Découvert par ricochet dans une des œuvres de Daniel Spoerri, une composition intitulée également « Le bonheur de ce monde » (1960-1971), en forme d’horrible maison de poupée remplie de pièges à rats, parmi lesquels est affiché ce poème, un sonnet de Christophe Plantin (1514-1589), surtout connu comme imprimeur et typographe :

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Le bonheur de ce monde

Avoir une maison commode, propre et belle,
Un jardin tapissé d'espaliers odorans,
Des fruits, d'excellent vin, peu de train, peu d'enfans,
Posséder seul sans bruit une femme fidèle,

N'avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
Ni de partage à faire avecque ses parens,
Se contenter de peu, n'espérer rien des Grands,
Régler tous ses desseins sur un juste modèle,

Vivre avecque franchise et sans ambition,
S'adonner sans scrupule à la dévotion,
Dompter ses passions, les rendre obéissantes,

Conserver l'esprit libre, et le jugement fort,
Dire son chapelet en cultivant ses entes,
C'est attendre chez soi bien doucement la mort.

... conclusion dont je me dis que la signification au XVIe siècle était probablement (mais peut-être me trompé-je ?) positive, alors qu’elle est aujourd’hui (en nos temps de réalisation de soi) désespérante.

illustré par « ça crève les yeux que ça crève les yeux » (1966) de Daniel Spoerri