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écrivains

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jeudi 22 mars 2007

pourquoi je suis là ?

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Pourquoi sommes-nous là ? Mon père ne me répond pas. Seule cette question le désarme. Pourquoi, pourquoi m'as-tu amenée là ? Si l'un de mes parents me sollicite, je retorque par cette question. Fais la vaisselle. Non, pourquoi je suis là ? Fais la cuisine. Non, pourquoi je suis là ? Aide ta sœur, ne te conduis pas comme ça, ne lis pas, travaille, travaille dans la maison. Pourquoi vous m'avez amenée là ? J'ai toujours été en dehors.
À douze ans on me demande de rentrer. Rentre, tu es musulmane. À douze ans alors que je ne peux tenir chez moi, on me dit, Rentre. Rentre. Fais le ramadan. je quitte la maison, sac au dos et Black Boy de Richard Wright en poche pour toute compagnie. Me prenant pour un hobo en quête d'un lieu meilleur. Je ne sais combien de temps je disparais. Quatre, huit jours ? Je ne sais plus. Partout où je me présente on me dit que j'ai des parents. Partout on me dit qu'il faut que je rentre. On me le demande de tous cotés. On prévient ma mère. Je fais dire qu'au moindre reproche, je pars pour de bon. Je reviens. Je gagne la partie. Pas de ramadan et le droit de vivre autant que je le veux dans ma pièce du grenier. Il m'est toutefois interdit de me mettre à table avec les purs. Les pratiquants que sont ma mère, mon père et ma saur. Mes frères n'ont pas d'obligation religieuse. Je fais à cette occasion mon jeûne. Je refuse de manger le soir, même seule. Ma sœur, que mon entêtement scandalise, s'indigne et se dresse contre moi. Prenant à partie ma mère, lui reprochant notre accord, elle cogne à la porte de tous mes refuges. Elle cogne fort pour me dégager. Je ne crois pas en Dieu. Je ne peux pas, lui dis-je. Fais comme moi. Je ne veux pas de leur vie. Fais comme moi. N'obéis pas. Elle cogne toujours. Je ferme les veux. J'attends. Je ne la supporte plus. Prise de rage, de colère après elle, ses assauts permanents, la vulgarité de son comportement, son goût pour la querelle, ses excès orientaux, je l'empoigne pour la frapper, lui disant mon dégoût d'elle et de sa bêtise, elle se sauve, hurlant que je suis folle, qu'il faut m'interner, me lâchant des insultes que je refuse et que seule sa bouche sait prononcer. Arbi ak mweche affouwathim, Que Dieu bouffe ton foie. Ak mi ghnek, Qu’Il t'étrangle. Ak mi weth sou kavach, Qu’Il te frappe avec une hache. Thakzent. Pourriture. Je suis ébranlée. Ébranlée par ces mots qui m'arrivent des ténèbres. Ces scènes me plongent dans des coins de fadeurs tristes où seule ma mère me rejoint dans le silence. D'où viennent ces mots ? Qui les lui a appris ? Ma mère se tait. Je vois ma sœur comme un démon. Je honnis ce Dieu qui lui donne une telle licence. Je la hais, je la fuis. Je n'ai aucune indulgence. Je ne peux comprendre sa violence, je ne sais rien de ses années terribles en Algérie et de son enfance massacrée. Ce n'est que bien plus tard que je l'apprendrai. L'horreur de ce qu'elle a vécu je ne peux l'envisager enfant. Refoulant les fantômes qui nous assaillent par un combat sans merci, nous rivaliserons de luttes aveugles pour gagner en lucidité sur leurs méfaits. À ce moment je veux que la maison soit l'affaire de tous et non des seules femmes et filles. Je veux les mêmes droits que mes frères. Je ne ferai rien qui les soulage. Je le dis et je leur dis. Ce genre d'attitude ne souffre aucun compromis. J'ignore donc comment on fait le couscous et toutes ces bonnes choses que régulièrement mes sœurs font pour moi aujourd'hui.

Zahia Rahmani, France, récit d'une enfance (Sabine Wespieser, 2006, p. 91-93)

Zahia Rahmani est née le 25 septembre 1962 en Algérie.
Elle à publié :
- Moze (Sabine Wespieser, 2003)
- « Musulman » roman (Sabine Wespieser, 2005)
- France, récit d'une enfance (Sabine Wespieser, 2006)

On peut lire en ligne :
- une notice sur le site DzLit : littérature algérienne.
- un entretien avec Doreen Bodin pour Zone littéraire.

mercredi 21 mars 2007

là-bas en ligne de mire

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Vous habitez ici. Vous travaillez ici. Vous vivez ici. Dans cet ici qu’avant vous nommiez là-bas.

Vous habitez la ville, vous occupez des chambres, des appartements, vous vivez dans des cités lointaines, des immeubles délabrés, des chambres d'hôtel et puis quelques foyers. Vous dites abandon, réquisitionnés. Vous dites marchands de sommeil.

Vous habitez cet abandon, vous l'avez investi avec d'autres, chacun a pris un logement et les choses débrouille se sont mises en place, rattraper l'électricité, remplacer carton les fenêtres. Tirer l'eau. Rafistoler. Remettre en état quand depuis longtemps c'était condamné fermé. Chacun a pris appartement ou c'est serré serré, un peu les uns sur les autres mais c'est bien comme ça. Vous êtes nombreux. Vous êtes là chez vous le temps que ça durera, peut-être que d'ici peu il vous faudra repartir aller voir plus loin, autre abandon ou alors vraie maison si la chance le veut. Si les papiers le veulent.

Vous êtes vous, multiples tu. (…)

Vous avez tenté. Vous avez parcouru du chemin pour parvenir. C’était long. Vous aviez là-bas en ligne de mire. En guise d’horizon. Vous aviez rêvé mieux.
Autre.
Vous aviez rêvé bonheur.

Emmanuel Darley, Le Bonheur (Actes sud, 2007, p. 11et 42)

Emmanuel Darley est né en 1963.
Il a publié trois romans :
Des petits garçons : roman (POL, 1993)
Un gâchis, roman (Verdier, 1997)
Un des malheurs (Verdier, 2003)

et des pièces de théâtre :
Badier Grégoire (Théâtre ouvert, 1998)
Une ombre : théâtre (Théâtre ouvert, 2000)
Souterrains : théâtre (Théâtre ouvert, 2001)
Indigents : théâtre (Actes Sud-Papiers, 2001)
Qui va là, suivi de Pas bouger : théâtre (Actes Sud-Papiers, 2002)
Plus d’école : théâtre (École des loisirs, 2002)
Là-haut, la lune (École des loisirs, 2003)
C'était mieux avant (Actes Sud-Papiers, 2004)
Flexible, hop hop! suivi d'Être humain (Actes Sud-Papiers, 2005)
Quelqu'un manque (Espaces 34, 2006)
en ce moment à l'affiche : Flexible, hop hop!.

En ligne :
- Son site et son « journal pas du tout quotidien »
- Notice Actes sud
- Notice Verdier
- Page remue.net

lundi 19 mars 2007

où sont passées mes pantoufles ?

