lignes de fuite

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vendredi 16 mai 2008

ton addition elle est pas bon

Dans un souci de rentabilité on a supprimé l’enseignement à l’école.
Hubert Lucot, Grands mots d’ordre et petites phrases (pour gagner la présidentielle) (POL, 2007, p. 65)

Pourquoi ne pas prolonger cette journée de grève pour la défense du service public en (ré-)écoutant « mazerfacker » et en construisant une barricade … de livres.

jeudi 15 mai 2008

monogram

Rauschenberg_Monogram.jpg

Robert Rauschenberg, un immense artiste que Claude Simon aimait tout particulièrement, est mort lundi dernier, le 12 mai.

Souvenir d’enfance mais aussi explosion splendide de formes et de références picturales, comme le démontrent les 11 épisodes de « L’angora de Bob », la chèvre angora de son « Monogram » (1955-1959), qui a fait beaucoup parler et écrire, est orpheline.

quadrilles de particules


l'Histoire se constituait au moyen non de simples migrations mais d'une série de mutations internes, de déplacements moléculaires (comme on dit qu'à l'intérieur d'un métal martelé pour être façonné il se produit de véritables transhumances - ou plutôt quadrilles - de particules)
Claude Simon, Le Palace (Minuit, 1962, p. 12)

Pour contribuer, avec retard, à l'actualité de Claude Simon :

::: le troisième numéro des Cahiers Claude Simon est paru

::: un colloque intitulé « Claude Simon à la lumière de l'histoire littéraire, de l'histoire culturelle et de la sociologie de la littérature » lui est consacré ces 14 et 15 mai 2008 à Paris III (avec notamment une intervention de Patrick Rebollar dont on a pu suivre l'état d'avancement dans le journal littéréticulaire !)

mercredi 14 mai 2008

état de manque

En rentrant de week-end la nuit dernière, j'ai retrouvé ma livebox tout aussi bêtement et désespérément clignotante : je commence à être en manque et j'espère que le technicien promis pour demain sera efficace.

Pour compenser, j'ai déjeuné irl (dans la vraie vie en français dans le texte) avec des blogueurs et webmestres triés sur le volet : Patrick, Philippe, Constance, Nathalie et Cécile ; malheureusement l'exiguité de mon écran de remplacement et la lenteur de la connection gprs qu'il propose ne me permettent pas de raconter : je compte sur eux pour le faire à ma place ...

mardi 13 mai 2008

l'imprévisible circulation du sens

pazzottu.jpg

Un récit vrai...
J’ai toujours vu et vécu les événements de
la vie comme des signes de ponctuation ; ils
n'étaient pas eux-mêmes des chapitres de l'histoire,
ces moments neufs, fils du hasard, ou ces étapes
obligées d'un scénario déjà écrit, mais les
scansions, brèves ou longues pauses, brusques sursauts,
nœuds, trouées, les signes donc, grâce auxquels se liait,
et peut-être se lirait, inconnue, une histoire ;
les creux les bosses révélant la chair jusque-là
invisible d'une vie s'inventant, que jamais,
tant qu'elle ne serait pas écrite, taillée, nue,
recomposée. tant qu'elle ne serait pas livrée
à l'imprévisible circulation du sens, je
ne pourrais signer et nommer ainsi - mon histoire.

Florence Pazzottu, La Tête de l’Homme (Seuil, Déplacements, 2008, p. 109)

Comment transformer une agression - banale pour les autres ; inacceptable pour celle qui l’a subie - en une suite subtilement composée de poèmes en prose de 13 syllabes, qui parle de soi - et des autres.

Florence Pazzottu est née le 9 novembre 1962 à Marseille.
Elle a publié auparavant :
- Les heures blanches : roman (Manya, 1992)
- L’Accouchée (récit) (Comp’Act, 2002)
- « Vers ce qui manque », dans Venant d’où, 4 poètes (Flammarion, 2002)
- L’inadéquat (le lancer crée le dé) (Flammarion, Poésie, 2005)
- « l’impossible (une archéologie) » (Inventaire/invention, 2007)

lundi 12 mai 2008

qu'on se le dise

::: lignes de fuite et moi-même avons l’immense honneur d’être interpellés par les célèbres cyclistes de Thiron-Gardais : quelle émotion !

