lignes de fuite

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mardi 2 décembre 2008

revue de création internet

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publie.net propose désormais aussi une revue numérique : d'ici là, dont le numéro 0 est consultable (et bientôt téléchargeable) gratuitement et dont la direction est confiée à Pierre Ménard.

C’est une « revue de création Internet », c’est-à-dire vraiment multimédia, qui sera trimestrielle et dont le prochain et premier numéro aura pour thème : « Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. »

::: une belle citation de Georges Perec, que je ne résiste pas au plaisir de prolonger :

Interroger l’habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l’interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s’il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s’il n’était porteur d’aucune information. Ce n’est même plus du conditionnement, c’est de l’anesthésie. Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace.
Comment parler de ces « choses communes », comment les traquer plutôt, comment les débusquer, les arracher à la gangue dans laquelle elles restent engluées, comment leur donner un sens, une langue : qu’elles parlent enfin de ce qui est, de ce que nous sommes.

« Approches de quoi ? », L’Infra-ordinaire (Seuil, 1989, p. 11)

lundi 1 décembre 2008

qui a jamais vu ça ?

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Née par erreur à l'étranger, ramenée en France à vingt et un jours. Comme tout le monde, assise entre deux chaises, la vie et la mort.
(...)
Stupéfaite d'exister, ne parvient pas à croire à une si dure chance. Sans aucun doute ne se verra pas mourir, qui a jamais vu ça ?

écrivait Béatrix Beck au début et à la fin de son auto-notice nécrologique rédigée pour le Dictionnaire des écrivains contemporains publié par Jérôme Garcin (F. Bourin, 1988).

Née le 30 juillet 1914, Béatrix Beck est morte hier.
Entre les deux, elle avait obtenu le prix Goncourt en 1952 pour Léon Morin, prêtre.

dimanche 30 novembre 2008

le signifié du signifiant

C’est aussi que depuis sa première grande affaire aux Jeux de Londres, à vingt-six ans, Émile est inégalé, Émile est inégalable. Pendant les six années, les deux mille jours qui vont suivre, il sera l’homme qui court le plus vite sur Terre en longues distances. Au point que son patronyme devient aux yeux du monde l’incarnation de la puissance et de la rapidité, ce nom s’est engagé dans la petite armée des synonymes de la vitesse. Ce nom de Zatopek qui n’était rien, qui n’était rien qu’un drôle de nom, se met à claquer universellement en trois syllabes mobiles et mécaniques, valse impitoyable à trois temps, bruit de galop, vrombissement de turbine, cliquetis de bielles ou de soupapes scandé par le k final, précédé par le z initial qui va déjà très vite : on fait zzz et ça va tout de suite super vite, comme si cette consonne était un starter. Sans compter que cette machine est lubrifiée par un prénom fluide : la burette d’huile Émile est fournie avec le moteur Zatopek.
C’en serait même presque injuste : il y a eu d’autres grands artistes dans l’histoire de la course à pied. S’ils n’ont pas eu la même postérité, ne serait-ce pas, que chaque fois leur nom tombait moins bien, n’était pas fait pour ça, ne collait pas aussi étroitement que celui d’Émile avec cette discipline – sauf peut-être Mimoun dont le patronyme sonne, lui, comme souffle un des noms du vent. Résultat, on les a oubliés, ce n’est pas plus compliqué, tant pis pour eux.
C’est donc peut-être au fond ce nom qui a fait sa gloire, du moins puissamment contribué à la forger, on peut se demander. Se demander si ce n’est pas son rythme, son balancement qui font qu’il parle encore à tout le monde et fera longtemps encore parler de lui, si ce n’est pas lui qui a fabriqué le mythe, écrit la légende – les noms peuvent aussi réaliser, à deux seuls, des exploits. Mais enfin n’exagérons rien. Tout ça est bien joli sauf qu’un patronyme, on peut lui faire dire ou évoquer ce qu’on veut. Émile eût-il été courtier en grains, peintre non-figuratif ou commissaire politique, on eût sans doute trouvé son nom tout à fait adapté à chacun de ces métiers, dénotant aussi bien la gestion rationnelle, l’abstraction lyrique ou le froid dans le dos. Ç’aurait chaque fois aussi bien collé.