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Esprit de sérieux
Le néogâteux gélatineux veut de la vertu, de la loi morale. des impératifs catégoriques, exige de l'esprit-de-sérieux, de la discipline, des tabous, des interdits, aspire à des pères, des repères, du bien, du mal, du sens univoque, des échelles de valeurs, des guerres saintes, des prières, des voitures de pompiers, des policiers partout, raffole des curés en soutanes, des nonnettes, de la sécurité pour tous, des écoles qui ânonnent, des maîtres en blouses grises, des dames-pipi, des académiciens qui plastronnent, des perroquets rouges, etc.
Le voilà donc ce discours mielleux du néogâtisme gélatineux, sirupeux, imbibé de moraline, proféré par les figures d'éponges professorales se prenant pour des prophètes de malheur. Recherche désespérée de la sagesse du style où sont passées mes pantoufles.
- Mais oui où sont-elles passées, bon sang ?
Discours d'âme morte pérorant du haut de la chaire, croyant dominer le monde avec ses clichés de grand-messe et son esprit de curé-rastaquouère. Et s'il y a une once de folie en lui ce n'est que la folie de la soupe phynancière, l'obsession du profit, l'acharnement du classement, de la hiérarchie indiciaire, la fièvre de l'irresponsabilité généralisée.

Daniel Accursi, Le néogâtisme gélatineux (Gallimard, L’Infini, 2007, p. 16-17)

Né en 1947, Daniel Accursi est enseignant et « chercheur en Pataphysique ». Il vit à Paris.

Pour que le Ha Ha explose la Gidouille, relisons aussi Alfred Jarry, mort il y a 100 ans déjà.

dimanche 18 mars 2007

un paquet de littérature

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Dans « Total respect » (Journal de la semaine, Libération, samedi 10 février 2007), Régis Jauffret (entre deux piques très savoureuses adressées à l’un de nos candidats, mais assez de politique ici !) se livre à l’autopromotion, et c’est savoureux également :

Publicité
Pour mon livre Microfictions, 1 kg 60g, imprimé en Normandie par Roto Impression. Une sorte de catalogue général de l'humanité. Lisez-le, on parle sûrement de vous dedans. Idéal pour le métro, vous ingurgiterez une histoire complète entre deux stations. Le sac tyrolien sera préféré au sac à main, son poids pourrait à la longue l'endommager.
­ Nous conseillons à nos clients les plus cacochymes de débiter l'ouvrage avec un cutter.
Vous aurez soudain la surprise de constater que vous êtes à présent à la tête de dix petits livres d'une centaine de pages parfaitement légers et portatifs. La valeur vénale de chacun d'eux est d'à peine 2, 50 €... Vous prendrez conscience alors que vous avez fait l'acquisition d'un paquet de littérature vraiment économique, et armé d'une calculette vous découvrirez avec ravissement que chaque histoire vous a été vendue à un prix propre à faire soupirer d'aise votre porte-monnaie. À peine 2 centimes et demi d'euro chacune, soit tout juste 16 centimes de nos francs Pinay. Vous ne regretterez certes jamais votre achat, car la qualité du papier vous permettra après l'avoir lu de l'utiliser pour confectionner de succulentes papillotes de saumon à l'aneth et au citron. L'encre utilisée étant hypoallergénique, vous vous en servirez également à la salle de bains pour vous démaquiller et panser les petits bobos. Il est aussi adapté à tout usage corporel, qu'il soit périodique ou plus prosaïque et quotidien. Un livre dont le moelleux réjouira tout autant les papilles, que les épidermes les plus délicats, et les méninges les plus assoiffées de culture et de modernité.

Quoique quasiment cacochyme, je n’ose pas encore jouer du cutter, et suggère plutôt aux éditeurs de fournir, avec chaque ouvrage acheté, un fichier numérique qui tiendrait dans mon pda (et mon sac à main) sans m'arracher l'épaule et me permettrait de savourer tout au long de ma journée, dans les bus et les cafés parisiens, la prose de Jauffret !

mardi 13 mars 2007

ornithorynque de la paix

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Et, si guerre il y a pourtant, pourquoi ne pas se plonger dans le parodique Bréviaire des artificiers de Mathias Énard, dont le sous-titre est :

« Manuel de terrorisme à l’usage des débutants
indiquant les conditions de temps et d’argent
pour y parvenir, les études à suivre, les examens à subir,
les aptitudes et les facultés nécessaires pour réussir,
les moyens d’établissement, les chances d’avancement et de
succès dans cette profession, le tout illustré de planches et
de figures, enrichi d’exemples et d’interludes divertissants,
propres à délasser l’âme dans l’étude. »

et où la dérision naît du décalage consistant à parler de la fascination-répulsion de l’époque contemporaine pour la figure du terroriste avec des mots du siècle des Lumières. Les illustrations très encyclopédiques de Pierre Marquès font partie intégrante du jeu.

Mon maître, lorsqu’il travaillait, déambulait en robe de chambre et en pantoufles dans notre demeure, absorbé dans ses pensées, s’arrêtant par instants pour tracer des croquis obscurs sur de grandes feuilles de papier. Il buvait fréquemment de généreuses rasades de rhum, boisson qu’il adorait. La plupart du temps il ne paraissait pas avoir besoin de moi. Je m’ennuyais de ne pas avoir à le servir et m’allongeais donc souvent devant la télévision pour me distraire, comme il est coutume dans notre île des Caraïbes. Je laissais divaguer mon esprit. Je pensais que mon maître ne prêtait aucune attention aux programmes que je pouvais regarder, mais un soir, alors qu’on donnait une émission consacrée à la destruction des tours, il me réprimanda ainsi :
« Ces Arabes sont des peigne-culs, Virgilio mon ami, ils ne méritent pas ton admiration. Évidemment, en bon nègre abruti par le petit écran, ton erreur est compréhensible. Il t’est facile de les idolâtrer pour des raisons futiles, la destruction de bâtiments affreux, la performance inédite de l’aviation civile, le sens de l’ordre et de l’organisation qu’on dit si rare dans ces pays lointains, ou même la gifle retentissante que ces David ont infligé à Goliath. Soit. Mais leur geste, Virgilio, le sens de leur geste est ridicule. Sans parler de leurs lunettes de soleil. Des peigne-culs. Des ignares. La débauche de moyens, de flammes, de symboles, de déclarations pompeuses, tout cela est aussi oiseux et déplacé qu’un terrain de golf à Riyad.

