le poète-de-merde
Par cgat le samedi 31 mai 2008, 00:12 - écrivains - Lien permanent
1. Il faudrait d'abord imaginer le poète-de-merde, à sa table de bureau, tapant sur son ordinateur portable ses poèmes-de-merde.
2. Il faudrait aussi imaginer que le poète-de-merde habite seul, dans une petite ville universitaire de province de moins de 300 000 habitants, qu'il n'a pas de copine, qu'il vit chichement, mais en dépensant beaucoup trop, de son rmi et de ses 200 euros mensuels que lui file son père veuf, qui est à la retraite depuis peu.
3. Le poète-de-merde a le plus souvent moins de trente ans. Après trente ans, en général, il n'est plus poète-de-merde, c'est-à-dire qu'il est, en général, soit déjà mort (par suicide), soit déjà poète.
4. Il faudrait tout aussi imaginer, pour commencer, que le poète-de-merde ne vit, ne pense, et ne dort, et ne chie que pour son art (avec un grand A) : la poésie. Sans elle, point de salut dirait-il. Il est, dans ces instants-là, toujours légèrement agaçant (et prétentieux).
5. Le poète-de-merde est un loser fini. Hyper prétentieux et vachement arrogant. Il ne finit jamais ce qu'il entreprend. Mais il aime se lover dans la posture de l'artiste maudit. Loser pour lui c'est pour la vie. Son caractère : sentimental.
6. Le poète-de-merde ne sait pas que ses poèmes sont des poèmes-de-merde. C’est même pour cela qu'il est poète-de-merde. Tout ce qu'il veut c'est qu'un éditeur prestigieux, ou tout du moins assez prestigieux à-ses-yeux, s'intéresse à ses poèmes-de-merde. Il sait quand même que ce n'est pas gagné.
7. Le poète-de-merde fait de la poésie contemporaine car il sait que les poètes modernes sont moins nombreux que les romanciers (modernes) et qu'il pourra, s'il le peut, s'extraire plus facilement du lot. C'est ce qu'il croit. (...)
Sylvain Courtoux, « Introduction à une théorie du poète-de-merde », Faire le vide. Action restreinte, 10, second semestre 2008, p. 53-54
Sylvain
Courtoux est né en juin 1976 à Bordeaux.
(il a donc plus de trente ans, c'est rassurant!)
Il a publié :
- (i.e.) (Aencrages & Co, 1999)
- Action Writing (manuel) (Dernier Télégramme, 2006)
- Nihil, inc. (Al Dante, 2008)
- Vie et mort d'un poète (de merde) (Al Dante, 2008)
::: superfutur et confusion is text, les blogs de Sylvain Courtoux et Emmanuel Rabu
::: des extraits de Nihil, inc., dans remue.net (2004) et la revue TINA
::: et surtout, le clip, « La poésie c'est ma ptite amie », tiré de l'album : Vie et mort d'un poète (de merde) (New Al Dante, 2008)
Commentaires
Excellent ! Je veux lire la suite.
On y reconnaît déjà des floppées de gens...
Et même la possibilité (toute théorique) que des poètes arrivés et d'un certain âge (donc plus de-merde, voire bien assis dans le monde de l'édition ou de l'université, par exemple) écrivent et publient toujours des poèmes-de-merde ! Le cas échéant, si cela arrivait, ils seraient encore pires que les poètes-de-merde, non ?
optimime du trois, il y a une autre possibilité : marié et plus poète (ou pas marié)
le cas zéchéant, cela doit arriver en effet ... tu as des exemples, Berlol ?
il y a aussi l'écrivain de merde et l'artiste de merde qui eux n'ont pas d'âge.
Ca a l'air plutôt plein de tripes. En effet, la poésie a ce mérite, on peut jouer avec la forme, jouer quoi !, se prendre au sérieux sans pouvoir l'être, et puis avec la mort de la versification, avec la prose qui contamine tout, c'est plus facile de décliner trois ou quatre impressions et de clore.
Il va de soi que construire un roman plein de pierres qui doit tenir debout sur 500 pages, c'est tout de suite plus décourageant.
Mais, il y a aussi les romanciers de merde. Une histoire, 300 pages, top chrono. Jennifer regarda Jonathan dans les yeux pour lui faire part de son étonnement (tiens ? un début de roman)...
Ecrire, c'est être un peu escroc dans le fond, et héhé, c'est ça qu'est bon...
PS - chouette blog au fait...
merci pour le ps Dorham !
... et tout à fait d'accord avec l'aphorisme qui précède
Ho là, non, pas d'exemple ! J'ai déjà assez de galères sur les bras ! Et puis moi et la poésie, tu sais...