lignes de fuite

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dimanche 26 novembre 2006

une zone déjà notre

Un nouveau magazine littéraire annoncé comme bimestriel et baptisé sans recherche d'originalité inutile Le magazine des Livres est né. Son originalité revendiquée est d'être écrit par des écrivains, même si plusieurs d'entre eux sont d'abord journalistes. On trouve toutefois dans l'ours plusieurs auteurs dont on lit avec plaisir les blogs (ce qui est de bon augure) : Frédéric Ploton, Adeline Bronner, Stéphane Berthomet, Marc Alpozzo, Pierre Cormary, Frédéric Vignale, Philippe Di Folco ; l'équipe est dirigée par Joseph Vebret, journaliste, romancier et directeur de collection aux éditions de l’Archipel.

C'est donc très logiquement que le magazine offre une chronique intitulée « Livres & Internet », confiée à Frédéric Ploton. Au menu de la première chronique, trois blogs qui sont depuis quelques temps déjà dans mon blogroll : La république des livres de Pierre Assouline, La littérature, de l'« écrivain mystère », et La feuille, blog collectif sur l'actualité de l'édition.

Autre point positif, le premier billet en forme de profession de foi s'ouvre par une belle citation du journal de Cesare Pavese :

Quand nous lisons, nous ne cherchons pas des idées neuves, mais des idées déjà pensées par nous, à qui la page imprimée donne le sceau d'une confirmation. Les paroles d'un autre qui nous frappent sont celles qui résonnent dans une zone déjà notre - que nous vivons déjà - et la faisant vibrer nous permettent de saisir de nouveaux points de départ au dedans de nous. (Le métier de vivre, 3 décembre 1938)

vendredi 24 novembre 2006

critique et contemporains

Excellente initiative d'une équipe d'enseignants québécois, autour de René Audet, le site :

Auteurs.contemporains.info

est une banque de données collaborative qui se propose d' « identifier et de rassembler la documentation critique sur les œuvres des auteurs contemporains » ; il s'agit d'écrivains français et francophones contemporains (depuis 1980) et « par documentation critique, on entend ici non pas la réception immédiate des œuvres (dans les journaux, dans les périodiques culturels), mais plutôt les lectures critiques, les analyses publiées dans des revues savantes, des thèses, des monographies et des collectifs ». À noter dans vos tablettes ...

jeudi 23 novembre 2006

une ligne va voir

paul_klee_labyrinthe_d_truit_1939.jpg

Une ligne rencontre une ligne. Une ligne évite une ligne. Aventures de lignes.
Une ligne pour le plaisir d'être ligne, d'aller, ligne. Points. Poudre de points. Une ligne rêve. On n'avait jusque-là jamais laissé rêver une ligne.
Une ligne attend. Une ligne espère. Une ligne repense un visage.
(…) Voici une ligne qui pense. Une autre accomplit une pensée. Lignes d'enjeu. Ligne de décision.
Une ligne s'élève. Une ligne va voir. Sinueuse, une ligne de mélodie traverse vingt lignes de stratification.

Henri Michaux (Passages, Gallimard, « L'Imaginaire », 1963, p.115-116)

(Michaux évoque les lignes de Paul Klee - dont le tableau reproduit ci-dessus s'intitule « Labyrinthe détruit » (1939) ! - pas les miennes, mais bon ...)

mardi 21 novembre 2006

quelques chiffres

Livres Hebdo fournit dans son dernier numéro paru (n° 666, 17 novembre 2006) quelques chiffres édifiants :

Deux mois de rentrée littéraire, 683 romans, mais, finalement, combien ont réellement eu leur chance ? Comment les médias - télévision, radio, presse, Web (1) - parviennent-ils à trier, digérer et mettre en scène cette accumulation de livres ? En épluchant les sommaires de 31 journaux et émissions de radio et de télévision, on aboutit à un premier constat, qui étonnera : 333 (2) romans français et étrangers, soit environ un sur deux, ont été cités, aimés, débattus au moins une fois depuis la rentrée. En revanche, seulement un roman sur dix a été correctement promu - par dix supports et plus. Dans Lire, Frédéric Beigbeder décrivait ainsi le métier de critique : « Allez, je vais y arriver, je vais réussir à faire mon job de portier artistique, mon sale boulot de trieur de textes bidon avec professionnalisme. OK, je saurai laisser une chance à chaque ouvrage, peu importe s'il y en a 683. Je peux bien consacrer une minute à chaque livre, c'est-à-dire 683 minutes de ma vie à cette rentrée. Que sont 683 minutes? Onze heures. » (p. 74)

dit le début de l'article. Un camembert présente ensuite des pourcentages plus précis :