Mathias Énard, Bréviaire des artificiers (Verticales, 2007, p. 17-18)

Mathias Enard est né à Niort en 1972.
Après des études d’arabe et de persan et de longs séjours au Moyen-Orient, il s’installe en 2000 à Barcelone. Il y anime plusieurs revues culturelles ; il participe aussi au comité de rédaction de la revue Inculte. Il a publié :
- La Perfection du tir (Actes Sud, 2003) Prix des cinq continents de la francophonie, Prix Edmée de La Rochefoucauld
- Remonter l’Orénoque (Actes Sud, 2005)
On peut lire en ligne un entretien (aVoir-aLire, 2003)

dimanche 11 mars 2007

pourtant pas la guerre

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C'est pourtant pas la guerre. Elle prononcera plusieurs fois cette phrase, sur le même ton, elle qui a connu la guerre, celle de 40 : elle était une petite fille en 1940, difficile de croire qu'elle ait jamais été une fille : elle a une voix de vieux soudard, et encore moins une petite fille, son visage est à présent couvert de rides, une peau épaisse de tortue, plissée à mort, vous savez mon âge ? me demande-t-elle en me regardant, et droit dans les yeux est une formule assez bâclée pour dire qu'elle enfonce son regard dans le mien, ses yeux bleus, durs, presque féroces qui voudraient peut-être me faire peur, j'essaie de minimiser pour lui être agréable, de ne pas dire ce qui me vient à l'esprit, 200 ans ? 160 ? J'avais 11 ans en 1940, faites le compte. C'est pourtant pas la guerre, dira-t-elle à chaque fois qu'on entendra claquer des pétards ou brailler un peu fort, la fenêtre de la cuisine où elle me reçoit est ouverte sur l'été du quartier (il faut dire pour être tout à fait exacte que retentissent soudain plusieurs coups de feu : carabine? pistolet ? carabine, diagnostique-t-elle, elle s'y connaît en armes à feu). C’est pourtant pas la guerre, pourrait être le titre d'un roman d’un se passerait dans les quartiers. Elle répète la phrase à intervalles réguliers, si sèchement que je ne peux pas imaginer qu'elle est gâteuse. Le gâtisme serait du coté du gnangnan, ou alors réussit-elle à me taire peur ? Elle peut compter sur d'autres phrases en forme de slogans publicitaires qu'elle balance de temps à autre au-devant d'elle et sur lesquelles elle s'arc-boute pour ne pas s'effondrer. La peur, je devais pas la connaître, je connaissais que mon père. Elle m’apparaît alors tout entière, les veux en feu, montée sur les ergots de sa phrase caparaçonnée. (…) Vous gagnez des sous avec ça ? ses yeux bleus, durs, presque féroces. Mais elle aime bien que je l'interroge, elle aime bien que je prenne des notes dans mon carnet posé sur les genoux parce que j'ai peur de le salir sur sa table, et que nous soyons assises toutes les deux, elle l’interrogée et moi la scribe, de part et d'autre de l'étroite table de formica bleu, pour le peu que j'en vois, la table est encombrée de papiers, cendrier, casserole, récipients de toutes sortes, de sa tasse à café à elle, en métal, moi non merci je ne prends rien, encombrée comme la cuisine tout entière de boites et de sachets, je ne regarde pas trop. (…) Et c’est moi qui radote, elle ne l’a pas dit autant de fois, mais la phrase n’arrête pas de me battre dans les tempes, à chaque fois plus véhémente, plus hystérique, le p p de pourtant pas, pe pe, martelant de plus en plus fort, une cadence martiale qui se serait emballée et que j’entendrais de trop comme le cœur, la nuit, dont on préfèrerait ignorer le travail lancinant. (…) C’est pourtant pas la guerre. p t p l g. pe te pe le gue asséné par les sabots du cheval sur lequel elle se tient, emplumée et pailletée.

Maryline Desbiolles, C’est pourtant pas la guerre (Seuil, 2007, p. 9-14)

Maryline Desbiolles est née à Ugine en 1959, elle vit dans l'arrière-pays niçois.
Elle a publié :
Une femme de rien : roman (Mazarine, 1987)
Les bateaux-feux : récits (Alinéa, 1988)
Les chambres : nouvelles (Blandin, 1992)
Le premier été (Gardette/Le Noroît, 1994)
Quelques écarts : poèmes (Tarabuste, 1996)
Les tentations du paysage : poèmes (Tarabuste, 1997)
La seiche : roman (Seuil, 1998)
Anchise : roman (Seuil, 1999) Prix Fémina
Le Petit col des loups : roman (Seuil, 2001)
Amanscale : roman (Seuil, 2002)
Le goinfre : roman (Seuil, 2004)
Vous (Melville, 2004)
Manger avec Piero (Mercure de France, 2004)
Primo : roman (Seuil, 2005)
Les Corbeaux : pièce radiophonique (Seuil, 2007)

En ligne, sur C’est pour tant pas la guerre :
- la page Sitaudis
- un article de Christine Ferniot, Télérama, 13 janvier 2007
- une page d'Etonnants voyageurs

vendredi 9 mars 2007

écrire fait aussi passer les minutes

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Après l'avoir écouté avec jubilation lire aux Jeudis de l'Oulipo sa version de « La cimaise et la fraction », je viens de terminer le roman d'Hervé Le Tellier, Je m’attache très facilement (Mille et une nuits, 2007). Le titre est emprunté à Romain Gary et l'histoire, nous dit la quatrième de couverture, est « le récit clinique de trois jours d'une Bérézina amoureuse », avec comme fil conducteur, sur le mode burlesque, le problème de l'âge de « notre héros » (auquel on s'attache très facilement !) :

Il convient, en ce début du récit, d'en dire un peu plus sur notre héros. Il va avoir cinquante ans. Il n'y a pas cinquante façons d'aborder la cinquantaine. Il y en a deux : dans la première, on se persuade que l'on est encore jeune ; dans la seconde, on se plaint d'être déjà vieux. Notre héros devrait refuser les deux, l'une par réalisme, l'autre par un acte de volonté inouï, mais il se contente d'un obstiné mouvement de balancier, selon les matins et les soirs. Il n'a pas tout à fait tort : après tout, dans dix ans, son taux de testostérone commencera sans doute à baisser, et en l'absence de béquilles médicamenteuses, cette question définitionnelle pourrait être définitivement réglée. Il suffira de dire que, si ce ne sont pas ses premières vieilles années, ce sont du moins ses dernières jeunes années. (p.10-11)

Une lectrice (ou un lecteur) se tromperait en imaginant le texte nouveau moins sincère que le premier jet, dont il ne diffère que par des détails. Au contraire, sur son clavier, notre héros précise sa pensée, il ajuste les mots pour tenter de cerner au plus près ses sentiments. Les phrases expulsent aussi le tragique, et il n'est pas mécontent du rôle salvateur qu'il leur fait jouer. Si notre héros avait conservé mémoire de ses lectures anciennes, il se souviendrait qu'Aristote déjà dans sa Poétique baptise « catharsis » cette purge des passions par l'exercice d'un art.
Certes.
Plus prosaïquement, écrire fait aussi passer les minutes, ce qui n'est pas peu. (p. 39-40)

Il a toujours dix-sept ans. Mais jusqu'à quel âge, bon dieu, aura-t-il dix-sept ans ? Pourquoi son cœur ne vieillit-il pas comme sa peau, comme ses yeux ? Souffrira-t-il encore, dans dix ans, dans vingt ans, de passions qu'il ne pourra même plus espérer vivre ? Est-ce un signe de force, de faiblesse, de folie, de ne pas parvenir à vieillir ?
À ce jour, les réponses manquent. (p. 74)

