observer les bestioles dans le tgv
Par cgat le mardi 15 avril 2008, 01:22 - écrivains - Lien permanent
Le garçon s'était planté face à la vitre de la portière, les mains accrochées aux poches par les pouces. Plus jeune, on avait dû lui faire pratiquer le rugby, le water-polo, ou le hockey sur glace. Un sport pour apprendre le sens de l'affrontement, la retenue en cas d'échec, l'esprit d'équipe, toutes notions restées floues, sans application directe, sauf la posture des pouces accrochés aux poches, genoux souples, épaules basses en réserve. Elle, son amie, avait appris de sa mère comment montrer qu'on a tout en gardant l'air de rien, comment se tenir sous l'ombre dune varangue en observant ceux qui brûlent vifs sous le soleil, et rester sur cette fine lisière, le bout des doigts de pieds exposé à la chaleur, mais la nuque baignée de fraîcheur. (p. 38)
Autour de nous, les hommes habillés en hommes qui travaillent se tiennent comme des hommes qui sont en ce moment même, là, en plein travail ; ils consultent leur ordinateur portable ou discutent avec un autre gars en plein travail. Le fait que certains n'aient pas de cravate n'y change rien. On voit bien que de toute façon ils maîtrisent le port de la cravate, à tel point qu'ils s'autorisent parfois à l'enlever et à la mettre dans la poche, le temps du trajet en train par exemple. Ils sont prêts à la remettre, ils sauront quand ce sera le moment, ils font ça sans y penser. (p. 51)
Cécile Reyboz, Chanson pour bestioles (Actes sud, 2008)
Ces citations pour saluer un autre prix, dont je n'ai pas parlé encore car son côté prix de femmes ne me plaît pas tellement ; mais le Prix Lilas a été décerné le 26 mars dernier à Cécile Reyboz pour son beau roman Chanson pour Bestioles.
Commentaires
Citations fort agréables, j'aime ces instants muets.
"Ce sont les femmes qui font les succès de librairie. Leurs goûts les portent vers les romans policiers écrits par de vieilles Anglo-saxonnes et les romans pleins d’émotion et de vraie vie produits localement. Pendant ce temps-là les hommes, qui ne sont pas tombés aussi bas, se passionnent pour le fric et le foot."
(Je ne résiste pas à l'envie de glisser cette petite citation - dont vous reconnaîtrez sans peine l'auteur.)
bien vu ! mais j'ai préféré, la nuit dernière, les fragments 1 et 2 :
"Je décris mon mal en faisant usage des termes médicaux appropriés, mais le médecin semble passablement agacé par ma maîtrise de sa langue en quoi consistait sans doute tout le soin qu’il comptait me prodiguer. (...)
Cette page quotidienne rencontre un succès qui me vexe. Voudrait-on perfidement me faire savoir que mes travaux d’écritures ne sont lisibles qu’à dose homéopathique ?"
Moi aussi, en fait ; mais celui-là allait bien avec vos réticences lilas, et même avec les cravates maîtrisées de Cécile R.
la source, tout de même, pour ceux qui d'aventure ne connaîtraient pas encore l'autofictif d'Eric Chevillard :
http://l-autofictif.over-blog.com/