Jean Echenoz, Courir (Minuit, 2008, p. 92-94)

samedi 29 novembre 2008

ça fait envie !

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::: LE cadeau qui donne envie d’avoir 100 ans !

vendredi 28 novembre 2008

quelque chose s'est réellement passé

Vues à l'échelle des millénaires, les passions humaines se confondent. Le temps n'ajoute ni ne retire rien aux amours et aux haines éprouvés par les hommes, à leurs engagements, à leurs luttes et à leurs espoirs : jadis et aujourd'hui, ce sont toujours les mêmes. Supprimer au hasard dix ou vingt siècles d'histoire n'affecterait pas de façon sensible notre connaissance de la nature humaine. La seule perte irremplaçable serait celle des œuvres d'art que ces siècles auraient vu naître. Car les hommes ne diffèrent, et même n'existent, que par leurs œuvres. Elles seules apportent l'évidence qu'au cours des temps, parmi les hommes, quelque chose s'est réellement passé.

Claude Lévi-Strauss, Regarder, Écouter, Lire (Plon, 1993, p. 176)

::: très bon anniversaire à Claude Levi-Strauss, aujourd'hui centenaire

::: Le Quai Branly et la Bibliothèque nationale de France lui rendent hommage
::: France Culture
::: remue.net

(un grand merci à Didier da Silva pour l'écho et le commentaire ! j'espère que vous n'êtes pas trop nombreux à être empêchés comme lui de laisser ici vos commentaires ?)

excusé pour son absence définitive

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Ce soir les oulipiens excusaient François Caradec pour son absence à leurs réunions ordinaires et extraordinaires : c'était triste et très gai

... tout à fait de circonstance, sa très drôle « Complainte des morts plaintifs » mise en musique par Paul Braffort, et le texte inédit sur l'injustice de ce qui se passe à la droite de Dieu lu par un invité exceptionnel, le phataphysicien Thieri Foulc.

::: pour compléter, un billet d’Élisabeth Chamontin

jeudi 27 novembre 2008

on dirait qu'il creuse ou qu'il se creuse

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Style, en effet, impossible. Larry Snider n'est pas le premier à l'observer. À se demander comment se débrouille Émile.
Il y a des coureurs qui ont l'air de voler, d’autres qui ont l'air de danser, d'autres paraissent défiler, certains semblent avancer comme assis sur leurs jambes. Il y en a qui ont juste l'air d'aller le plus vite possible où on vient de les appeler. Émile, rien de tout cela.
Émile, on dirait qu'il creuse ou qu'il se creuse, comme en transe ou comme un terrassier. Loin des canons académiques et de tout souci d'élégance, Émile progresse de façon lourde, heurtée, torturée, tout en à-coups. Il ne cache pas la violence de son effort qui se lit sur son visage crispé, tétanisé, grimaçant, continûment tordu par un rictus pénible à voir. Ses traits sont altérés, comme déchirés par une souffrance affreuse, langue tirée par intermittence, comme avec un scorpion logé dans chaque chaussure. Il a l'air absent quand il court, terriblement ailleurs, si concentré que même pas là sauf qu'il est là plus que personne et, ramassée entre ses épaules, sur son cou toujours penché du même coté, sa tête dodeline sans cesse, brinquebale et ballotte de droite à gauche.
Poings fermés, roulant chaotiquement le torse, Émile fait aussi n'importe quoi de ses bras. Or tout le monde vous dira qu'on court avec les bras. Pour mieux propulser son corps, on doit utiliser ses membres supérieurs pour alléger les jambes de son propre poids : dans les épreuves de distance, le minimum de mouvements de la tête et des bras produit un meilleur rendement. Pourtant Émile fait tout le contraire, il parait courir sans se soucier de ses bras dont l'impulsion convulsive part de trop haut et qui décrivent de curieux déplacements, parfois levés ou rejetés en arrière, ballants ou abandonnés dans une absurde gesticulation, et ses épaules aussi gigotent, ses coudes eux aussi levés exagérément haut comme s'il portait une charge trop lourde. Il donne en course l'apparence d'un boxeur en train de lutter contre son ombre et tout son corps semble être ainsi une mécanique détraquée, disloquée, douloureuse, sauf l'harmonie de ses jambes qui mordent et mâchent la piste avec voracité. Bref il ne fait rien comme les autres, qui pensent parfois qu'il fait n'importe quoi. (p. 49-51)