Assis dans la voiture, très vite, trop vite, il écrit un petit poème sur son carnet de poche noir. Car, à ses heures, notre héros poétise. Il y possède un petit talent, et compense ses faiblesses stylistiques et l'approximation technique par un sens aigu de l'autodérision et une touchante simplicité. Son poème commence par :
Au coin de la A32,
et de la S70
ce qui en fait sans doute l'une des seules poésies en langue française où le chiffre 2 appelle une rime en « eux » : ce sera « amoureux » , ou « malheureux », ou les deux.
Résumons-le ici brièvement : notre héros y explique en vers de mirliton que 1) bien que blessé, il ne se résigne pas, 2) qu'il garde l'espoir de revoir notre héroïne à Paris. Une parabole météorologique conclut le poème avec une rime en « onde », qui n'est ni « blonde » ni « monde ».
Notre héros recopie son poème, d'une écriture fine, serrée, puis il déchire la page avec précaution et la range dans la poche de sa chemise, sans la plier. (p. 85-86)

Elle a trente ans, c'est presque vingt. Lui cinquante, autant dire soixante. Qu'il inverse cette logique morbide et tous deux auraient le même âge, mais l'heure n'est pas à l'optimisme. Il courbe l'échine devant l'absurde superstition du chiffre des dizaines. Lorsqu'il plonge dans cet état de liquéfaction mentale, d'abattement, notre héros se sent vieux à faner les fleurs rien qu'en les touchant. (p. 101)

Hervé Le Tellier est né en 1957.
Il est mathématicien, linguiste, journaliste, et membre de l’Oulipo depuis 1992.

- Quelques critiques sur le site de l’Oulipo
- Un portrait de Martine Laval dans Télérama, 7 février 2007.

mardi 6 mars 2007

super-héros ou dilettante

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Écrivain (en 10 leçons) de Philippe Ségur (Buchet Chastel, 2007) est un roman très drôle, qui commence par :

Ma vocation d'écrivain est une conséquence directe de mon échec dans la carrière de super-héros. (p. 13)
Ma mère m'a beaucoup soutenu dans mes débuts de super-héros. Elle me trouvait beau. Elle me trouvait intelligent. Nous tombions assez facilement d'accord sur le fait que j'étais promis à une haute destinée. Nous ne divergions que sur les modalités pour y parvenir. Je tenais par-dessus tout à la combinaison rouge et cornue de Daredevil. Elle préférait le casoar des élèves de Saint-Cyr ou le bicorne des polytechniciens. Je lui disais : « Maman, tu veux me rendre ridicule. » Elle me répondait : « De la blague. Trouve-toi d'abord une bonne situation, tu feras super-héros ensuite. » Je dois admettre qu'elle n'avait pas tout à fait tort. Peu de super-héros poussent le perfectionnisme jusqu'à se dissimuler en garçons coiffeurs ou en videurs de boîte de nuit. (p. 15)
A l'âge de onze ans, ma vie a connu un véritable tournant. Je me suis mis à écrire. L'écriture est une activité nettement moins dangereuse que de se promener dans la cour de son immeuble un mercredi après-midi en tenue de Méga-Condom. J'ai pu m'y livrer sans dommage avec une grande ardeur. Ma mère ne voyait pas d'un très bon œil cette nouvelle passion. « De la blague, disait-elle. Trouve-toi d'abord une bonne situation, tu feras écrivain ensuite. » Elle considérait les gens de lettres comme des saltimbanques, des crève-la-faim qui ne tenaient rien de solide. D'ailleurs la plupart mouraient jeunes, ce qui prouvait à quel point ils étaient incapables. Les seuls qui trouvaient grâce à ses yeux avaient un vrai métier. Ils étaient ambassadeurs, ministres, chirurgiens. Ils écrivaient des livres à temps perdu, pour se distraire. L'absence de soucis matériels était la condition préalable d'une bonne création. Généralement, elle la rendait même superflue et ainsi tout rentrait dans l'ordre. (p. 18)

et finit par :

Un dilettante, ça ne gagne pas sa vie, un dilettante.
Un dilettante, ça s'amuse tout le temps.
Dix heures par jour la semaine.
Et les dimanches. Et les congés.
Allez expliquer ça aux gens réellement utiles à la société. Aux fabricants de dossiers, aux organisateurs de réunions. Allez vous justifier devant les producteurs de nécessités premières. Allez leur dire que les livres sont votre raison de vivre. Allez leur dire qu'ils vous ont sauvé la vie. Tâchez de leur faire comprendre cette petite chose de dix heures par jour, dimanche compris, congés itou, cette chose infime, pas commercialisable. Ils vous regarderont avec un air de compréhension et de bonté, avec ce fichu air de compassion qu'ils ont tous pour les poètes. Il y en a même un ou deux qui vous diront : « tu as raison. » Ils feront : « moi aussi, j'ai un hobby. » Ils feront : « dès que j'ai une minute à la maison, je bricole. »
Pauvre poète, pauvre fou.
Essayez donc d'écrire deux fois plus pour oublier ça. (p. 185-188)

Philippe Ségur est né en mai 1964 dans le Tarn.
Il enseigne le droit à l'université et a publié :
Métaphysique du chien (Buchet-Chastel, 2002)
Autoportrait à l'ouvre-boîte (Buchet-Chastel, 2003)
Poétique de l'égorgeur (Buchet-Chastel, 2004)
Seulement l'amour (Buchet-Chastel, 2005)
Écrivain (en 10 leçons) (Buchet Chastel, 2007)
Messal : poèmes (n & b éditions, 2007)

On peut consulter en ligne :
- son site
- le blog de Clarabel
- une page du site netcomete.

jeudi 1 mars 2007

falsification efficace

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Le deuxième roman d'Antoine Bello, Les falsificateurs, décrit la réalité mondiale comme le terrain de jeu d'une organisation secrète internationale, le CFR (Consortium de falsification du réel) qui recrute de jeunes génies du mensonge, eux-mêmes en proie au doute et ignorants des buts de l'entreprise : c'est à la fois un thriller efficace, un roman d'initiation, une réflexion sur ce qu'est une fiction et une parabole sur l'histoire / Histoire, vouée à être réécrite, falsifiée. Petit extrait des cours d’efficacité dans la falsification donnés à l’académie du CFR :

On croit plus facilement à une histoire que l’on aime. Ceci dit, attention, tout le monde n’a pas les mêmes goûts. Certains aimeront une histoire parce qu’elle les fait rire, d’autres au contraire parce qu’elle les fait pleurer. Certains parce qu’elle les fait réfléchir, d’autres au contraire parce qu’elle leur fait oublier leurs soucis. Par conséquent, la façon dont vous racontez une histoire doit impérativement dépendre du public à qui vous la destinez. Si, comme c’est le plus souvent le cas, vous vous adressez à plusieurs publics distincts, racontez-leur la même histoire, mais de façon différente. Et surtout, raccrochez-vous aussi souvent que possible à des canevas narratifs universels : le challenger qui défie les champions et l’emporte à la surprise générale, l’homme sans passé qui revient venger les siens, la jeune femme qui rompt avec un milliardaire pour épouser l’ami d’enfance qui l’aimait en secret, etc.