::: Didier da Silva, dont le blog, bien que récent, est déjà très riche en surprises, lançait hier ce qu'il qualifiait lui-même de « pathétique appel à témoins » dans « l’effroyable silence du web » : allez le lire (vous ne le regretterez pas) et lui laisser un petit mot. Je conseille notamment la lecture de son savoureux feuilleton sur le rewriting de romans « harlecon » (sic !), dont il vit : épisodes 1, 2, 3, 4 et 5 (en espérant qu’il y en aura encore plein d’autres).

dimanche 11 mai 2008

le cyberpunk est devenu rétro

gibson_sl.jpg

Pour en finir (temporairement) avec William Gibson, la sortie de Code source a aussi été l’occasion d’une série d’entretiens dans lesquels William Gibson évoque de manière assez iconoclaste la façon dont il envisage aujourd’hui la « science-fiction » et le mouvement « cyberpunk » dont il fut jadis la tête de file.

dans « Mon challenge naturaliste », un entretien avec Frédérique Roussel (Libération, 20 mars 2008) accompagné d'un entretien vidéo :

Dans un monde technologique totalement ubiquitaire, que signifie cyberpunk ? Que signifie cyber ? Au XIXe siècle, quand l’électricité venait de faire son apparition, tout était électro, électro-ci, électro-là. C’était comme un préfixe à la mode. Cyberpunk, ou plutôt cyber, était dans le vent à la fin du XXe siècle. Mais on n’achète pas aujourd’hui un cyberordinateur ou un cyberiPhone. Le cyberpunk fait simplement partie du passé. Il est devenu rétro.

dans un dossier de Chronic’Art, 43, mars 2008 (qui n’est pas en ligne, malheureusement) :

La science-fiction correspond certes à ma culture littéraire initiale. Mais m’en tenir à cela équivaudrait à rester cloîtré toute ma vie dans un petit bled paumé des États-Unis ; je ne peux plus me contenter de vivre dans cette ville… (…)
Quoi qu’il en soit, je ne m’intéresse pas du tout à ces classifications marketing qui ne servent qu’à rassurer le lecteur en lui faisant la promesse de s’y retrouver dans un genre qui lui est a priori familier. D’ailleurs si Code source était facilement classable, je serai un peu triste.

dans un long entretien pour Actu SF accompagné d'un article d'Eric Holstein :

C’est assez facile, dans la mesure où le tour a déjà été effectué, et qui plus est sur nous tous. Si le livre à quelque chose à dire à propos du cyberspace, c’est bien que le cyberspace a colonisé notre quotidien et qu’il continue de le coloniser. Ce n’est plus « l’autre endroit ». Quand j’ai commencé d’écrire, le cyberspace était « l’autre endroit ». Mais aujourd’hui, nous sommes, en quelque sorte, plongés dans le cyberspace, et « l’autre endroit » c’est l’absence de connectivité. C’est là où il n’y a pas de réseau WiFi ou là où les mobiles ne passent pas. (…)
La science fiction des années 40 est assemblée avec des morceaux des années 40. Ça nous saute immédiatement aux yeux. Et la première chose que se dirait un gamin de douze ans qui lirait Neuromancien aujourd’hui, c’est « Whaaa... c’est un monde sans téléphones mobiles ! Il a dû se passer quelque chose ! ». C’est quelque chose que j’ai toujours su, et je pense que ça s’est fait jour progressivement tout au long de mon travail, jusqu’à devenir de plus en évident. Je pense que je n’ai toujours dit qu’une seule chose : « C’est votre futur ; mais votre futur c’est maintenant ! » (…)
Aux États-Unis dans les années 60, les gens qui voulait rendre la science fiction un peu plus digne, l’appelaient « la fiction spéculative ». Je souviens m’être dit à l’époque, que toute fiction est nécessairement spéculative. Et peut-être que toute vision est visionnaire. Ça dépend surtout de qui à la vision. (…)
Mais depuis, qu’est ce qu’il s’est passé en Amérique du Nord ? Toute la vieille garde académique a disparu, et a été remplacée par une tendance post-moderne qui intègre parfaitement l’idée de genre, et s’amuse à brouiller les cartes. Nous ne sommes plus dans la vieille posture : « C’est de la littérature, ou ce n’est rien ! ». Alors c’est quelque chose que je ressens encore ici, mais bien moins qu’il y a vingt ans. C’est aussi quelque chose que j’ai ressenti en Allemagne, mais bien moins qu’il y a vingt ans. Je crois que c’est une tendance très européenne que de se boucher le nez sur toute une partie de la science fiction, sur laquelle, par ailleurs, je me bouche moi-même souvent le nez (rires). (…)
le corps central de la science fiction reste aujourd’hui, du moins à mon sens, déconnecté de l’expérience du réel. la science fiction que j’aurais envie de lire, et que je suis presque incapable de trouver, est une science fiction qui n’aurait pas pu être écrite il y a dix ans. Ça serait la forme la plus viable de science fiction, et surtout la science fiction dont nous avons besoin aujourd’hui. Or la majorité de la science fiction qu’on lit maintenant aurait aussi bien pu être écrite il y a vingt ans. Ou trente. Ou même quarante. Et pratiquement toute la fantasy qu’on trouve maintenant aurait pu avoir été écrite dans les années cinquante.