Un jour on calculera que, rien qu'en s'entraînant, Émile aura couru trois fois le tour de la Terre. Faire marcher la machine, l'améliorer sans cesse et lui extorquer des résultats, il n'y a que ça qui compte et sans doute est-ce pour ça que, franchement, il n'est pas beau à voir. C'est qu'il se fout de tout le reste. Cette machine est un moteur exceptionnel sur lequel on aurait négligé de monter une carrosserie. Son style n'a pas atteint ni n'atteindra peut-être jamais la perfection, mais Émile sait qu'il n'a pas le temps de s'en occuper : ce seraient trop d'heures perdues au détriment de son endurance et de l'accroissement de ses forces. Donc même si ce n'est pas très joli, il se contente de courir comme ça lui convient le mieux, comme ça le fatigue le moins, c'est tout. (p. 54)

Jean Echenoz, Courir (Minuit, 2008)

La séduction infinie du « style » Echenoz, inimitable et indescriptible lui aussi, agit une fois encore, avec la tentation de tout citer ; pourtant, comme le jeune Zatopek, j’ai « horreur du sport » (p. 12), et ce n’est certainement pas moi qui irai jamais lire « Courir » en pédalant !

un autre sous-marin rose

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... avec de charmants marins : ah ! Cary Grant ! ah ! Tony Curtis !

mercredi 26 novembre 2008

portraits de l'artiste en prostituée

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Ce carnet de bord rend compte de mes activités dans une maison de joie située en baie de Paimpol. Il n’a pas l’ambition d’une étude universitaire classique relevant de la sociologie participative qui voudrait s’ériger en description de référence de la vie d’un bordel contemporain - je n’en ai ni la compétence scientifique ni la patience rhétorique. Il est également étranger au bricolage, par un auteur intuitif et admiré, d’un petit essai à la française sur la peur de l’eau. Disons qu’il exprime un travail de comptabilité personnelle, une tentative de recensement ethnographique des propriétés d’un univers dont je demeure le témoin privilégié, et où surtout je suis heureux, en compagnie de femmes téméraires, magnétiques chacune à sa manière. (p. 9)

Je suis salarié. Je m’occupe du vestiaire. J’ai obtenu ce poste il y a deux ans par une agence d’intérim. Après une longue période de petits jobs sous-payés, j’avais envie de changer de vie. Un travail au bord de la mer, loin des entrepôts de Saint-Ouen. On m’a rapidement contacté et tout s’est fait très vite. Un train pour Paimpol (billet offert). Un taxi (course offerte). Un entretien d’embauche axé sur ma personnalité. Je crois que je plais aux filles, qui décident de me garder à leur côté. Ai-je brillé comparé aux autres candidats ? Rétrospectivement, je pense surtout que les prostituées m’ont senti des leurs : peut-être une indifférence à la pénibilité des tâches, une capacité à passer de rôle en rôle sans états d’âme, à changer de fonction comme de draps, quelque chose comme ça.
Je m’occupe du vestiaire et de rien d’autre, à part de temps en temps du courrier administratif des prostituées peu à l’aise avec la paperasse, même si elles sont loin d’être majoritaires ici - plusieurs ont le bac, quelques-unes un diplôme d’études supérieures, comme moi qui suis titulaire d’un mastère 1 en histoire du cinéma. Il m’arrive aussi, de temps à autre, quand elles me le demandent ou quand je les sollicite pour alimenter mon carnet, d’écrire leur « portrait » ou de fixer en quelques pages « l’histoire de leur vie ». Celles à qui je rends ce service sont émues à chaque fois qu’elles se lisent. Le grand phénomène, c’est que je m’efface derrière leur moi, comme dans les fausses autobiographies de vedettes. Et pourquoi les filles de joie n’auraient-elles pas droit à leur petit « je », elles aussi ?
Je ne participe en rien aux bénéfices de la maison, ce qui évite bien sûr l’écueil d’un proxénétisme déguisé (métier pour lequel on ne recrute généralement pas via un circuit classique…). Mes rapports avec les prostituées ne sont ni ceux d’un ami ni ceux d’un petit frère - j’ai quand même vingt-sept ans -, mais ceux d’un vestiaire professionnel, d’un collaborateur sans faille travaillant avec d’autres professionnels, avec sérieux et empathie. Il est de toute façon nécessaire, pour les filles comme pour moi, de maintenir la bonne distance psychologique entre la prestation et les sentiments, surtout dans un cadre où, d’une manière ou d’une autre, la maîtrise personnelle et le contrôle des émotions sont plus importants qu’ailleurs. La prostitution n’est pas neutre, comme les regards, les attitudes et la manière de s’exprimer. La bonne tenue du vestiaire est donc mon quotidien, en échange d’un salaire inespéré de trois mille cinq cents euros net par mois (hors primes et pourboires). Où aurais-je pu trouver mieux ? J’ai pris un bel appartement sur le port de Paimpol. J’ai acheté une motocyclette pour me promener sur le littoral. Quand j’ai du temps, je prends des cours de voile. Je vais souvent au cinéma - Patrick Dewaere, dont je possède trois tee-shirts signés, est d’ailleurs né pas très loin sur la côte, à Saint-Brieuc. Je fais un tour à Paris une fois par mois. J’ai quatorze semaines de congés payés qui me permettent d’entretenir mon tempérament cosmopolite. Je reçois. J’observe. On me dit. Je recense. Je griffonne. Je vis. Je suis bien. (p. 11-13)