Antoine Bello, Les falsificateurs (Gallimard, 2007, p. 142-143)

Antoine Bello est né le 25 mars 1970 à Boston.
Il vit à New York, dirige le groupe Ubiqus et a crée rankopedia.
Il a publié auparavant :
- Les Funambules, nouvelles (Gallimard, 1998)
- Éloge de la pièce manquante (Gallimard, Série noire, 2000)

on peut lire en ligne :
- un entretien avec Sabrina Champenois, « C'est lui tout caché » (Libération, 12 février 2007)
- un entretien avec Bernard Strainchamps (Bibliosurf)
- un article d'Isabelle Rüf, « Quand les mots changent les choses » (Le Temps, 3 février 2007)

vendredi 16 février 2007

soustraction du sens

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Dans Logique du sens, Deleuze expliquait que le sens ne serait pas quelque chose de planqué qu'il s'agirait de débusquer. Il n'y a pas de dévoilement à opérer, parce qu'il n'y a rien à dévoiler. Le sens n'est tapi nulle part ; n'attend pas qu'on vienne le chercher. Il ne précède pas le texte - n'en constitue ni l'arrière fond ni le programme. Le sens est production, c'est-à-dire qu'il s'élabore au fil de l'écriture, dans des directions hétéroclites, souvent à l'insu de l'auteur lui-même. L'interprétation - le sens qu'on assigne à un texte - intervient certes en cours de processus (du moins en partie pour l'auteur), mais surtout lors de son achèvement - interprétation qui est le fait du lecteur, du commentateur, du critique.
Pour aller vite, on peut diviser les écrivains en deux catégories. Ceux pour qui le sens doit précéder l'écriture ; pour qui le roman est avant tout usine à message. Cette pulsion autoritaire (il s'agit bien de cadenasser d'avance le texte) trouve souvent sa limite avec l'intervention du lecteur, cet intrus, dont l'interprétation peut contredire les assignations de l'auteur. Le cas échéant, l'auteur se plaindra de : 1) la cuistrerie du lecteur ; 2) la mauvaise compréhension de son œuvre ; 3) la trahison du sens. La deuxième catégorie d'écrivains laisse sa chance au produit. Non pas délivrer un sens avant même d'avoir écrit ; non pas tordre le texte en fonction du sens à assigner : mais autoriser le texte en cours d'écriture à produire du sens - quitte à ce que cette production lui échappe. En d'autres termes : maintenir les possibles.
Pour aller plus loin, disons que puisque le sens finira toujours par être produit, avec ou sans l'assentiment de l'auteur, autant envisager l'écriture comme une opération de soustraction du sens. Ce qui veut dire retirer tout ce qui va dans le sens de la clôture.
Il y aurait à cela deux obstacles : le premier tient à la tentation utilitariste qui demande au roman, s'il n'est pas agréable, d'être a tout le moins utile. Le second est dans le roman lui-même (dans sa version classique), qui déroule une histoire et s'achemine donc vers sa clôture. Une mécanique est mise en place que seules les péripéties pourraient venir contrecarrer, rendre hasardeuse (le héros va-t-il s'en tirer ? Oui, si l'auteur n'invente pas une énième péripétie, qui sera cette fois trop lourde à encaisser et qui aura raison de la liberté du personnage).
La tradition moderne inventera autre chose : au lieu de dérouler une histoire, elle la dépliera (à la façon de Faulkner dans Le Bruit et La Fureur). Elle inventera un rapport au temps qui permettra de passer d'une date à une autre, d'une heure à une autre, brisant tout lien de nécessité. Ou qui en tout cas empêchera que le lecteur s'y accroche comme un noyé à la première branche qui pend. Claude Simon, par exemple, intitule un chapitre de L'Acacia « 1982-1945 ». Ce faisant, les auteurs de la modernité parviennent à faire que le roman se glisse par un trou de souris, et débouche ou découvre des espaces infinis. Qu'il arpente et n'a pas fini d'arpenter, le sens n'étant plus dicté par la langue qu'il parle (comme dans le roman classique prisonnier de sa forme). Où le sens serait plutôt inventé par la langue installée dans l'ouvert. Cet ouvert n'est pas une chose acquise, mais bien une chose à conquérir toujours. Il ne s'oppose pas à un fermé, il est plein dehors.
Voilà peut-être la leçon d'écrivains comme Claude Simon et Juan Benet : la clôture du sens ou la clôture par le sens sont renvoyés hors de l'œuvre, dans l'espace-temps où le livre sera médité par le lecteur désireux de comprendre ce qu'il a lu à partir du point de totalité qu'il aura gagné. Comme on atteint un panorama, un belvédère. Et il y parviendra (chacun se constitue un parcours, comme après une projection de Mulholland Drive) bon an mal an, sans s'en rendre compte - il faut du temps avant de comprendre cela : que la lecture a tenu sans ce belvédère, sans cette mise en perspective. La matière du livre, de chaque page, suffisant à embarquer le lecteur. Non que ces pages ou ces passages soient autonomes. Mais déconnectés de la perspective - ce que Proust avait déjà fait à coup de phrases si longues qu'il transformait tout lecteur en explorateur myope de son œuvre - ils proposent, ces passages, une épaisseur ou une richesse de signifiants que la perspective n'est pas encore venue réduire, instrumentaliser. Moment magique mimé par Proust lorsque le narrateur se réveille et met du temps à ordonner ses perceptions. Le réveil contre la clôture : voilà où on voulait en venir.

Collectif Inculte, « Soustraction du sens », Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007, p. 113-115)

jeudi 15 février 2007

le titanic après l'iceberg

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je pose aujourd'hui que ce qu'on appelle roman (officiel) ce qu'on offre en tant que roman (officiel) ce qu'on achète en tant que roman (officiel) ce qu'on critique en tant que roman (officiel) ce dont on parle comme étant de l'ordre du roman (officiel) dans la presse et dans l'édition en France en général n'est pas de l'ordre du roman et moins encore de l'ordre du contemporain mais autre chose

je pose que ce qu'on nous offre en tant que roman (officiel) cet autre chose est en général aussi pertinent que Druon pétitionnant pour rebâtir les Tuileries et aussi contemporain que les écrits des Émigrés en 1815 qui n'avaient rien appris ni rien compris ce qui dans la description la dénonciation l'appréhension du monde dans lequel on vit dans lequel on est revient à faire jouer l'orchestre du Titanic après qu'il a heurté l'iceberg

je pose que cet autre chose ces textes en général appelés romans (officiels) par les éditeurs et les journalistes dénaturent ce qu'est le roman et que ce sont des produits culturels c'est-à-dire des produits destinés à la vente et qu'il n'est donc plus possible de parler de roman contemporain visible ou reconnaissable en France au risque de mélanger les aveux les confessions les relations de viol d'inceste d'euthanasie les histoires de la Première Guerre mondiale les histoires de la Deuxième Guerre mondiale et pourquoi pas si la langue était tentait osait quelque chose qui ressemble au réel se remette en question si la langue

Emmanuel Adely, « Sans titre », Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007, p. 37-38)