voir aussi :
- la présentation « live » de Second Life
- un autre entretien vidéo (en anglais)

samedi 10 mai 2008

me faire ça à moi !

… une panne adsl de 48h (au moins ... car j’ai quitté Paris pour quelques jours, en espérant qu’à mon retour la petite diode rouge de ma livebox orange aura cessé de clignoter rapidement sans discontinuer), juste au moment où j’ai les honneurs du blogroll du Magazine littéraire qui qualifie lignes de fuites de « vedette de la blogosphère » !

mercredi 7 mai 2008

identification des schémas

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L'illustration ci-dessus est empruntée au site Node (le titre du magazine imaginaire pour lequel travaille l'héroine de Code Source), un blog impressionnant qui suit pas à pas la progression du livre, en illustrant chaque chapitre de photos, de vidéos, d'illustrations, de cartes, de documents, de citations, etc.

Code source m'a permis de découvrir le « locative art », mouvement artistique qui regroupe un ensemble de pratiques hétérogènes nées de la généralisation de l’usage du GPS. Suivant le conseil répété de Gibson : « Aujourd’hui, en écrivant, je me soucie de la façon dont les gens peuvent chercher sur Google des lieux ou des noms apparaissant dans le texte. Je rédige, dorénavant, avec la conscience que ce que j'écris sera sans doute googlé. C'est une prise de conscience et un potentiel narratif authentiquement inédits » (Chronic’Art, 43, mars 2008), j'ai demandé des informations à Google, qui m'a proposé, en français :

- à propos de l'utilisation qu'en fait William Gibson : « Code Source, la SF en GPS de William Gibson » d'Anne Laforêt et « William Gibson : Le futur n’est plus nouveau » (entretien) (poptronics)
- un article très complet de l'incontournable Hubert Guillaud, « Les médias localisés : point de contact entre le réel et le virtuel » (internetActu)
- Andrea Urlberger, « Le paysage technologique et les pratiques GPS en art »
- et le blog hyperurbain