Tous les portraits qui apparaîtront à tel ou tel endroit de mon carnet de bord sont publiés avec l'accord des personnes concernées. Ils peuvent être reçus comme une suite de « portraits de la prostituée en jeune femme », voire comme une série de « portraits de l'artiste en prostituée ». Ces présentations succinctes de la vie et du tempérament de chacune ont toutes été rédigées en étroite collaboration avec les Olaimpiennes (ou ponctuellement avec certains membres du personnel, quand ce n'est pas avec certains clients ayant accepté de me confier leurs impressions sur la maison de joie).
Que les choses soient claires : toutes les prostituées parlent ici en leur « je » intime, fût-il caché derrière le paravent d'un pseudonyme, de sorte que je suis moins l'« auteur» de ces raccourcis autobiographiques que le scribe de ces dames, le transcripteur des morceaux choisis du flux de leur parole assemblés en témoignage. À de rares exceptions près, les prostituées ont été enchantées de réaliser ces petits photomatons verbaux en ma compagnie, en tout cas très réceptives à ma collecte ethnographique, à ma marée documentaire nocturne - tout de même plus sympathiques que leur visage stigmatisé sur les fiches anthropométriques de jadis. (p. 60-61)

Frédéric Ciriez, Des néons sous la mer (Verticales, 2008)

Le premier roman, atypique, jubilatoire, surprenant, attachant, intelligent, drôle, poétique de Frédéric Ciriez, né à Paimpol en 1971, figurait lui aussi dans la sélection du prix Wepler et aurait également mérité une mention.

en ligne :
::: un intéressant entretien avec Bernard Strainchamps
::: un autre extrait : « note sur le rose » (p. 35-36)
::: « Bordel flottant », un billet de Claro
::: et un entretien video avec plein de « voila ! » (Mediapart) :

mardi 25 novembre 2008

prix wepler (suite)

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::: l'éditrice de Céline Minard, Laure Limongi, célèbre l'événement avec sobriété mais efficacité.

::: et, pour fêter ce prix, l'avez vous remarqué, Emmanuelle Pagano a très discrètement repris le fil de son blog abandonné il y a quelque temps, et je m'en rejouis ; d'autant qu'elle y annonce avoir terminé son prochain livre, un roman épistolaire à paraître toujours chez POL, L’Absence d’oiseaux d’eau.

lundi 24 novembre 2008

enfin un jury bien inspiré !

Rue89 annonce en avant-première les résultats du Prix Wepler-Fondation La Poste 2008, que Marc Pautrel confirme.

Le Prix Wepler 2008 est attribué à Emmanuelle Pagano pour Les Mains gamines (POL),
et la Mention 2008 à Céline Minard pour Bastard Battle (Léo Scheer).

J’applaudis !
... j’aurais juste ajouté une deuxième mention à Maylis de Kerangal pour Corniche Kennedy (Verticales).

vous m’apporterez des oranges ?

