lignes de fuite

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mardi 8 juillet 2008

la sérendipité est notre seule méthode

Beau-Voir-Smirou-Matton-4.jpg

2 : La sérendipité
Avec les jumelles sur la crête on s'accommode de peu
de choses et d'autres vues de l'esprit (le petit bout
à petit feu) le plus clair du temps dans le blanc des yeux
surgissent d'on ne sait quelle tête - des réglages ?
mais c'est lent : la sérendipité est notre seule méthode
reconnue et de loin la bête se rend en un éclair soluble
dans la poudreuse on ne marche jamais vraiment
que dans ses pas - mais c'est vous qui voyez.
(« Le chamois », p. 34)

4 : Le libraire du coin
L'atrophie des hélices c'est juste un coup prémédité
pour faire un peu parler du pigeon au libraire du coin
de l'œil du spectre familier que ses ailes de géant
empêchent comme ça de marcher sur le poète paradoxal
nous avons connu pire - nos ailes à nous de nain rognées
le vol se volatilisait : nous battions dans l'optique
de vaincre une pesanteur qui ne venait jamais des manchots
nous battions pour lui mettre le petit doigt dans l'œil.
(« Le dodo », p. 56)

2 : Sur un pas
Vient de ce que contrairement aux idées reçues les aigles montent
haut le décalage : d'Eschyle à moi (la confusion joue de la tête
et des rochers) le cryptodire précipité traverse injustement l'esprit
au final il n'y a pourtant qu'un pas qu'on mesure sur la plage
dont je parle à mon corps préservé - on dirait qu'il soulève
des questions de méduse - au son si sourdement désintégré
qu'impose ma tortue dans son atterrissage aux mouches
qui piquent les aoûtiens déçus par tant de bruit pour rien (à voir).
(« La tortue », p. 74)

Sébastien Smirou, Beau voir. Bestiaire (POL, 2008)

À propos de ce bestiaire, l'auteur invite dans son blog, Si tu vois ce que je veux dire, à ré-écouter Deleuze et à « taquiner » les figures et les mots : beau programme !

Il sera demain (tout à l'heure, de fait) l'invité des Mardis littéraires de Pascale Casanova, à 10h sur France Culture.

Sébastien Smirou est né en 1972, il est aussi psychanalyste et a publié :
- Simon aime Anna (rup & rud, 1999)
- Mon Laurent (POL, 2003)
- Ma girafe (Contrat maint, 2006)

La couverture est illustrée par François Matton.

lundi 7 juillet 2008

l’humanité d’un bigorneau

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::: serais-je moi aussi dotée de « l’humanité d’un bigorneau » ? J’avoue que je ne me parviens pas à me réjouir de la façon dont la France « est en train de changer », ni de voir une femme dont une trop longue captivité a peut-être altéré le jugement remercier qui n’est pour rien dans sa libération.

::: de temps à autres je tente de mettre à jour le très désuet, cacochyme et peut-être plus très utile labyrinthe, qui aura bientôt dix ans et ne propose même pas de flux rss (la honte!), en me demandant « à quoi bon » : il faudrait sans doute tout casser et rebâtir ... ou bien se résoudre à la fossilisation.

::: alors pour vivre avec mon temps et le web 2.0, et parce qu’il n’y a pas de raison pour que je n’ai pas moi aussi mon petit « univers » personnel, j’ai étoilé mon blogroll en quelques galaxies de flux : c’est une version beta pas très complète ni très bien rangée, genre juste après le big-bang ; je sais la bannière est kitsch, mais elle me plait bien ... et puis elle file la métaphore subaquatique ... et d'ailleurs je fais ce que je veux dans mon univers, non mais !… grâce à netvibes même les bigorneaux peuvent se prendre pour dieu.

::: j'ai localisé quelques univers parallèles chez Laure Limongi, François Bon, Silvère Mercier, ou Berlol : si vous en connaissez d'autres ou si vous aussi vous vous êtes pris pour dieu, faites passer l'info.

::: en post-scriptum, quelques autres univers parallèles : Pierre Ménard, bien sûr (merci F), Christian Jacomino, Émilie Breton, Christian Pujol, et, mis en ligne aujourd'hui, celui de Marc Pautrel.

