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À la demande générale, encore un peu de littérature subversive : dans un court texte écrit d’un seul jet le 15 février 1921, le peintre et théoricien Kazimir Malevitch se livre à une réhabilitation de la paresse « mère de la perfection », non sans prendre malicieusement l’exemple du modèle de perfection que les hommes se sont donné, Dieu lui-même :

Le travail doit être maudit, comme l’enseignent les légendes sur le paradis, tandis que la paresse doit être le but essentiel de l’homme. Mais c’est l’inverse qui s’est produit. C’est cette inversion que je voudrais tirer au clair. (p. 12)

L’argent n’est rien d’autre qu’un petit morceau de paresse. Plus on en aura et plus on connaîtra la félicité de la paresse. (p. 16)

L'homme, le peuple, l'humanité entière se fixent toujours un but et ce but est toujours dans le futur : un de ces objectifs est la perfection, c'est-à-dire Dieu. L'imagination humaine l'a décrit et a même donné le détail des jours de la création, d'où il ressort que Dieu construisit le monde en six jours et que le septième il se reposa. Combien de temps ce jour se prolonge-t-il, on ne le sait pas, mais en tout cas, le septième jour est celui du repos. On peut admettre que le premier moment de repos soit un repos physique, mais en réalité, il n'en a pas été ainsi : s'il avait dû construire l'univers en effectuant un travail physique, Dieu aurait dû travailler autant qu'un homme ; il est clair qu'il ne s'agissait pas d'un travail physique, et qu'en conséquence il n'avait pas besoin de se reposer. Pour effectuer sa création, il n'avait qu'à prononcer les mots « Que cela soit » : l'univers dans toute sa diversité a été créé en répétant six fois « Que cela soit ». Depuis ce temps, Dieu ne crée plus, il se repose sur le trône de la paresse et contemple sa propre sagesse. (p. 29-30)

Ainsi se justifie la légende de Dieu comme perfection de la « Paresse ». (p. 32)

Kazimir Malevitch, La Paresse comme vérité effective de l’homme (1921) (Allia, 1995)