Grâce à la publicité qui lui a été faite, L’insurrection qui vient (La fabrique, 2007) fait un carton sur Amazon.fr où il est parmi les meilleures ventes, à la soixante-dixième place.

Or je m’aperçois, terrifiée, que non seulement ce « dangereux opuscule » figure dans ma bibliothèque, mais que j’ai jadis recommandé sa lecture, et ce, circonstance aggravante, dès le 7 mai 2007, triste lundi lendemain de l’élection que vous savez.

dimanche 23 novembre 2008

rallumer les étoiles

Il est grand temps de rallumer les étoiles.

Guillaume Apollinaire, « Prologue », Les mamelles de Tirésias (1917)

si je veux !

Si vous voulez détruire un homme,
Donnez-lui tout ce dont il a rêvé

Boulet (Philosophe)

samedi 22 novembre 2008

des cas de combustion spontanée

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Les jeunes gens en bas de la cité rêvent de mettre le feu.
Mais ils sont comme des torchères
ils brûlent toute la nuit pour rien.

Les jeunes gens sont incandescents.

Ils sont entourés d'un halo bleu qui pâlit quand vient le jour.

Parfois on signale des cas de combustion spontanée.

Leurs ailes sont posées par terre à côté d'eux.
Elles sont en chrome, rutilantes, rivetées
et n'ont jamais servi,
elles rouillent dans un coin

car au-dessus de la cité se croisent les fils de fer barbelés des miradors qui empêchent tout atterrissage et tout envol d'hélicoptère.

Qui n'a jamais croisé, au coin d'une rue, sur la dalle d'une tour ou dans les allées d'une galerie marchande des hommes ou des femmes avec des ailes sanglées dans le dos ?

On leur a coupé le bout des rémiges afin qu'ils ne tentent pas de voler plus haut que le grillage du poulailler.
Mais parfois, les pennes atrophiées de leurs ailes mutilées se rappellent à eux et leur font mal.
Par la douleur qu'ils ressentent à l'endroit de la cicatrice, ils devinent les changements du temps, l'arrivée du printemps ou le début de l'automne et ils éprouvent un pincement de nostalgie pour la vie qu'ils auraient pu connaître.

Ils se souviennent de la promesse qu'ils s'étaient faite un jour
et, bien qu'ils ne volent pas, ils regardent le ciel.

Les ailes sont notre malédiction.

Francis Combes, La Clef du monde est dans l'entrée à Gauche. Poème pour le XXIème siècle (Le Temps des cerises, 2008, p. 19-21)

L'auteur de cette utopie poétique suivie de 50 poèmes-affiches, Francis Combes, est né le 31 mai 1953 à Marvejols, en Lozère. Il a été l’un des responsables de la revue Europe et, de 1981 à 1992, directeur littéraire des éditions Messidor. En 1993, avec un collectif d’écrivains, il a fondé les éditions Le Temps des Cerises, dont il est le directeur.

::: Poésie publique, le blog de Francis Combes

vendredi 21 novembre 2008

le message de ce logo particulièrement raté

logo_europeana.gif

::: super, c'est aujourd'hui qu'Europeana est mis en ligne !

::: midi : « Service Temporarily Unavailable. »

::: minuit : « Massive use is slowing europeana down. We are working on it... please come back later. »

::: pour le contenu, donc, on reviendra plus tard (bien obligés !) ; en conséquence on scrute la page d’accueil en essayant d'imaginer les fonctionnalités, et, passé le jeu avec les sous-titres dans différentes langues (« mysleme na kulturu », joli, « gândiţi-vă la cultură », aussi, etc.) une question se fait très vite insistante : quel peut bien être le message de ce logo particulièrement raté ?