Emmanuel Adely est né à Paris en 1962.
Il a publié :
- Les Cintres, roman (Minuit, 1993)
- Dix-sept fragments de désirs (Fata Morgana, 1999)
- Agar-agar, roman (Stock, 1999)
- Jean, Jeanne, Jeanne, roman (Stock, 2000)
- Fanfare, roman (Stock, 2002)
- Mad about the boy, roman (Joëlle Losfeld, 2003)
- Mon amour, roman (Joëlle Losfeld, 2005)
- « Edition limitée » (Inventaire/Invention, 2006)

mercredi 14 février 2007

météo-poétique

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La nature c'est comme le reste, c'est pas plus beau ni plus pur qu'une ville, que les zones commerciales ou les zones industrielles, que les éoliennes hautes et arrogantes au-dessus des épicéas. Des fois même la nature elle est comme ça énervante et neurasthénique, à l'automne si moche et sale, boueuse et collante au printemps quand la neige poisse, arrogante avec le soleil intact de l'hiver, et ridicule si verte l'été. Pénible, ennuyeuse, comme tout le reste. Si pourtant le plateau me vient souvent autour de moi si beau, c'est juste parce que j'y vis. C'est bête, mais magnifique est l'endroit où on vit, ça dépend de comment on se lève, comment on regarde au-dehors, ça dépend de si on regarde. Il y a des jours, des matins ou des nuits, où le temps dans le paysage, où l'air dans les arbres est exactement, presque trivialement, en accord avec le temps dans notre corps, l'air dans notre humeur, on est maussade et dehors aussi, l'humidité se palpe de partout, de nous jusqu'aussi loin là-bas, où ne voient pas nos yeux, puisque le crachin nous interdit de voir. Il nous surprend jusque dans la cuisine, et on s'y attendait tellement. Que la pluie soit froide dans le cou ça ne nous enlève pas l'envie de pleurer, mais ça nous rend la dépression presque belle. (p. 61)

Je ne suis pas sûre que ce soit plus facile, je me souviens juste un peu trop fort de ma propre adolescence, de cette adversité qui me paraissait insurmontable. J'aimerais lui dire, à Nadège, mais comment lui parler. Même à Nadège c'est impossible, elle qui serre les cuisses ou les ouvre trop. J'aimerais lui dire, personne ne t'empêche de les ouvrir, tes cuisses, mais personne ne t'y oblige. Je ne peux pas lui expliquer, comment je ne pouvais pas, moi, ni les ouvrir, ni les fermer. Pour devenir ce que j'étais, je m'enfermais dans la salle d'eau. Je n'avais devant moi que des moments étroits. Et tout le reste du temps et de l'espace, il me fallait porter le sexe en avant pour avoir l'air d'être ce que je n'étais pas, avec en plus ce déplaisir de plaire aux filles à cause de mon air romanesque idiot, cet air qu'essaie de prendre Sébastien quand il referme son cartable résigné en regardant Nadège, puis en se retournant vers moi, vers elle. (p. 63)

Au-dessous des éoliennes, juste, au moment du paysage où le lac artificiel trouve son espace, émondé dans ma mémoire, je vois quelque chose dans les montagnes. Les nuages qui posent leur brume jusqu'au sol ne sont pas assez épais pour empêcher d'y voir, même loin, mais ils bouchent une sorte de transparence par endroits, et la renforcent à d'autres. Juste en face de moi, juste en face de nous, un rectangle, oui, un rectangle presque parfait, laisse filtrer le soleil. On dirait pas un filtre comme je sais pas, au bord de la mer par exemple. Non, ça fait comme ces filtres qu'on visse sur les objectifs des vieux réflex et qui changent les couleurs. Dans un cadre rectangulaire du paysage, toutes les couleurs ont changé, mais seulement à l'intérieur du cadre. C'est mon premier phénomène météo-poétique partagé avec les petits, Lise me dit regarde, mais les maternelle, debout d'un bloc, ont une agitation, une ébullition de cachet jeté dans l'eau, qui nous gâche tout. (p. 141-142)

Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes (POL, 2007)

Emmanuelle Pagano est née en septembre 1969 dans l'Aveyron.
Elle a publié :
- Pour être chez moi, récit, publié sous le pseudonyme d’Emma Schaak (Rouergue, mars 2002)
- Pas devant les gens, roman ( La Martinière, février 2004)
- Le tiroir à cheveux (POL, 2005)
- Les Adolescents troglodytes (POL, 2007)

Elle a également un site internet Les corps empêchés qui comporte une partie blog : « dans la marge ».

En ligne aussi :
- Philippe De Jonckheere en parle très bien là et dans ce ricochet très drôle concernant une critique d'Alexis Lacroix
- un autre billet, dans un tout autre genre, chez Clarabel
- un article de Martine Laval pour Télérama
- et, aujourd'hui même, un article de Fabienne Swiatly dans remue.net.

mardi 13 février 2007

entaille dans la grande fiction

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On nous dirait qu'ainsi va le monde. On nous dirait qu'ainsi il va, qu'il n'y a rien d'autre. À chercher. À trouver. Tous le diraient. Tous depuis toujours. On est si petit alors. On vient d'arriver. On nous dit ce qui est vrai. Que faire ? On dirait qu'on ferait semblant de croire que ce qui est donné pour vrai est le vrai. Que les mots ne sont pas vidés de leur sens. On ferait semblant de croire que ce qu'il faut, c'est être raisonnable, peut-être le croirait-on, peut-être le ferait-on, être raisonnable. De notre mieux. Quand même, on dirait qu'on aurait du mal à y croire. Mal d'y croire. Mais dans ce bruit qu'on entendrait, comment ne pas croire qu'on serait seul à souffrir ? On aurait mal et l'on se sentirait plus seul encore de croire que l'on est seul à avoir ce mal jusqu'à craindre parfois qu'il n'y ait pas d'issue, qu'il n'y a que ça souffrir, le cacher, être seul, faire semblant. Un temps peut-être on essaierait, l'on ferait semblant que tout va, qu'il y a plus malheureux, qu'il ne faut pas s'écouter, qu'on n'est jamais satisfait. On essaierait et pourtant toujours la souffrance serait là, nous arrachant la peau, nous découpant jusqu'à l'os, nous plongeant dans la plus haute solitude. On nous dirait, bien sûr, qu'il ne faut pas trop se poser de question que ça ne sert à rien, qu'ainsi va le monde. Que faire ? Alors on se tairait, l'on dissimulerait la souffrance dans nos corps pour ne pas devenir fous et parfois même on arriverait à croire cela, que ce serait la vérité. On dirait qu'on vivrait dans la Grande Fiction.

Écrire, gratter la surface lisse du monde, érafler la Grande Fiction, y découper des portes, des fenêtres ou même la poignarder, à chaque écrivain(e) sa méthode pour entamer ce mur, pour celles et ceux, évidemment, qui ne le cimentent pas plus. Le roman, entaille dans la trame serrée des mots usagés, couteau dans le récit consensuel des jours pour ouvrir au-dedans de nous les espaces qui ont été niés, fermés, déclarés inexistants. Le roman. Pas tous les romans. Combien de livres n'ont d'autre objet que d'épaissir la paroi opaque de la Grande Fiction, de renforcer son pouvoir en donnant au lecteur, lorsqu'il refermera le livre, le lâche soulagement qu'il aura peut-être eu peur, été touché, ému, etc., mais qu'il ne lui sera rien arrivé.

