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De l'autre côté de l'écran, Nuno se sent de plus en plus seul. Il est tard dans la nuit. Il finit par se déconnecter de Paridaiza et prend un gros livre à la couverture blanche dans sa bibliothèque. Si aucun événement ne vient dans les jours suivants donner une inflexion à son existence, il ne lui restera plus qu'à apprendre par cœur ces lignes du philosophe Heidegger : « La fuite, le travers, les apparences, l'égarement sont aujourd'hui renforcés... Sommes-nous devenus nous-mêmes à ce point insignifiants que nous ayons besoin d'un rôle ?... Est-ce parce que s'ouvre devant nous, à partir de toutes choses, une indifférence dont nous ne connaissons pas la raison ? » Dans le silence nocturne, il relit plusieurs fois ces mots opaques qui glissent comme des pierres incandescentes au creux de son ventre.
Ce qui est certain, c'est que, malgré Paridaiza, il s'ennuie un peu sans Clara et aux archives de l'Arsenal. L'ennui, se dit-il, vient de ce que l'âme, souffrant de ses possibilités restées en friche et ralentie par l'indécision, finit par tomber dans le puits du vide, au fond duquel il y a encore davantage de possibilités en friche, ce qui est très ennuyeux, etc.
À moins que l'ennui, cet engourdissement qui a la saveur de la poussière, ce soit de ne pas voir que nous sommes le puits et les possibilités en friche ?

Luis de Miranda, Paridaiza (Plon, 2008, p. 49)