mardi 6 mai 2008

internaliser l'interface

code_source.jpg

- Comment avez-vous commencé ?
- Je travaillais sur une technologie GPS commerciale. Je m'y étais intéressé parce que je pensais vouloir devenir astronome, et les satellites m'ont fasciné. Les idées les plus intéressantes sur la grille GPS, ce que c'est, ce qu'on en fait, ce qu'on pourrait en faire, émanaient des artistes. Des artistes ou des militaires. C'est souvent comme ça, avec les nouvelles technologies. Les applications les plus intéressantes apparaissent sur le champ de bataille ou dans des galeries.
- Mais ça, c'était militaire, au début.
- Bien sûr. Mais les cartes aussi, si ça se trouve. La grille est pareille. Trop simple pour que la plupart des gens comprennent vraiment.
- Quelqu'un m'a dit que le cyberespace est en train d'éclore. C'est le terme qu'elle a utilisé.
- Bien sûr. Le grand retour de l'œuf et de la poule. Une fois qu'on aura fini de le faire éclore, il n'y aura plus de cyberespace, hein ? Il n'y en a jamais eu, en fait. C'était une perspective, une façon de visualiser notre destination. Et avec la grille, on y est. On est passé de l'autre côté de l'écran. Ici même.
Il écarta ses cheveux et la fixa des yeux.
- Archie, là-bas, dit-elle en désignant l'espace vide. Vous allez le suspendre au-dessus d'une rue de Tokyo.
Il hocha la tête.
- Mais vous pourriez le laisser ici en même temps, non ? Vous pourriez l'attribuer à deux endroits physiques. À autant de lieux que vous voulez, en fait. (Il sourit.) Personne ne serait au courant.
- Pour le moment, si on ne vous avait pas dit qu'il est ici, vous ne pourriez pas le trouver sans son URL et ses coordonnées GPS. Et si vous avez ça, c'est que vous savez qu'il y a au moins quelque chose. Mais c'est en train de changer. De plus en plus de sites permettent de poster ce genre d'œuvres. Il suffit de s'y enregistrer pour se régaler. Du moment qu'on a un appareil d'interface comme celui-ci, un ordinateur portable et du wifi.
Elle y réfléchit.
- Mais chacun de ces sites, ou serveurs, ou... portails... ?
- Oui, chacun vous montre un monde différent. Celui d'Alberto me montre River Phoenix mort sur un trottoir. Quelqu'un d'autre pourrait me montrer, je ne sais pas, des jolies choses inoffensives, et rien d'autre. Des chatons, par exemple. Le monde serait composé de plusieurs chaînes.
- Des chaînes ? répéta-t-elle en inclinant la tête de côté.
- Oui. Et vu ce que la télévision commerciale est devenue, ça n'augure rien de bon. Mais pensez aux blogs. Chacun essaye de décrire la réalité, d'une certaine façon.
- Ah ?
- En théorie.
- OK.
- Mais quand on regarde les blogs, en général, ce sont les liens qui donnent le plus de renseignements.
C'est contextuel : pas seulement vers qui pointe ce blog, mais qui y envoie, aussi. (…)
- Alors pourquoi n'y a-t-il pas davantage de gens qui le font ? demanda-t-elle. En quoi est-ce différent de la réalité virtuelle ? Vous vous souvenez, à l'époque on disait que ça allait changer la vie de tout le monde. (…)
- Tout le monde fait de la RV, dès qu'on regarde un écran. Tout le monde. Depuis des dizaines d'années. On n'avait pas besoin de lunettes ou de gants. Ça s'est fait comme ça. La RV était une façon encore plus spécifique de nous dire où on allait. Sans trop nous faire peur, hein ? Mais le locative, on est nombreux à le faire. Mais on ne peut pas faire ça juste avec le système nerveux. Un jour, on pourra. On aura internalisé l'interface. Ça aura évolué au point qu'on l'oubliera. On se promènera dans la rue, et... Il écarta les bras en souriant. (p. 93-96)

- Avez-vous vraiment si peur des terroristes que vous êtes prêts à démanteler toutes les structures qui ont créé l'Amérique ? (...)
- Si c'est le cas, vous laissez les terroristes gagner. Car c'est exactement, spécifiquement leur but : vous effrayer au point que vous abandonnerez la loi. C'est pourquoi on leur donne le nom de terroristes. Ils utilisent des menaces terrifiantes pour vous pousser à dégrader votre propre société. (Brown ouvrit la bouche. La referma.) Ça repose sur la même anomalie psychologique qui fait croire aux gens qu'ils vont gagner au Loto. Statistiquement, personne ne gagne. Statistiquement, il n'y a jamais d'attaque terroriste. (p. 188-189)