::: tiens le logo a changé !
parfois il est comme ça (c'est un peu mieux, même si le message ne saute toujours pas aux yeux) :

logo_europeana2.gif

voir aussi :
::: « L’Europe de la culture au rayon du virtuel »
::: « L'Europe lance sa bibliothèque en ligne »
::: « Europeana contre gouguelethèque »
::: « Europeana sature dès l'ouverture »

post-scriptum (le 21 novembre à midi) :
« The Europeana site is temporarily not accessible due to overwhelming interest after its launch (10 million hits per hour).
We are doing our utmost to reopen Europeana in a more robust version as soon as possible.
We will be back by mid-December. »

::: « A peine inaugurée, la bibliothèque numérique européenne referme ses portes »
::: « Une bibliothèque européenne en ligne franco-centrée.. et plantée »
::: « Europeana : 3 petits tours, et puis ... »

jeudi 20 novembre 2008

refuit avec ses lignes et ses silhouettes

uccello_chasse_nocturne.jpg



Elle s'offre aux passants d'Oxford,
mine de sang, de feuilles et de nuit,
tous phares braqués cette foule jetée hors du rêve
mais jamais si longtemps visible, jamais si
illuminée de soi-même - qu'ici maintenant
livre ouvert sous la lampe, ou le jour
à la dérive des regards : c'est elle
et ce n'est pas elle, ici
la Chasse

refuit avec ses lignes et ses silhouettes

cavaliers et piqueurs, lancés ou hésitants
animaux bondissant arrêtés, entrainés
aux pôles du regard en mouvement qui luit
et passe au milieu d’eux
vers le fond des forets -

et croit les devancer, traverser tout l'espace
et rejoindre l'orée,
ce regard ! - comme il semble égaré,
au centre de quelles futaies, de quels taillis
épuisé ! aux abois, quand sonne l'hallali
du temps qui l'en arrache, et l'en détourne ;
comme il tremble ici dans le noir,
en reconnaît la meute indicible sur lui...
Mais les poursuivants sont restés des ombres
immobiles et muettes dans le champ, rien
ne s'est approché ; les pins cachent
une même seconde éternelle,
une même danse sacrée.

(…)
Qu'avons-nous à aimer ici ? membrane
exacte entre l'homme et I’œuvre,
entre le monde et son surgissement,
clin d'œil nocturne intimidant sur nous
qui passions là, à égale distance
du coupable et de l'innocent ?
Qu’avons-nous a aimer encore
auprès de qui, comment le dire ? -
tu te perds au-dehors, comment le maintenir,
ce frémissement d'ailes, à leur hauteur ? -
la voix se détériore, et même s'en veut, mais –
comme au-dessus de frêles sommets en bouquets :
cette lune d'aube irréelle !
comme elle parait définitive
(et l'air absent de veiller sur
la Création désolée)

Fabien Vasseur, « Ultimo Uccello », Le front se déplace (Belin, L’extrême contemporain, 2008, p. 54-55)

Fabien Vasseur est né en 1970 à Calais. Il est professeur en classes préparatoires et l'auteur d’une thèse sur l’œuvre de Philippe Jaccottet. Le front se déplace, son premier livre, recueille des poèmes écrits entre 1994 et 2006 et publiés notamment dans la revue Po&sie.

mercredi 19 novembre 2008

bon anniversaire au jlr !

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Littéréticulaire : adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.

C'est aujourd’hui l’anniversaire du Journal LittéRéticulaire de Berlol, qui a cinq ans déjà !

En relisant les tout premiers billets, on s’aperçoit que Berlol était moins bavard mais qu’il aimait déjà bien manger, bien boire et le raconter ... et qu’il était déjà débordé ; les frites du Saint-Martin n’apparaissent qu’en décembre et les titres au printemps suivant ; il y a peu de photos au début, mais un splendide portrait d’Olivia Rosenthal orne le tout premier post.

(à lui aussi, j'emprunte un autoportrait photographique avec anamorphose très réussi)

son beau sapin

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... mais tout de même, mon beau sapin est une excellente initiative de Pénélope Bagieu, alias Pénélope Jolicoeur, dont vous ne savez peut-être pas encore que la vie est tout à fait fascinante : cliquez et faites cliquer ! (... j'espère qu'elle ne m'en voudra pas de lui piquer un dessin : c'est pour la bonne cause).

mardi 18 novembre 2008

les sales bêtes

Le prix du Premier roman a été attribué aujourd’hui à Hôtel de Lausanne de Thierry Dancourt (La Table ronde) et le prix Interallié à Serge Bramly pour Le premier principe, le second principe (Lattès)

... quant au 26ème Prix Littéraire 30 Millions d’Amis (si ! si !) il a été attribué à Jacques A. Bertrand pour Les sales bêtes (Julliard).

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