Louise Desbrusses, « Une entaille dans la Grande Fiction », Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007, p. 335-336)

Louise Desbrusses est l'auteur de L'Argent, L'Urgence (P.O.L. 2006)
et de Couronnes, Boucliers, Armures ( à paraître chez P.O.L.)
On peut lire en ligne un entretien (L'Internaute)

vendredi 9 février 2007

l'épouvantail d'hudimesnil

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Jean-François Paillard parle également fort bien de ses propres « machines romanesques » dans un entretien avec Fabienne Swiatly proposé par remue.net :

(...) Au point où en est aujourd’hui la « Fiction », je pense qu’un roman est une expérience narrative qui doit tout tenter, même l’impossible, le présomptueux, le « plus grand que soi », la confusion, l’autodérision, l’énorme etc. Un écrivain n’a rien à perdre à s’amuser vraiment, à « convoquer » Proust pour en faire une sorte de créature tutélaire ou à essayer les trucs et ficelles de poètes (Michaux en tête pour ce qui me concerne). Le passage qui fait référence à l’épouvantail croisé sur le chemin du narrateur : « Comme lui, j’étais cette grotesque apparition, cet impossible narrateur qui agite ses bras désespérés, cherchant à se hisser jusqu’au lecteur, semblant lui dire : Reste, reste un instant, car ce que tu n’apprends pas de moi maintenant, tu ne le sauras jamais » est une phrase empruntée presque mot pour mot à La Recherche du temps perdu. Elle apparaît en conclusion d’un des textes les plus profonds que j’aie jamais lus, narrant la descente en calèche du narrateur vers Hudimesnil. Ce texte, qui a trait à l’indéchiffrable énigme du « statut de l’auteur » fait précisément l’objet d’une discussion assez lamentable entre le narrateur de ''Pique-nique'' et une de ses « créatures », Damiana Legowisko. (...)

jeudi 8 février 2007

machines romanesques

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Pour le volume Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007), Philippe Vasset propose un beau texte intitulé « Machines romanesques » (p. 55-60) :

-> (...) Pour mes deux premiers textes, je pensais avoir mis en place une forme nouvelle, baptisée « Machines » (j'avais négocié pour que cet intitulé apparaisse en-dessous du fatal « roman » sur la couverture de mes livres). Je me suis bien gardé d'expliciter cette appellation car mon projet était alors assez flou (il l'est toujours un peu). En gros, il s'agissait d'écrire un équivalent textuel du Centre Pompidou et de rendre toute la structure du livre visible, de façon à ce que le lecteur s'intéresse plus à elle qu'à l'intrigue (les personnages étaient transparents, les histoires incomplètes, trouées, et le moteur du texte était, dans un cas, le fonctionnement d'un logiciel et, dans l'autre, le déploiement d'une carte). Le livre devait apparaître comme la production d'un mécanisme plus vaste, aux potentialités presque illimitées et dont le lecteur serait invité à se saisir pour en faire, à son tour, usage (tout ceux qui écrivent aujourd'hui sans comprendre que leurs lecteurs sont capables de faire aussi bien qu'eux, sinon mieux, ne produisent que des livres vains).

-> Bien sûr, mes « Machines » manquent leur but, et même d'assez loin, mais ça n'est pas très grave : je préfère prendre un risque et rater un texte plutôt que faire comme si je savais ce que je faisais, comme si le monde n'avait pas changé et que la littérature y jouait toujours un rôle, comme s'il suffisait d'inventer des personnages « attachants » et des histoires « captivantes » pour faire un texte qui soit autre chose que du papier imprimé. Tous les livres que j'aime aujourd'hui ont des ambitions bien au-dessus de leurs forces : la plupart du temps, ils tombent â côté, mais ces demi-échecs valent cent fois mieux que la littérature d'ameublement qui vient chaque septembre couvrir les tables des librairies.

-> Pour laisser s'épanouir ces formes inachevées, pour permettre la coexistence et l'interpénétration réciproque du réel et de la fiction, pour ouvrir le texte à ses lecteurs, ils nous faudrait, au lieu du roman, une forme plus proche de ce que l'art contemporain appelle installation, c'est-à-dire une juxtaposition d'éléments entre lesquels on puisse circuler, un texte préparé comme l'étaient il y a cinquante ans les pianos, bref, une machine.

-> Armés comme des pièges, ces assemblages textuels permettraient, plus sûrement que ne le peut le roman, d'appréhender les métamorphoses de la fiction. Ils révéleraient la petite économie fictionnelle qui court en arrière-plan de nos vies, la persistance presque rétinienne de certaines scènes et personnages, la multiplication à l'infini de nos avatars, et le nuage de noms et de qualificatifs qui partout nous accompagne. Eux seuls pourraient capter la langue concassée, hantée, confuse à force d'ellipse et de raccourcis qui est la nôtre et montrer que celle-ci vient toujours après : après les images et après la musique que l'on écoute sans cesse.

C'est l'occasion d'inciter à lire ses trois romans :
- Exemplaire de démonstration, Machine I (Fayard, 2003 ; Pocket, 2005)
dont on peut lire en ligne des extraits (remue.net)
- Carte muette, Machine II (Fayard, 2004 ; Pocket, 2006 )
- Bandes alternées (Fayard, 2006)

Philippe Vasset est né en 1972. Il est rédacteur en chef d'Africa Energy Intelligence et membre de la rédaction d'Intelligence Online.

oreille absolue

Merci à buzz littéraire de mettre en ligne un (trop) court extrait de l'intervention de Régis Jauffret lors du colloque Enjeux contemporains du roman.

mercredi 7 février 2007

la femme qui rit

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Le court essai un peu énigmatique d'Isabelle Sorente, La femme qui rit. Le marché noir de la réalité (Descartes & Cie, 2007) rappelle que « la femme » n'existe pas ; mais, comme le souligne le (joli!) titre, que les femmes sont plus à même d'accepter, et de supporter, les mutations à venir pour l'humain : si l'intelligence humaine, par exemple, se voyait dépassée par l'intelligence artificielle, peut-être ne serait-ce pour les femmes, à qui l'homme n'a consenti l'intelligence que depuis finalement assez peu de temps, que matière à éclater de rire.

