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N) Questions

Penser/classer
Que signifie la barre de fraction ?
Que me demande-t-on, au juste ? Si je pense avant de classer ? Si je classe avant de penser ? Comment je classe ce que je pense ? Comment je pense quand je veux classer ?

S) Exercices de vocabulaire

Comment pourrait-on classer les verbes qui suivent : cataloguer, classer, classifier, découper, énumérer, grouper, hiérarchiser, lister, numéroter, ordonnancer, ordonner, ranger, regrouper, répartir ?
Ils sont ici rangés dans l'ordre alphabétique.
Ces verbes ne peuvent pas tous être synonymes ; pourquoi aurait-on besoin de quatorze mots pour décrire une même action ? Donc ils sont différents. Mais comment les différencier tous ? Certains s'opposent d'eux-mêmes, tout en faisant référence à une préoccupation identique, par exemple, découper, qui évoque l'idée d'un ensemble à répartir en éléments distincts, et regrouper, qui évoque l'idée d'éléments distincts à rassembler dans un ensemble.
D'autres en suggèrent de nouveaux (par exemple : subdiviser, distribuer, discriminer, caractériser, marquer, définir, distinguer, opposer, etc. ), nous renvoyant à ce balbutiement initial où s'énonce péniblement ce que nous pouvons nommer le lisible (ce que notre activité mentale peut lire, appréhender, comprendre). (p. 154-155)

C) Les classifications

Il y a un vertige taxonomique. Je l'éprouve chaque fois que mes yeux tombent sur un indice de la Classification Décimale Universelle (C.D.U.). Par quelles successions de miracles en est-on venu, pratiquement dans le monde entier, à convenir que :
668.184.2.099
désignerait la finition du savon de toilette et
629.1.018-465
les avertisseurs pour véhicules sanitaires, cependant que :
621.3.027.23
621.436:382
616.24-002.5-084
796.54
913.15
désignaient respectivement : les tensions ne dépassant pas 50 volts, le commerce extérieur des moteurs Diesel, la prophylaxie de la tuberculose, le camping et la géographie ancienne de la Chine et du Japon !

O) Les hiérarchies

Il y a les sous-vêtements, les vêtements et les survêtements, cela sans idée de hiérarchie. Mais s'il y a des chefs et des sous-chefs, des sous-fifres et des sous-ordres, il n'y a pratiquement jamais de sur-chefs ou superchefs ; le seul exemple que j'ai repéré est « surintendant », qui est une appellation ancienne ; d'une manière plus significative encore, il y a dans le corps préfectoral des sous-préfets, au-dessus des sous-préfets des préfets, et au-dessus des préfets, non pas des sur-préfets ou des super-préfets mais, qualifiés d'un acronyme barbare apparemment choisi pour signaler qu'il s'agit de grosses légumes, des « IGAMES ».
Parfois même le sous-fifre persiste même après que le fifre a changé de nom ; dans le corps des bibliothécaires, il n'y a précisément plus de bibliothécaires ; on les appelle conservateurs et on les classe en classes ou en chef (conservateur de deuxième classe, de première classe, de classe exceptionnelle, conservateur en chef) ; par contre, dans les bas étages, on continue d'employer des sous-bibliothécaires. (p. 162-163)

Georges Perec, Penser/Classer (1982) (Hachette, Textes du XXe siècle, 1985)

Encore un peu de Perec, pour le plaisir et car les bibliothécaires qui me lisent apprécieront sûrement (... et les autres aussi) !

Et puisque tiers livre m'a fait rougir ce matin, je recommande à mon tour quelques jardins paysagers en forme d'univers Netvibes : 130 blogs littérature & Internet, Liminaire, Les Flux Litor, La Bibliosphère du Bibliobsédé, les liens de Blandine Longre, et quelques autres listés là (liste à compléter, bien entendu).