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Ou alors, un autre jour, je marcherais dans la rue avec maman qui me tiendrait par la main, et la police française arracherait ma main et emmènerait maman qui n'aurait pas le temps de m'embrasser avant d'aller mourir dans des chambres à gaz... comme les parents d'Anna pendant la Guerre mondiale... Plus de maman... Je marcherais toute seule en haillons dans la rue comme une pauvre orpheline... Plus de maman ... Je pourrais jouer avec ses chaussures et ses bijoux sans qu'elle m'emmerde... Je serais membre d'honneur du Club des amies de Barbie, j'aurais les cheveux blonds et longs jusqu'aux fesses, j'aurais toujours l'air triste et on me dirait que je suis une belle orpheline... Elle rejoindrait mamie au ciel, elle me laisserait seule, et elle serait bien contente de retrouver sa maman là-haut... Maman serait au cimetière... Plus jamais au téléphone dans son lit. À ce moment-là, maman s'est mise à cogner sans arrêt à ma porte. (p. 37-38)

J'ai remarqué que quand on est triste ou qu'il y a une mauvaise nouvelle, la vie autour ne change pas. Comme le jour où mamie est morte, j'étais dehors, et il y avait du vent, et quand on m'a dit que mamie était morte, il a quand même continué à y avoir du vent dans mes mollets. Quand on est triste, les objets ne sont pas tristes, ils font comme si de rien n'était, et ça, ça me rend encore plus triste. (p. 98)

Raphaële Moussafir, Du vent dans mes mollets (Intervista, Les Mues, 2006)

Ces deux jolis petits livres aux couvertures et aux titres amusants de Raphaële Moussafir, Du vent dans mes mollets (2006) et sa suite, Et pendant ce temps-là, les araignées tricotent des pulls autour de nos bilboquets (Intervista, Les Mues, 2007) sont des textes à dire sur scène, qui empruntent sans caricature ni mièvrerie la voix d'une petite fille.