6 % des romans ont fait l'objet de plus de 10 citations (soit 17 romans)
15 % de 5 à 10 citations
38 % de 2 à 4 citations
41 % ont eu droit à 1 citation
49 % n'ont pas été cités du tout.

Sur 97 premiers romans 32 seulement ont fait l'objet d'au moins une critique. Curieusement Jonathan Littell n'est pas en tête (18 articles), mais seulement troisième après Michel Schneider (20) et Christine Angot (19). Le quatrième est un autre premier roman, celui de Jean-Eric Boulin. Enfin je me réjouis, tout de même, de trouver Eric Chevillard (22e ex-aequo avec 9 articles) parmi les 25 romanciers les plus chroniqués.

note de l'auteur de ce blog :
(1) de fait, on parle fort peu du web dans cet article, et essentiellement pour citer le blog de Pierre Assouline, ce qui est un peu limité tout de même. Si, comme on le dit aujourd'hui à propos de politique par exemple, les blogs ont de plus en plus d'influence, peut-être certains d'entre nous corrigent-ils ces chiffres, et rattrapent-ils des oublis.
(2) soit 666 divisé par deux, c'est à devenir numérologue !

lundi 20 novembre 2006

blogospherus

Bon, c'est raté, je ne ferai pas partie des premiers à l'avoir repérée, mais cette bouteille à la mer (née le 16 novembre dernier et découverte ce soir grâce à affordance.info) qui se demande si « la blogosphère est réelle », en appelle au « peuple des connecteurs » et se décrit comme le « premier test de viralité pure de la blogosphère francophone » m'intéresse :
relayons, donc ... et attendons la suite.

dimanche 19 novembre 2006

une terrible colère

J'aime que, comme moi, Avital Ronell affectionne les parenthèses (oisives, dit-elle dans celle-ci, sur le travail) et les tirets, et toutes sortes de ponctuation :

On dit que la télévision rend idiot : n'importe quel genre de répétition mécanique peut inoculer le virus de la bêtise. (Ce qui m'inquiète en tant que témoin de la vie sociale de mes contemporains, c'est de voir à quel point le travail rend les gens stupides et les prive de formes essentielles de non-production, comme le loisir, la méditation ou le jeu. Il est devenu éthiquement nécessaire de trouver un moyen d'affirmer rigoureusement la valeur du non-travail, voire de subventionner le repos, la paresse, la fainéantise, sans succomber aux dévaluations ou aux criminalisations si courantes dans la logique des autres « activités » - le far niente de Rousseau. Mais l'éthique, elle aussi, est un travail ; aussi laissez-moi simplement poser ce postulat dans l'espace oisif de cette parenthèse, et refuser l'excès éprouvant des affres du labeur, y compris le labeur de la négation. Il faut bien comprendre que la réduction de la figure humaine au travail fait de l'humain l'équivalent d'une bête de somme. Le travail, servile par nature et qui suppose la docilité, se trouve au cœur de l'expérience moderne de l'aliénation ; il est inhumain et antisocial. (…)) (Stupidity, p. 98-99)

et n'hésite pas à évoquer (ce qui en général ne se fait pas dans un essai philosophique) ses états d'âme et de corps :