Milgrim considérait que les villes avaient une façon de se dévoiler sur le visage de leurs habitants, particulièrement quand ils partaient travailler le matin. À ce moment, on lisait une sorte de merditude essentielle sur les faces qui n'avaient pas encore affronté la réalité routinière. (p. 351)

William Gibson, Code source (traduit par Alain Smissi, Au Diable Vauvert, 2008) (Spook country, 2007)

L’écheveau d’intrigues croisées qui composent le récit de Code source a beaucoup moins pour but de fabriquer un suspense (on est le plus souvent dans l’auto-parodie) que de dresser la carte, complexe, paranoïaque mais pleine d’humour, de notre « réalité », qui ressemble de plus en plus à la « science-fiction » d’hier.

en ligne :
- « Live in Second Life »
- le site de William Gibson et son blog
- un site sur William Gibson
- en français dans wikipedia

lundi 5 mai 2008

autopsier les cadavres textuels

Rembrandt_lecon_anatomie_1632.jpg

Nous savons tous qu'il est hasardeux d'analyser la production post-exotique quand on emploie les termes que la critique littéraire officielle a conçus pour autopsier les cadavres textuels dont elle peuple ses morgues. L’exercice est possible, mais du prix de contorsions mentales qui font du post-exotisme un lieu de rendez-vous pour élites schizoprènes et hautaines, perversement amoureuses d’une musique de l'illisible.
Le passage au crible de la critique traditionnelle a cet effet : il déçoit, mais, surtout, il rend hideux et il tue. Des instruments non adaptés lacèrent le texte et ils l’écrasent, ils ne réussissent pas à en démonter les rouages, ils s’appuient sur des domaines de réflexion que nous n’avons fait qu’effleurer, par exemple le statut esthétique du narrateur ou de la narratrice, et ils négligent ce qui pour nous est essentiel, comme le degré de dégradation de la voix qui parle, ou sa relation amoureuse avec la mémoire de Wernieri, de Maria Schrag ou de Maria Clementi, etc., ou l’angle d’attaque par quoi nos héros exposent leur détestation de l’ennemi.
De plus, le recours à des outils qui appartiennent, au bout du compte, à une autre science, emmaillote nos textes dans une logique qui ne peut les abstraire du mouvement artistique contemporain et, au contraire, les y ramène de façon abusive, de façon déloyale, parfaitement absurde. À défaut de trouver pour le post-exotisme une place convaincante, on le relègue au sein des avant-gardes, envers lesquelles, il faut bien le dire, sa relation est la même qu’envers le reste du monde non carcéral. Le post-exotisme est une littérature partie de l’ailleurs et allant vers l’ailleurs, une littérature étrangère qui accueille plusieurs tendances et courants, dont la plupart refusent l’avant-gardisme stérile.

Lutz Bassmann dans Le post-exotisme en dix leçons, leçons onze (Gallimard, 1998, p. 59-60)

(pour prolonger les commentaires du billet précédent)

dimanche 4 mai 2008

affiches et pavés

::: incollable(s) ou décollable(s) ? les stickers de promotion de Lutz Bassmann

::: « il nous reste deux jours pour en finir avec l'héritage de mai 68 ! » (4 mai 2007) et dans 2 jours cela fera un anpauvres de nous ! (merci à Maëster)

samedi 3 mai 2008

geek and poke

J'ai essayé de traduire « geek and poke », mais la réponse du traducteur automatique était « geek et poke » (!)

internetcelebs.jpg

« Internet celebrities »

j'aime bien aussi :

« The Quick Start Guide For The NCC-1701-D, Chapter 3 »
« Turing test 2208 »
« Real friends » etc. etc.

