l’écrivain se prend pour la littérature
Par cgat le vendredi 23 mars 2007, 00:10 - écrivains - Lien permanent
L’écrivain est un personnage à peu près seul. Animal parfois médiocre, toujours isolé sur son radeau. Il n’a rien à faire avec personne. L’écriture repliée sur elle-même comme un chat roulé en boule au soleil. Ceux qui voyagent, ceux qui ne quittent jamais leur rue, célibataires ou pères de famille nombreuse. L'écriture est toujours une solitude insoluble dans la fréquentation des autres. Personne ne peut rien pour vous, et même l’écriture est indifférente, sourde aux sanglots des soldats qui montent à l’assaut la peur au ventre. Si vous écrivez, mieux vaut être un héros ou avoir l’audace des fous. Méditer sur l’écriture avant d’écrire, est une façon de ne pas écrire. Les méditateurs, la littérature leur tire douze balles dans le dos. (…)
- La littérature est mégalomane.
- Et de surcroît, l’écrivain se prend pour la littérature. La littérature qui s’imagine éternelle au milieu des galaxies et du temps. L’écrivain est un petit monsieur.
- En ce qui me concerne, je ne suis guère plus grand qu’un tabouret de comptoir.Régis Jauffret, Microfictions (Gallimard, 2007, p. 509-510)
Régis Jauffret est le lauréat du Prix France Culture Télérama 2007 pour son roman Microfictions.
Le site de Télérama propose deux vidéos où l'auteur présente son livre et lit quatre de ses « microfictions » les plus réussies.
Commentaires
si entendre un écrivain parler de son oeuvre est une raison suffisante pour avoir envie de la lire, c'est fait, si c'est une garantie du plaisir ou de l'intérêt à la lire j'attendrai pour en décider en c qui me concerne
je ferai lire cet extrait à mon épouse anglaise qui écrit en français depuis des décénies (avec modestie) et vient d'être publiée pour la première fois.
Il y a là quelques lignes qui font du bien à lire.
je vous incite à lire toutes ces "microfictions", que je trouve davantage drôles et poignantes que déprimantes (reproche que l'on fait régulièrement à Jauffret) ... mais c'est peut-être parce que je suis aussi tordue que lui !
Tordue ? Dans quel sens ?...
Le Petit Robert 2007 (je viens de faire l'acquisition de la nouvelle version électronique, très bien faite) dit :
"Qui est dévié, tourné de travers; qui n'est pas droit, suit une ligne sinueuse. Fig. Avoir l'esprit tordu, bizarre, mal fait, compliqué."
c'est tout moi, trouvé-je !?... les lignes de fuite peuvent aussi suivre des lignes sinueuses
"l'ecriture repliee sur elle-meme comme un chat roule en boule au soleil", j'ai du ma à comprendre, j'avoue :) en tout cas mercip our ce billet intéressant ! c'est toyjours sympathique de passser sur ce blog :)