::: erratum : lire ci-dessus Litor et non Berlol ; et si vous ne connaissez pas Litor allez voir à Berlol (je remarque tout de même, Berlol, qu'Hubert de Phalèse, s'il est partout, est selon son profil de sexe masculin, ce qui est désobligeant à l'égard de ses membres féminins !)

entachée de ridicule

Toute littérature est entachée de ridicule : sa gravité, sa solennité, son outrance, son tour péremptoire ou inspiré... inévitablement l’un ou l’autre de ses profils est déjà sa caricature. Le lecteur n’a plus qu’à disposer son siège dans le bon angle pour y trouver matière à rire et se moquer. La conscience aiguë de ce ridicule constitue sans doute le secret désespoir de tout écrivain lucide.

Éric Chevillard, L’autofictif, 278, 7 juillet 2008

dimanche 6 juillet 2008

interlude nostalgique

vendredi 4 juillet 2008

des sosies

L’écrivain publie le résultat de ses méditations pour se sentir tout de même appartenir au monde, pour rompre le cercle vicieux de ses hantises et sortir de son corps. Puis il voit venir à lui ses lecteurs : des sosies.

Éric Chevillard, L’autofictif, 253, 12 juin 2008

jeudi 3 juillet 2008

fuir dans tous les sens

Crab fuit dans tous les sens. Il se dérobe devant. Il s’éclipse par derrière. Il se rue hors. Il décline l’offre. Il évite le sujet. Il noie le poisson. Il passe son tour. Il s’absente un moment. Il prend congé. Il change de trottoir. Il cherche refuge. Il scie la branche sur laquelle il est assis pour se faire un cercueil de belles planches.

Éric Chevillard, La Nébuleuse du crabe (Minuit, 1993, p. 64)

parmi les nuages

... conduire vers de beaux sites et donner envie de lire de beaux livres, voilà qui me fait très plaisir ...

mercredi 2 juillet 2008

chacun s'y mire

lhuillier.jpg

Dans l'orbite militarisée de Carl Tech :
pendant qu'Albert Einstein définissait
le fait d'envoyer un message, an sens thermo-
dynamique, comme processus irréversible
connecté à l'entropie, certains Folamour
obligeaient des femmes enceintes
à traverser des cerceaux enflammés,
non loin du champ de tir de Devil's Gate ;
à croire que la proximité du haut désert
(quand on sort du Mojave, il est difficile
d'accommoder à moins de quinze miles)
favorisait un new age de la superstition,
tout droit tiré des pages de Astounding S.F.
la femme écarlate est ressuscitée encore
et encore par des laborantins fêlés,
pas moins inspirés par les délires de Crowley. (p. 86)

Sébastian Brant lorsqu'il composait son miroir,
Chacun s'y mire et s'y reconnaisse,
entrait par une porte et sortait par une autre
Das jm mit blib der narren sträl,
de peur que ne lui reste en main le peigne
à carder, le bonnet, la marotte du docteur Griffe :

Le poète qui tombe à travers le panier ne sait plus :
À quelle Nef des fous, Mopsus et Nisa arborent
Le grand balai, il se passe tout à coup tant de choses
Orchestrées, l'un tond moutons, l'autre cochons.
De son manteau bleu, elle enveloppe l'ami trompé :

La proverbiale action redondante de l'espèce sapiens
: Nothing to do but to do it the rest of my life. (p. 98)

Jérôme Lhuillier, En cette grande époque (Flammarion, 2008)

Une remise en cause incisive de la cruauté et des impostures du monde qui est le nôtre, avec un renfort tellement massif de références, entremêlées, à toutes les mythologies comme à la culture d'aujourd'hui, qu'une partie échappe forcément pour devenir pure poésie.

Jérôme Lhuillier est né en 1971 à Paris et il a publié une première suite poétique :
« Disciplines », p. 9-75 dans Venant d'où ? 4 poètes (Flammarion, 2002)

mardi 1 juillet 2008

une tendance à tout compliquer

Venons-en au fait. Ce n’est pas tant notre goût pour les viandes rouges et les salades vertes qui nous distingue des autres animaux (on aura brièvement reconnu au passage le tigre et l’escargot), ni notre rut sans façon, notre allégeance aux puissants ni notre vaillance soudain raffermie pour combattre un nain malade, et le gober, mais les cathédrales gothiques par exemple expriment bien en quoi consiste notre originalité, une tendance à tout compliquer, à ergoter même dans la pierre - et cela justement établirait notre prestige sans égal parmi les populations terrestres.