Que passe la femme sous le manteau, la jupe ? La femme, le sexe : de cette réalité je ne connais rien, sauf l'intimité de mon travestissement. Quand je dis femme, je pose l'inconnue.
C'est tout.
De la Femme, du rôle, je sais quelques postures. Après tout, je la joue depuis la naissance. Elle, chiffre 2 de ma carte vitale. Elle, mon personnage. Ou elles, mes personnages ? (Le bordel, déjà.) Le pluriel semble moins injuste, mais dans mes personnages, il y a aussi des ils, et des ni l'un ni l'autre.
Alors disons Elle, la Femme et ses postures. (p. 29)

Une joie immense attend, dans le ventre des femmes, elle attend l'heure des causes désespérées. Elle est le joker de l'humain, lové en elle pour lui. Lorsque l'asservissement devient la norme, alors la femme rit. C'est un rire inespéré. Ça n'est pas un déchaînement. Ça n'est pas un soupir, ni un gémissement. Peut-être un cri. Peut-être un regard qui défaille en silence. Presque rien. Mais cet œil qui défaille est ouvert sur l'abîme, la jouissance travestie soudain se révèle, le sexe n'est pas, le visage n'est pas...
Une joie qui dresse les cheveux sur la tête.
(...) Plus on l'insulte, plus la femme rit.
C'est un rire presque imperceptible, à peine si la femme l'entend. Sous l'insulte, elle perçoit autre chose, un manque de mots pour dire ce qu'elle est. Un aveu devant un autre monde. L'insulte sous le manteau signifie, Bon voyage ! C'est un rire faible, terrifiant, Bon voyage !
Ce pourrait être un cri, qui proclame en l'humain la faillite du réel, l'illusion de l'humain. L'exclamation du voyageur face à la Terra Incognita. Si c'était un mot, ce pourrait être ça, Terre ! Mais ça ne proclame rien. Ça ne dit rien. C'est détaché de ça aussi. Dans la nuit, c'est le seul éclat. C'est un rire. Parfois, on l'entend. (p. 49-51)

Isabelle Sorente est née en 1971 à Marseille.
Elle est polytechnicienne et journaliste.
Elle a a publié des nouvelles, deux pièces de théâtre (Hard copy, 2001, L'Ogre, 2004) et quatre romans :
- L (Lattès, 2001)
- La prière de septembre (Lattès, 2002)
- Le Coeur de l'ogre (Lattès, 2003)
- Panique (Grasset, 2006)
- un texte à lire en ligne « Je suis une créature » (15 juin 2004).

vendredi 2 février 2007

sa plus sournoise prison

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Ce que l'on a, un jour, appelé fiction n'existe plus et nul ne peut aujourd'hui nier les effets subversifs de cette catégorie d'écrits trop longtemps portée aux nues. En donnant de Ia réalité des représentations illusoires, en la distordant pour prétendument révéler son sens caché ou en abusant de cette manie qu'est l'invention d'histoires, les écrivains de fiction ont communiqué leurs frustrations à leurs semblables ; ils ont créé chez eux des souhaits démesurés et par contraste mis en valeur la monotonie de leur vie. Leur méthode se fondait sur l'utilisation excessive du processus d'identification qui leur permettait de magnifier les sentiments les plus ambigus, les plus contradictoires de leurs lecteurs et ainsi de les plonger dans l'incertitude et Ia consternation. Au cours des décennies passées, la fiction est apparue de plus en plus comme une menace pour l'évolution de l'humanité, ses écrivains comme les promulgateurs d'un malaise qui aurait dû demeurer entièrement le leur. L'imagination, nous le savons à présent, n'est pas un atout de l'être humain mais sa plus sournoise prison.

Céline Curiol, Permission (Actes sud, 2007, p. 100-101)

Née en 1975 à Lyon, Céline Curiol a publié auparavant Voix sans issue (Actes sud, 2005 ; Babel, 2006)

à lire :
- Vincent Roy, « Céline Curiol et Antoine Bello : sortir des prisons de verre », Le Monde des livres, 25 janvier 2007
- Agnès Séverin, « L'imagination, voilà l'ennemi », Le Figaro, 25 janvier 2007

jeudi 1 février 2007

prix hors-saison

Je me nomme François Rousseau. Celui qu'hier on a pensé honorer en le couchant entre Descartes et Voltaire dans la crypte du Panthéon naquit sept ans après moi. Tu avais onze ans quand je quittai notre pays natal pour n'y plus jamais revenir. Puis-je prétendre te mieux connaître que ceux qui t'enterrèrent hier ? Je le crois. Nous n'étions d'abord frères que par les hasards du sang, lesquels ne valent guère plus que le peu de foutre qui les cause ; mais, je le dis hautement, j'ai conquis par mon existence le droit de m'adresser à toi. Quant à l'idée de composer le présent mémoire, voici comment elle me vint. Un ami me prêta le volume premier de tes Confessions, qui venait de paraître. Le titre m'en déplut, parce qu'il puait la sacristie et l'encens refroidi. Pourtant je lus l'ouvrage d'une traite, mais non sans un vif agacement sur la scène immense de ton orgueil tous les personnages de ta vie paraissaient en figurants, des plus illustres aux plus humbles. Quant à ton frère François, tu ne le mentionnais que trois ou quatre fois. Pour un homme qui prétendait dire la vérité entière, tu te faisais d'elle une image bien singulière ; à telles enseignes que je pensai qu'il serait plaisant d'administrer à ces pompeuses confessions la correction qu'elles méritaient. Puis j'eus mieux à faire qu'écrire, et me voici parvenu à la fin de ma vie : j'écrirai maintenant, ou jamais. (Fils unique, Prologue, p. 14-15)

Le prix des Deux-Magots 2007 a été décerné mardi 30 janvier à Stéphane Audeguy pour Fils unique (Gallimard).

Stéphane Audeguy est né à Tours en 1964.
Agrégé de Lettres Modernes, il a été assistant à l’université de Charlottesville (Etat de Virginie, Etats Unis), a travaillé dans le milieu du cinéma, et enseigne aujourd’hui l’histoire du cinéma et de la littérature. Il vit à Paris.
Il a publié :
- La théorie des nuages (Gallimard, 2005)
- Fils unique (Gallimard, 2006)
On peut lire en ligne un entretien avec Nathalie Jungerman (Fondation La Poste).

mercredi 31 janvier 2007

dans l'œil des autres

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intensifiez
votre regard
d'un trait de crayon
à l'intérieur de l'œil
sans broncher
vous supportez
vous voyez
dans l'œil
des autres
une tache
vous
vous vous voyez
dans l'œil
de tout le monde
vous
en quatre
en dix
en cent
vous vous intensifiez
à l'intérieur
vous vous épuisez
cette générosité trahit
un manque de confiance
en vous
vous supportez
ce manque
patiente
vous vous supportez
sans broncher
tapotez légèrement
votre visage
avec une noisette
de fluide hydratant
vous voyez
vous supportez
votre visage
ne relâchez
jamais
votre visage
soyez dévouée
votre visage
supporte les contraintes
soyez patiente
tapotez
tapotez légèrement
mais
cela ne suffit pas
cela ne suffit jamais
dans le regard
des autres

Patrick Bouvet, Canons (L'Olivier, 2007, p. 8-9)

« Une lectrice de magazines, une jeune starlette et une performeuse féministe : trois femmes aux prises avec les canons de la beauté. Comment s'y prendre pour exister ? Soumises ou rebelles, elles savent que l'apparence a toujours le dernier mot. »
(dit la 4ème de couv' : d'habitude je renvoie vers le site de l'éditeur, mais de site il n'y a pas, et un lien vers un libraire en ligne, je n'ose !)

Patrick Bouvet est né en 1962.
Il pratique également le sampling et le collage musical et a publié :
- In situ (L'Olivier, 1999)
- Shot (L'Olivier, 2000)
- Direct (L'Olivier, 2002)
- Chaos Boy (L'Olivier, 2004)

En ligne, on trouve notamment :
- des informations et des textes (Inventaire/Invention)
- un entretien (Fluctuat.net)
- son site internet

Ajoutons, trouvé depuis, un autre extrait (rougelarsenrose)

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