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Ariel Kyrou cite aussi souvent Bernard Stiegler, par exemple, à propos de la « science-fiction »  :

Les êtres humains sont artificieux et techniques en ce sens qu'ils ne trouvent pas leur être à l'intérieur d'eux-mêmes mais au milieu des prothèses qu'ils fabriquent, qu'ils inventent : cela veut dire qu'ils sont libres et en même temps voués à l'errance, ce que j'ai appelé la désorientation originaire. Ils ont à inventer leur être-là, leur existence. (...)

La science devenue technoscience explore les possibles et les réalise sous forme de fictions au sens ou tout artefact a partie liée à la fiction : elle devient ainsi une science-fiction, qui n'est plus guidée par un critère de vérité issu d'un ciel des idées, c'est-à-dire des modèles que les essences formaient dans le platonisme. Cela signifie qu'il faut reconsidérer en profondeur la question de la fiction en général, et son rapport à la vérité. J'ai essayé, dans mon propre travail, d'en tirer les conséquences et, en particulier, comme passage d'une science conçue comme description de l'être à une science conçue comme inscription de nouveaux possibles, cela constituant la technoscience à proprement parler. La question n'est pas de refuser ce devenir : il ne fait en fin de compte que déployer ce qui est contenu dans le caractère originairement hypomnésique de tout savoir. La question est, en revanche, désormais, de savoir distinguer entre bonnes et mauvaises fictions, et d'apprendre à penser une vérité qui ne serait pas l'opposé de la fiction, mais composée de fictions.

Bernard Stiegler, Philosopher par accident. Entretiens avec Élie During (Galilée, 2004, p. 45 et p. 122)