Il est rare qu'un écrivain avoue l'humeur, l'état d'âme ou l'état d'esprit dans lesquels se produit l'acte d'écrire. Parfois, l'humeur, la Stimmung, le ton et le timbre restent ignorés de l'écrivain elle-même, ou celle-ci néglige un mal de tête et continue d'écrire, ou quelque chose encore le rend inquiet, qu'il essaie de supprimer à mesure qu'il poursuit sa tâche. Ou bien elle presse sa main contre sa poitrine, à l'intérieur, au cœur, pendant qu'il écrit et tente d'évacuer le sentiment qui l'envahit d'une perte du monde. Il est aussi des moments où écrire vous remplit d'euphorie et fait naître un univers, peuplant soudain votre désert d'une musique et de compagnons venant se substituer au monde perdu et silencieux. De quelles sortes de contingences ce climat intérieur peut-il dépendre, cela reste un mystère, mais j'ai pris quant à moi l'habitude de répertorier mes humeurs et de contrôler les voies par où transite l'énergie toutes les fois que je m'avance vers vous, jour après jour, quelques heures chaque jour, essayant de comprendre avec une inévitable lenteur, une manière de timidité (mais qui doit prendre sa source dans une violence étouffée, car je suis, pour un être humain, si pacifique et si gentille - tout le monde en fait la remarque ; tout le monde me dit - compte tenu de mon histoire, c'est vraiment mystérieux - que je dois dissimuler une terrible colère). (Stupidity, p. 109-110)

samedi 18 novembre 2006

je suis idiot devant l'autre

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Avital Ronell est née à Prague en 1953 de parents diplomates Israéliens. Elle a étudié l'herméneutique à Berlin, travaillé notamment avec Derrida et obtenu un doctorat à Princeton. Elle enseigne l'anglais, l'allemand et la littérature comparée à la New York University.

Aucun de ses essais, qui creusent les failles du quotidien, s'interrogent sur nos machines modernes et s'appuient sur la lecture attentive de très nombreux écrivains, n'était jusqu'alors traduit en France. Viennent de sortir Stupidity (Stock) et Telephone book (Bayard), ainsi que American philo, entretiens avec Anne Dufourmantelle (Stock). Encore quelques extraits :

Reformuler la question de la bêtise est ainsi une autre façon de lancer ce défi interrogateur : Was heisst Denken ? Qu'appelle-t-on penser ? Ou plutôt : comment se fait-il que nous ne pensions toujours pas ? (...)

Situer l'espace de la bêtise a toujours fait partie d'un répertoire qui s'imposait à toute activité intelligente - et, finalement, stupide - cherchant à s'établir elle-même et à territorialiser ses découvertes. La parenté de la bêtise avec l'intelligence et, ce qui aura peut-être des conséquences encore plus importantes, le statut des nuances, des usages, des crimes et des appréciations de la bêtise elle-même demeurent largement absents de la réflexion contemporaine.(...)

Si l'on devait résumer en termes éthiques la seule position possible au regard de cet être toujours en instance d'arriver, ce serait de la façon suivante : je suis idiot devant l'autre.

(Stupidity, p. 44-45, p. 63 et p. 105)

On peut lire en français deux articles :
Omar Berrada, « Avital Ronell : La philosophe à venir », L'Humanité, 4 novembre 2006
Robert Maggiori, « La carte Avital Ronell », Libération, 28 septembre 2006

vendredi 17 novembre 2006

quiconque prétend écrire

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(...) la bêtise détermine l'état d'esprit qui afflige quiconque prétend écrire. Dans la mesure où l'écriture semble être réquisitionnée par quelque altérité intérieure qui s'avère toujours trop immature, plutôt forte en gueule, et souvent encombrée d'un désordre narcissique prononcé, quelle que soit d'ailleurs votre envie de vous cacher ou de vous isoler ; dans la mesure, encore, où le créateur en vous est en réalité trop intelligent pour les stupides postulats de la langue, trop mûr même pour les ruses du surmoi, et bien trop calme pour tenter de mettre en mots le Dire; dans la mesure, enfin, où l'écriture vous fait sans cesse vivre le drame de l'objet perdu mais jamais assez perdu, vous sommant une fois de plus de vous engager dans d'inutiles poursuites et de considérables régressions, tout cela se déroulant devant le sinistre tribunal du surmoi, composé de professeurs, de collègues, de tous ceux qui vous ont laissé tomber, et d'étudiants malintentionnés essayant de vous surclasser (ils font parfois relâche, mais pas si souvent que ça) - pour toutes ces raisons, donc, et pour bien d'autres encore (des raisons plus raisonnables qui m'échappent momentanément), l'écriture vous livre à l'expérience de votre propre bêtise. L'étau se resserre encore quand vient le moment de publier ce que vous avez écrit, de le soumettre à un jugement sans fin. La folie de la publication, associée au sentiment de bêtise absolue qui vient du fait de vous mettre vous-même en première ligne - de toute façon, qui s'en soucie ? et Heidegger est toujours en train de contempler la ligne, mais quelle ligne ? - , vous fait toujours errer dans les limites de l'incertaine justesse de ce qui a été dit.

