragments narratifs (Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1980)

::: les « traductions » du fragment « wenn man doch ein indianer wäre... » ont été réunies et mises en page par François Bon dans un très joli petit calaméo.

::: et l'on trouve d’autres fragments narratifs dans le tiers livre.