vendredi 2 mai 2008

mdp

morts_de_peur.jpg

Qui s'intéresse à l'immense population du « Monde de l'entreprise », expression effrayante suggérant l'existence d'un univers troglodyte, différent de celui où nous allons tous les jours acheter notre baguette ? Combien sommes-nous de cadres démotivés à cultiver l'hypothèse d'une seconde vie, à suivre en secret des cours du soir, à vouloir devenir psychanalyste, instituteur, ou guide de haute montagne ? Comment les entreprises peuvent-elles encore survivre avec, de la part de leurs salariés, si peu de foi et tant de cynisme ?
Comme tous les fils de profs, j'ai grandi dans le respect sacré de l'école, et, avec un peu de chance et beaucoup d'efforts, réussi le concours d'entrée de Polytechnique. Mais le système de sélection à la française est ainsi fait qu'il ouvre la voie de la réussite professionnelle à des jeunes gens qui, par identité sociologique et orientation philosophique, n'ont pas envie de faire carrière - ni souvent d'ailleurs les qualités requises. Une génération romantique est ainsi en train d'éclore, et c'est là une bien curieuse ironie de voir des bataillons de diplômés surentraînés, prêts à tout pour échapper au costume cravate et n'être jamais directeurs de rien. Il y a des jours où la vie-de-bureau donne irrésistiblement envie d'aller vendre des beignets sur la plage, de partir alphabétiser le tiers-monde, ou d'investir toute son épargne dans une bergerie. Ce livre n'est pas fait pour vous en dissuader. (p. 9-10)

La lenteur et l’ennui sont l’essence même de la vie-de-bureau. (p. 13)

Le plus amusant avec la dilution progressive du temps et des événements, c'est que l'on perd de vue la densité normale d'une journée. Tous les retraités avouent ne plus avoir une minute à eux. Il en est de même des cadres moyens dans les grandes entreprises. Ils se disent complètement « surbookés » , mais gagneraient à passer une journée chez un artisan. Les rituels sociaux et l'environnement de travail se sont tellement enracinés qu'ils sont devenus indissociables du travail lui-même et qu'on ne sait plus distinguer ce qui relève du travail et du « para-travail ». Se réunir pour faire le point de la semaine, discuter avec son collègue d'un article paru dans Les Échos, prendre un café, puis deux, regarder où en est le cours de la Bourse, forwarder quelques blagues circulant sur Internet et faire le tri de sa messagerie, poser ses congés et vérifier le solde (on ne sait jamais, le logiciel peut se tromper...), rappeler un ami au sujet de l'apéro de vendredi, puis sa femme pour les courses du soir, ne pas oublier de réserver les billets de train sur le site de la SNCF, puis travailler une heure ou deux et prendre un café. La généralisation de l'ordinateur offre cet incomparable avantage de ne pas distinguer la « posture travail » et la « posture loisir », et Iemonde.fr présente l'avantage sur son jumeau en papier de pouvoir être lu sans être déplié. Dans les deux cas, on tapote sur son clavier, même si certaines oreilles particulièrement affûtées savent reconnaître la cadence spécifique des « clicks » et des « taps » caractérisant la navigation sur Internet. Ce mélange intime de travail et de para-travail fait généralement l'objet d'un pacte de non-agression et de bon voisinage dans l'entreprise, permettant à chacun de traiter ses problèmes d'impôt, de plomberie ou de nounou entre deux réunions sans que quiconque s'en émeuve. (p. 15-16)

Il y a en effet une symbolique de l'offrande dans le geste du salarié se présentant tous les jours à son bureau. Celui qui ne vient que pour travailler ne donne pas l'entièreté de sa personne. Il ne s'offre pas en tant que camarade loyal et fidèle, toujours au poste et prêt au sacrifice suprême. La dimension martiale de l'entreprise n'est pas contestable, en dépit de toutes ses dénegations New tech et New Age et de sa détestation affichée pour toutes les formes d'administration. Même la plus moderne et la plus décoincée reste attachée au décompte traditionnel des heures de présence. Comme l'armée, elle condamne les déserteurs. « Sombrons, mais ensemble » : tel est son credo. Ou plutôt, « gâchons nos vies dans un travail ennuyeux et rémunérateur, mais ensemble ». (p. 18)

Les mutations véhiculent des fantasmes et des sentiments puissants qui rapprochent étrangement l'entreprise de la prison. Il n'y a que dans les univers carcéraux que les arrivées et les départs prennent autant de relief. Bizutage du nouveau, crainte animale de sa suprématie, repositionnement des rapports de forces. Attente de la libération, envies d'évasion, velléités de reconversion, planification d'une deuxième vie... Tout cela s'applique indifféremment aux deux univers. La seule différence réside finalement dans le fait qu'on ne creuse pas (encore) de tunnel sous la moquette des open space. Je demanderais bien à ma femme de prendre en otage un pilote d'hélicoptère pour venir me chercher au travail mais elle risque de me répondre que je n'ai qu'à prendre le métro. (p. 20-21)