Avital Ronell, Stupidity (2001) (Stock, 2006, p. 51-52)

jeudi 16 novembre 2006

gogol. 2

François Bon s'interroge sur BigDaddy et met fort opportunément un visage (ainsi que d'autres visages moroses dans une réunion qui a l'air aussi chiante que les notres) sur le mythique et monstrueux Google qui hante le jardin de la connaissance. À lire aussi, sur l'ogre : « Faut-il une grande cuillère pour signer avec Google ? » de Michel Valensi.

Moi ce qui me fait peur dans Google c'est surtout l'usage que nous les français et aussi les autres habitants de le planète Terre en faisons : le profil type de l'internaute que nous renvoie le miroir de Google laisse songeur.

mardi 14 novembre 2006

ricochets

Un exemple de ces ricochets de blogs à blogs qui m'enchantent et que je ricoche ici à mon tour :

Je lis « bruit de fond et création : blogs et écrivain », un bel entretien donné par François Bon à Lucie Geffroy pour le Magazine littéraire ... et quelques jours plus tard je vois qu'il est cité (et donne lieu à des commentaires) chez Grapheus tis ... chez Hubert Guillaud ... chez Berlol ... et sans doute encore par beaucoup d'autres que je n'ai pas forcément lus.

Mais voici que je lis dans le dernier billet de Berlol :

« Ai beaucoup travaillé à l'ordinateur. Trop pour être long ce soir.
Juste assez pour écrire que tout cela m'étonne quand même, bientôt trois ans de JLR, l'équivalent de 2500 pages A4, et si peu de retour, si peu de discussion, pour tellement d'éparpillement de tous, et dans un mouvement centrifuge qui semble s'accélérer. Je ne demande ni des compliments ni des accords, surtout pas, en fait. Je n'ai pas à craindre que l'on intervienne ici dans le but de se montrer (comme les types qui se mettent derrière les présentateurs de télé dans la rue, comme ceux qui laissent des commentaires dans les blogs des gens célèbres) et je puis aspirer à quelque sincérité.
Vraiment, l'asymétrie me déçoit de mon prochain. »

et je me dis que les ricochets c'est joli mais ça éparpille et ça centrifuge ... et je n'ose laisser un commentaire pour faire des compliments (qu'il mérite) ni faire coucou derrière (je crains que la célébrité l'ait rattrappé)
... et je relis ce qu'écrit très justement François Bon :

« Pour ce qui est de l’écriture, l’ordinateur ne change rien à la difficulté, au harassement. »

lundi 13 novembre 2006

dernière salve

dernière salve de prix d'automne cette semaine :

Le jury du Goncourt des lycéens a été plus inspiré que ses aînés en couronnant la romancière d'origine camerounaise Léonora Miano pour Contours du jour qui vient (Plon).
Léonora Miano est née à Douala en 1973 et vit en France depuis 15 ans. Son premier roman, L’intérieur de la nuit, avait déjà été salué par la critique et plébiscité par les lecteurs.

Le Prix Wepler - Fondation La Poste a été attribué ce soir à Pavel Hak pour Trans (Seuil) avec une mention spéciale à Héléna Marienské pour Rhésus (POL)

Demain 14 novembre sera décerné le prix Interallié, pour lequel restent en lice :
Gabriel Matzneff, Voici venir le fiancé (La Table ronde)
Yann Moix, Panthéon (Grasset)
Michel Schneider, Marilyn, dernières séances (Grasset)
Isabelle Spaak, Pas du tout mon genre (Ed. des Equateurs)
« Dernière chance pour Schneider d'avoir un prix » nous dit l'oracle de Livres Hebdo.

post scriptum : l'oracle avait raison.

vendredi 10 novembre 2006

flore et style

Le prix de Flore 2006 a été attribué le 9 novembre à Christine Angot pour Rendez-vous (Flammarion) ; elle l'a emporté au 1er tour par sept voix contre une à Flore Vasseur pour Une fille dans la ville (Ed. des Equateurs), une à Pierre Jourde pour L'heure et l'ombre (L'Esprit des péninsules) et une à Jonathan Littell pour Les Bienveillantes (Gallimard).

