le défi au labyrinthe
Par cgat le mardi 16 janvier 2007, 00:57 - blogs et internet - Lien permanent
D'une part, il y a l'attitude aujourd'hui nécessaire pour affronter la complexité du réel, en refusant les visions simplistes qui ne font que confirmer nos habitudes de représentation du monde ; ce qui nous sert aujourd'hui, c'est la carte la plus détaillée possible du labyrinthe. D'autre part, il y a la fascination du labyrinthe en tant que tel, de la perte dans le labyrinthe, de la représentation de cette absence d'issues comme véritable condition de l'homme. Nous voulons porter notre attention critique sur la séparation des deux attitudes, tout en ayant présent à l'esprit qu'on ne peut pas toujours les distinguer avec une coupure nette (dans ce qui nous pousse à chercher l'issue, il y a toujours aussi une part (l'amour pour les labyrinthes en eux-mêmes ; et un certain acharnement à trouver l'issue fait aussi partie du jeu de la perte dans les labyrinthes).
Ceux qui croient pouvoir vaincre les labyrinthes en fuyant leurs difficultés restent en dehors ; et demander à la littérature, à partir d'un labyrinthe donné, de fournir la clé pour en sortir est donc une requête peu pertinente. Ce que peut faire la littérature, c'est définir le meilleur comportement possible pour trouver l'issue, même si cette issue n'est rien d'autre que le passage d'un labyrinthe à l'autre. C'est le défi au labyrinthe que nous voulons sauver, une littérature du défi au labyrinthe dont nous voulons dégager le noyau et que nous voulons distinguer de la littérature de la reddition au labyrinthe.Italo Calvino, « Le défi au labyrinthe » (Il Menabo, 5, 1962).
Repris dans Défis aux labyrinthes. Textes et lectures critiques, 1 (Seuil, 2003, p. 115-116)
Constance Krebs publie dans remue.net les réponses à quelques questions qu'elle m'a posé le mois dernier concernant labyrinthe : je les reprends ici avec des liens pour s'orienter.
Commentaires
c'est idiot - dans mon ignorance et ma naïveté je n'avais pas fait le rapport entre ce blog et "labyrinthe", pour lequel je vous remercie
Merci en effet d'ainsi rendre compte (heureux effet entre autres de l'ordre alphabétique) de la disparité de la production contemporaine, qu'on voudrait trop souvent réduire à deux ou trois tendances.
merci à tous les deux ...
vous êtes toute excusée, brigetoun, de n'avoir pas fait le rapport car je ne l'exhibe pas tellement
je saisis l'occasion pour vous remercier de passer si souvent laisser ici un petit mot gentil ... alors que je vous lis avec grand plaisir mais très silencieusement
"L'homme qui ne voit qu'une source ne connaît qu'un orage. Les chances en lui sont contrariées. "
"Nous errons auprès de margelles dont on a soustrait les puits". (René Char)
J'ignorais également que le "Labyrinthe" fût lié à "Lignes de Fuite" jusqu'au jour où, à l'inverse de Brigetoun, je tombai du premier au second : autre ligne de fuite
merci pour ces puits, mais un petit bémol tout de même: on ne pique rien à Deleuze : il n'aurait pas souscrit à la formule....
super, d'autres citations, merci cairo
quant à Deleuze, je ne suis pas d'accord avec toi, et je dégaine une citation que j'affectionne et qui m'autorise à lui voler ses " lignes de fuite " :
" Avoir un sac où je mets tout ce que je rencontre, à condition qu'on me mette aussi dans le sac. Trouver, rencontrer, voler, au lieu de régler, reconnaître et juger. Car reconnaître, c'est le contraire de la rencontre. Juger, c'est le métier de beaucoup de gens, et ce n'est pas un bon métier, mais c'est aussi l'usage que beaucoup de gens font de l'écriture. [...] La justice, la justesse, sont de mauvaises idées. Y opposer la formule de Godard : pas une image juste, juste une image. C'est la même chose en philosophie, comme dans un film ou une chanson : pas d'idées justes, juste des idées. Juste des idées, c'est la rencontre, c'est le devenir, le vol et les noces, cet « entre-deux » des solitudes. "
Gilles Deleuze ; Claire Parnet, Dialogues (1977, réed. Flammarion Champs, p. 15)
En fait j'ai dû mal m'exprimer, ce à quoi Deleuze n'aurait pas souscrit, c'est l'expression que tu emploies dans l'entretien : "piquer lignes de fuite à Deleuze" nous sommes donc d''accord ouf! Ah! le temps de la plume d'oie !