Alors, à quand le Grand Soir ? Pourquoi ne nous révoltons-nous pas davantage ? Pour la bonne et simple raison que nous sommes morts de peur. Peur et paranoïa sont les seuls ciments possibles d'un système dépourvu de plaisir. Peur des autres, vécus comme autant de menaces à sa propre existence ; peur du patron, dont les pouvoirs surnaturels, comme chacun le sait, lui permettent de foudroyer ses collaborateurs en projetant des rayons laser avec les yeux lorsqu'il n'est pas content ; peur de soi et de ses propres limites, peur continuelle de paraître idiot en réunion, peur de l'avenir, et bien entendu peur de perdre son emploi. (p. 55-56)

Teodor Limann, Morts de peur. La vie de bureau (Les empêcheurs de penser en rond, 2008)

Pas vraiment un essai, mais la chronique ironique, acide et drôle de sa vie-de-bureau par un jeune cadre financier de 32 ans dont Teodor Limann est le pseudo.

jeudi 1 mai 2008

on arrête tout on réfléchit et c'est pas triste

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Pour fêter dignement le 1er mai, on peut lire en ligne (grâce à Sami) L’An 01, la BD publiée par Gébé à partir de 1970 sous forme de série dans Politique Hebdo, puis dans Charlie Mensuel.

Le film auquel elle a donné lieu, réalisé en 1973 par Jacques Doillon, avec Gébé, Alain Resnais, Jean Rouch, et une pléiade d’acteurs prestigieux, est disponible sur DailyMotion : première partie, deuxième partie, ou deux extraits-culte pour les pressés : « si on faisait un pas de côté… » et « la vie de bureau ». Comme la qualité n’est pas géniale, on peut égalemement trouver le dvd chez MK2.

mercredi 30 avril 2008

on croit que c'est n'importe quoi

parian_jonchee.jpg

CENTRIFUGE
+ DEMI-TOUR
- sous ÉCHELLE
+ HACHIS +
TOUTEFOIS / BEAUCOUP
= le BALLET
+ sa SERVIETTE

PRIVAUTE -
REPTILIEN / JAMAIS
= qu'il DECAMPE

« exagérément hasardeux ? »

+ de BROUSSAILLEs
+ à l'EPAULE
+ EMMERDEMENT
= À-PLATs +
BOUFFISSUREs
+ les CARÉNER / GRISÉ

- les HIDEUX
+ la JONCHEE
MERCREDI
MERCREDI

Anne Parian, = jonchée, poésie dure ; avec une préface de Franck David et une postface de Fred Léal (Les petits matins, 2008)

Pour rester dans l'enfance,
( « Tu as trois ou quatre ans.
Tu gazouilles dans un bac à sable.
Tu tapes avec ta pelle.
On croit que c'est n'importe quoi - »
dit la quatrième de couv’ )
mais rétablir la distance qui sied à la blogueuse extime, un peu de « poésie dure » :
le poème-addition comme recherche autobiographique ludique - au plus pur des mots.

Née à Marseille en 1964, Anne Parian a publié notamment :
- À la recherche du lieu de ma naissance (cipM / Spectres familiers, 1994)
- F. nom de ville (Au figuré, 2000)
- A.F.O.N.S. (Théâtre typographique, 2001)
- Monospace (POL, 2007)

à lire en ligne :
- Nathalie Quintane (Sitaudis)
- Anne Malaprade (Poezibao)

mardi 29 avril 2008

vous voulez ma photo ?