Quant au Prix du style, il a été décerné le 8 novembre à Emmanuel Venet pour Ferdière, psychiatre d'Antonin Artaud (Verdier).

C'est un texte court et beau sur l'énigme d'une vie d'artiste ratée. Emmanuel Venet est psychiatre lui aussi, il vit à Lyon où il est né en 1959. Il faut lire aussi son jubilatoire Précis de médecine imaginaire (Verdier, 2005).

jeudi 9 novembre 2006

pêcheur de nuit

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Joli titre (en VO c'est Night Fisher !) et belle couverture pour ce roman graphique que je n'ai pas lu encore.
De plus le site de R. Kikuo Johnson (né sur l'île de Maui, à Hawaï, en 1981) vaut le détour.

mercredi 8 novembre 2006

komma

Le Prix Décembre a été attribué aujourd'hui à Pierre Guyotat pour Coma (Mercure de France) par sept voix contre une à Philippe Vilain pour Paris l'après-midi (Grasset).

Quelques liens pour saluer ce choix :

Sur Coma on peut lire Dominique Dussidour, Bertrand Leclair et le reste du beau dossier Guyotat de remue.net.

Et aussi, sur Guyotat :
- Notice du CiPM
- Notice Wikipedia
- Alain Leduc (Fabula)
- Valérian Lallement (Hermaphrodite)
- un entretien avec Michel Surya (Lire, décembre 2000)

mardi 7 novembre 2006

s'amuser / s'indigner

Depuis la galaxie, zoom avant sur Saint-Germain-des-prés :

Sous le titre « Folklore » l'édito du dernier Livres Hebdo (664, 3 novembre 2006) commente avec humour et justesse les anathèmes, fâcheries, rumeurs et magouilles qui accompagnent les prix littéraires de la rentrée :

« ces nouvelles péripéties sont plutôt de nature à alimenter le folklore ... et la médiatisation. (...) Et l'on applaudit dans le même mouvement le talent de l'éditeur et celui de l'auteur. (...) Mais peut-être a-t-on tort de s'amuser, l'habitude aidant, là où on devrait (cette année encore) s'indigner ? »

Rien de très nouveau sous le soleil : on pense inévitablement au passage très connu (mais tellement juste) de La Littérature à l'estomac de Julien Gracq :

le Français, lui, se classe au contraire par la manière qu’il a de parler littérature, et c’est un sujet sur lequel il ne supporte pas d’être pris de court : certains noms jetés dans la conversation sont censés appeler automatiquement une réaction de sa part, comme si on l’entreprenait sur sa santé ou ses affaires personnelles – il le sent vivement – ils sont de ces sujets sur lesquels il ne peut se faire qu’il n’ait pas son mot à dire. Ainsi se trouve-t-il que la littérature en France s’écrit et se critique sur un fond sonore qui n’est qu’à elle, et qui n’en est sans doute pas entièrement séparable : une rumeur de foule survoltée et instable, et quelque chose comme le murmure enfiévré d’une perpétuelle Bourse aux valeurs.

Entre l'amusement et l'indignation, une solution consiste à établir une bourse aux valeurs alternative qui a le mérite de déplacer le curseur mais n'évite pas l'écueil de la promotion.

le gogol pour bientôt

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Une information que de nombreux sites ont déjà relayée, mais j'ai envie de faire partie du concert : d'après une étude de la société Netcraft, la Toile internationale compte aujourd'hui plus de 100 millions de sites Internet.

Netcraft parle d' « année extraordinaire » pour 2006 ; le Web y a gagné 27,4 millions de sites, contre 17 millions en 2005. Le nombre de sites a doublé depuis 2004, expansion qui serait due surtout à l'explosion des blogs.

