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Ça y est
C'est fait
Icare décroche

Piqué
En chute libre
Cheveux plaqués sur les tempes
Souffle coupé
Larmes aux yeux
Comme quand penché
À la vitre des trains
- Comme un long train en chute libre
- Comme respirer dans le phare trop fort d'un ventilateur
Locomotive sans rail vitesse grand V
pour grand Ventilateur
Espace glacé vertical froid
Grand bruit de voiles
Qui claquent
Rafales
Rafales
Dans l'espace glacé vertical froid solitaire
Personne ne vous entend vous taire
Neige qui remonte du sol
transmigration des âmes ?
Grande goulée de ciel opalescent
Piste blanche verticale

Coup d'œil sur l'altimètre
Deux mille pieds

Je fonce
Tête en avant
Pivot
Mains croisées derrière le dos
Cou tendu
Menton contre le plexus
Regard vers l'arrière
ta ligne de fuite
Pieds Joints
Cheville contre cheville
Pointes des pieds tendues
J'accélère
Le ciel vide se dérobe

Première percée du plafond nuageux
Virevolte
Coup d'œil sur mon ventral
Impeccable
Ultraléger, lycra noir élégant
Type espion qui venait du froid
poignées en titane iridié
Titane iridié
Pour ciel grand sans pupille
(de son père il retient le goût d'être dans le vent)

Je glisse

Corps de glisse
lissé
Comme les plumes de l'oiseau
Serpent des airs
Collant de cycliste en nylon
Avec ses renforts stretch
aucune prise à l'air
(de son père il retient l'amour des techniques
et du travail bien fait)
C'est la peau du serpent noir
Je croise un corbeau
Jaloux de leur texture
Hydrorésistante
À chacun ses ailes mon vieux

Je glisse

Je me lâche

Martin Rueff, Icare crie dans un ciel de craie (Belin, L’extrême contemporain, 2008, p. 23-24)

::: Angèle Paoli, « icaro, è l’ora » (Poezibao)