Éric Chevillard, La Nébuleuse du crabe (Minuit, 1993, p. 100)

lundi 30 juin 2008

communiquer dans les nuages

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Communiquer « dans les nuages »
Le téléphone ou le mail sont orientés vers un destinataire spécifique, dont on attend une réponse, une interaction. C’est une communication sous contrôle. Le web, lui, permet d’envoyer des informations tout en laissant aux intéressés (les happy few, disait Stendhal) la possibilité de répondre comme et quand ils le désirent.

Francis Pisani, Dominique Piotet, Comment le web change le monde. L’alchimie des multitudes (Pearson, 2008, p. 28)

J'aime beaucoup cette métaphore...
les nuages numériques peuvent d'ailleurs aussi être des nuages de tags, avec lesquels on peut jouer.

dimanche 29 juin 2008

beaucoup de volonté pour ne pas s’enfuir

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La mer se dessine un peu plus dans la solitude des membres de la famille. Il leur faut beaucoup de volonté pour ne pas s’enfuir. Les uns assis en face des autres ils se concentrent sur les gestes qui les rassemblent. Seul l’enfant leur donne de la profondeur. L’enfant fait glisser les regards lointains du père, de la mère, du grand-père et de la grand-mère vers le carrelage noir et blanc, le bassin en plastique bleu, le canard en peluche, la voiture, le patio, la plage, les corps ensevelis dans ce jour perdu dans les apparences. L’enfant invente les lieux où le regard resplendit : la salle à manger à l’heure du déjeuner, un mur où la main de l’enfant prend appui, un chemin bétonné. Ce sont des lieux que le regard du père n’aurait jamais saisis si le corps de Marie ne s’y était attardé. (p. 30)

Une plage plus une plage plus une plage. L’image se prête aux jeux de l’enfant. À ses transformations liquides et minérales. Quand l’enfant est tournée face contre terre avec l’air seulement pour supporter ses chutes. L’eau est aussi incompréhensible que la ligne d’horizon saisie en paume ouverte. La main que l’enfant tend en avant pour attraper l’étendue jusqu’au bout de l’eau. L’image observe, les pieds dans l’eau. Que dire du regard du père qui s’est définitivement tu ? Que de la lune le père préfère le fou et du fou son doigt pointé vers l’invisible. Là, il commence à comprendre. Là, dans la succession des plages. Le regard moins le sommeil. Apaisé. Moins l’effleurement d’une caresse. Ni chasteté ou empressement. Le regard assigné à sa plus calme envergure. Le cœur ne sera plus jamais bondissant. Jacques fait cette découverte de son impuissance. Sa fragilité enfin comblée par le silence. Tout le poids de ses organes tétanisés, vaincu par l’obstination de l’enfant à faire sienne la lutte du sable et de l’eau.

Une plage plus une plage plus une plage plus une plage. Le jour ne se répète jamais. L’image n’annonce rien des variations du temps. (p. 32-33)

Jacques n’a de cesse de construire la même image dans le but de recouvrir toutes les autres. Ainsi le temps ne pourra plus avoir d’emprise. Ainsi tous les membres de la famille resplendiront pour toujours. Une plage plus une plage plus une plage plus une plage plus une plage, l’espace s’inscrit dans ce cadre immuable, figé à mesure que le regard de Jacques s’attarde. Sans aucun voyage. Que le silence qui parfois s’installe. (p. 36)

Un plan de géostratégie familiale. Planter le parasol dans le sable. Protéger la glacière dans l’ombre du parasol. Disposer enfant et serviette dans un périmètre proche de l’épicentre du parasol. Les disposer de sorte que toute personne amenée à s’approcher de cette zone comprenne qu’ici tout est propriété privée sous contrôle de la mère guerrière. S’enduire le corps d’huile protection minimale. S’allonger sur les serviettes. Fermer les yeux, ne plus bouger, ne penser à rien. (p. 41)

Alexandra Baudelot, Super 8 (publie.net, 2008)

À lire aussi, dans publie.net encore, pour la vibration troublante - de mirage - de ces images avec camera super 8 de la famille - réelle ou fictive, documentaire ou rêvée : les explications para- et con-textuelles sont ici.

samedi 28 juin 2008

singulièrement touchant

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Diderot remarque quelque part dans ses écrits sur les Salons comme la vie dans le tableau n’est pas l’esquisse d’un mouvement mais la possibilité d'une mobilité de l'image dont le spectateur est la mise en perspective. Le spectateur accomplit le tableau par les mouvements que son corps et son regard dessinent. En se promenant.