La progression du nombre de sites est en effet impressionnante :
En 1995, date de démarrage de l'étude, Netcraft recensait 19 000 sites.
Avril 1997 : 1 million
Février 2000 : 10 millions
Mai 2004 : 50 millions
Avril 2006 : 80 millions
Août 2006 : 90 millions
Novembre 2006 : 100 millions

Le Gogol c'est pour bientôt !..

lundi 6 novembre 2006

tout a un prix

Chronique d'un prix annoncé : le Prix Goncourt est attribué à Jonathan Littell pour Les Bienveillantes (Gallimard), par sept voix sur dix : on peut lire le billet et la revue de presse de Livre Hebdo ; et, pour relativiser, on peut consulter la liste des 103 prix Goncourt ...

Le Prix Renaudot est décerné à Alain Mabanckou pour Mémoires de porc-épic (Seuil). C'est J.M.G. Le Clézio qui a fait l'élection, au dixième tour, par six voix contre cinq pour Michel Schneider (la voix du président du jury comptant double).

Le Prix du 15 minutes plus tard s'honore en couronnant (au douzième tour, avec sept voix contre une à Ars Grammatica de David Bessis (Allia) l'excellent roman Rhésus d'Héléna Marienské (P.O.L.).

surface et profondeurs

Pierre Assouline, « la littérature » et leurs commentateurs respectifs s’interrogent sur l’utilité des lectures publiques.

Pour ma part, outre le fait que le rythme trop lent de la lecture à haute voix me gène souvent, je trouve très juste ce que Marcel Proust écrit en 1914 au sujet des lectures publiques :

Je ne lis bien que si je lis moi-même, et quand je suis seul. Ce qu’on me lit ne m’arrive qu’à travers la personne interposée du lecteur. Attentif à ce lecteur, à lui faire connaître mon impression, je n’ai pas le loisir, la possibilité, de la laisser se créer dans les profondeurs de mon être ; j’habite ma propre surface, et ne redescends qu’une fois seul, dans le trou où je vois un peu clair.

Marcel Proust (Correspondance, éd. Kolb, vol. 14, p. 156)

samedi 4 novembre 2006

un muscle qui la courbe

L'accommodation

Quand je lis, j'accommode : non seulement le cristallin de mes yeux, mais aussi celui de mon intellect, pour capter le bon niveau de signification (celui qui me convient). Une linguistique fine ne devrait plus s'occuper des « messages » (au diable les « messages » !) mais de ces accommodations, qui procèdent sans doute par niveaux et par seuils : chacun courbe son esprit, tel un œil, pour saisir dans la masse du texte cette intelligibilité-là, dont il a besoin pour connaître, pour jouir, etc. En cela la lecture est un travail : il y a un muscle qui la courbe. (…)

Roland Barthes par Roland Barthes (Seuil, 1975, p. 120)

vendredi 3 novembre 2006

rebond

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et grâce au billet de Chloé Delaume, qui annonce la parution de son prochain livre, La nuit je suis Buffy Summers, aux éditions è®e, je rebondis sur les nouveautés de cette excellente maison, et constate que le deuxième volume de Renews, intitulé Enfin! est paru.

Le principe, intéressant, de la série Renews est celui de livres collectifs sous forme de news non signées. Le premier volume, Terraformation (è®e, 2005), dont le sous-titre était « Modifier les conditions existantes à la surface d'une planète pour la rendre habitable », faisait une large part à une anticipation très intelligente ; Sylia Aire, Éric Arlix, Jacques Barbéri, Bruce Bégout, Claro, Chloé Delaume, Loïc Le Pivert, Jacques-François Marchandise, Jean-Charles Massera, Jérôme Mauche, Nathalie Quintane, Emmanuel Rabu et Yves Ramonet y avaient participé ; il est maintenant disponible gratuitement, avec quelques autres textes, sur le site de l'éditeur.

Le sous-titre de Enfin! est « Il vient de se passer quelque chose, c’est incontestable » et réunit Nathalie Blanc, Jérôme Game, Hugues Jallon, Bernard Joisten, Émily King, Natalia Krinerkopf, Onuma Nemon, Julie Pareau, Emmanuelle Pireyre, Lydie Salvayre et Philippe Vasset. On se précipite !

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