Pour répondre à la demande (presque) générale par un stratagème (fort peu original) :
un autoportrait en lectrice bien décidée à ne pas lâcher les Malheurs de Sophie pendant que papa la photographie.

lectrice.jpg

Bon d’accord je n'ai plus sept ans, mais je n’ai pas tellement changé … à l’intérieur.

lundi 28 avril 2008

les masques du rhinocéros

longhi_rhinoceros.jpg

Clara le rhinocéros de Pietro Longhi, pour rebondir à mon tour sur ceux de Philippe De Jonckheere et André Gunthert

... et les masques qui l’observent pour remercier François Bon de m’avoir laissée hors-champ !

dimanche 27 avril 2008

j'ai abandonné la ligne droite

sur les lignes droites

Ici j'avais fait un chapitre sur les lignes courbes, pour prouver l'excellence des lignes droites...
Une ligne droite ! le sentier où doivent marcher les vrais chrétiens, disent les pères de l'Église.
L'emblème de la droiture morale, dit Cicéron.
La meilleure de toutes les lignes, disent les planteurs de choux.
La ligne la plus courte, dit Archimède, que l'on puisse tirer d'un point à un autre.
Mais un auteur tel que moi, et tel que bien d'autres, n'est pas un géomètre ; et j'ai abandonné la ligne droite.
Lawrence Sterne (Tristram Shandy, chapitre 240)

(cité par) Georges Perec, Espèces d’espaces (Galilée, 1974, p. 110)

samedi 26 avril 2008

où habiter ? où écrire ?

bazot_camps_volants.jpg

Si vous refusez le principe de castration, qui nous exhorte, s'agisse-t-il du choix d'un métier, d'une épouse, ou d'une maison, au gain d'une seule, à renoncer aux multiples voies qui s'ouvrent à nous, me tance mon Mentor ; que s'obstine votre goût du provisoire, entrave à conduire un projet sur une longue durée, vous ne commencerez jamais à rien construire, et vous retrouverez à quarante ans sans aveu, ni feu, ni lieu, autrement dit : sans travail, ni famille, ni maison, mis au ban de la société pour n'avoir honoré aucun de ces trois mots d'ordre, auxquels elle exige, en faveur de sa propre construction, que se soumettent ses membres.
Sauf votre respect, le contredis-je, pourquoi prématurément m'édicterais-je des étapes que le temps, quand il s'est enfui, suscite naturellement dans nos vies ? Garant de ma liberté le provisoire, tant que je n'ai pas atteint l'âge canonique, à l'infini j'aimerais le différer, où ma jeunesse ne me paraîtra plus un présent perpétuel. (p. 42)

Un voyageur, qui a garé son convoi au fond du terrain, et n'a pas l'intention de s'éterniser au-delà de trois ou quatre jours, nous expose avoir vendu sa maison, dont il ne parvenait plus à payer les traites, pour adopter un style de vie itinérant. Selon ce prosélyte, serait sur le point de se concrétiser ce qui constituerait le pire cauchemar de la société : un nombre exponentiel de sédentaires embrasserait cette nouvelle philosophie, à l'instar des populations devenues nomades pour fuir les exactions que commet la soldatesque au cours de la guerre de Trente ans, face à la cherté débridée des loyers, le prix ascensionnel du mètre carré, quitterait les immeubles, se jetterait sur les routes. (p. 50-51)

Xavier Bazot, Camps volants (Champ vallon, 2008)

Un narrateur sans attaches rencontre des nomades aux parcours très divers et décrit une humanité éprise de liberté, de fuite et d’errance. Le vagabondage même de la phrase, d’inversions en détours, oblige le lecteur à prendre son temps et l'invite à refuser la « France de propriétaires » dont on veut nous faire croire qu’elle est un idéal.

Xavier Bazot est né à Bourges le 15 décembre 1955 et a publié :
- Tableau de la passion (P.O.L, 1990)
- Chronique du cirque dans le désert (Le Serpent à Plumes, 1995) (publie.net, 2008)
- Un fraisier pour dimanche (Le Serpent à Plumes, 1996) (publie.net, 2008)
- Stabat Mater (Le Serpent à Plumes, 1999)
- Au bord (Le Serpent à Plumes, 2002)

aussi en ligne :
- Entretien et lecture de nombreux extraits (Travaux Publics, France Culture)
- « où habiter ? où écrire ? » (1999)

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