À travers les voies désolées des banlieues, j’accomplis les immeubles, les barres et les écoles. (p. 7-8)

J’ai noté : ce projet compose avec les signes aléatoires et confus que suppose l’aventure, l’exercice du journal est confronter un référent mouvant, multiple, à une énonciation stable, noter par le caractère successif de l’existence les variations dans la continuité. (p. 18)

Samedi, le 12. Vernissage, Paris Ils voulaient savoir de quoi il retournait très vite parlez-moi de votre travail je dis notre rapport au monde que déjà le groupe est vers la sortie mais ils sont pressés on comprend peut-être il a dit vous peignez des immeubles comme ça peut-être j’ai précisé la confrontation de l’architecture et du paysage et comment dans le regard cela devient peinture. Est-ce que j’aurais dit je peins de la peinture ? (p. 24)

Je n’ai pas dit la stupeur du paysage inerte, les choses comme engourdies, abruties de lassitude. Constate par la fenêtre : lieux immuables sous un ciel immuable. Comment pourrait-on dire les choses là ? La qualité du regard que vous posez sur elles, leur façon de faire bloc tout en étant mal établies dans leur importance. Tout à la fois dures dans la vue que vous vous faites d’elles et fondues dans les mouvements du monde qui sont comme une houle. Le regard pointu que vous posez dessus quand les regarder est se laisser flotter sans langage et sans direction. C’est là et c’est pas là, et sans doute pour cela appelle à la contemplation. Pour peu que vous les photographiiez les choses ceux qui passent vous regardent puis regardent face à vous comme ils regarderaient le vide. (p. 26)

Communes, ordinaires, sans paroles. Si vous portez sur eux une attention suffisante, le mur gris aperçu de passage à l’angle d’une rue quelconque devient singulièrement touchant jusqu’à sembler dans son existence morne développer depuis lui toutes les diagonales du monde. (p. 29)

Sol à carreaux simple - pourrait être celui d’une cuisine dans un immeuble de 70 - beige, jaune, gris. 10 par 10. La composition symétrique semble légèrement décentrée sur la gauche et je ne sais pas bien pourquoi ce détail simplement déjà vous donnerait des larmes : ce petit décalage à gauche.
En fait on peut tenter l’analyse bien sûr la conjugaison de la symétrie stricte, toute de principe, et de l’intrusion humaine, du jeu émouvant, comme gauche, que cela induit à la mécanique mais ça n’épuise pas le fait. À Venise j’avais passé des minutes à genoux - une génuflexion d’athée ou d’amoureux fou, et j’ai perdu le souffle - devant cette vierge de Giorgione entourée de deux soldats. Une composition en triangle sur fond d’horizontales. Pour dire leur présence, leur épaisseur, j’ai pas bien les mots mais tout cela avait quelque chose d’exact, le jeu exact et magnifique des volumes dans la lumière. Un mur auquel s’adosse le trône, et derrière, un paysage. Tout ça projeté à la surface comme un monde. Je ne veux plus regarder les reproductions papier ou Internet qui échouent totalement à cet endroit du tableau, conserve seulement le souvenir d’il y a maintenant trois ans. (p. 31-32)

Et comme un point de contact de dire d’une figure sereine et close du musée Guimet, sensuelle et spirituelle terriblement et aussi d’une barre HLM avec linge aux rebords qu’elles sont à leurs différentes manières habitées. (p. 34)

Jérémy Liron, Le livre l’immeuble le tableau (publie.net, 2008)

Grâce à publie.net également, on peut arpenter, à la recherche de ce qui constitue, au plus intime, l’émotion esthétique, les « espèces d’espaces » de nos villes et banlieues contemporaines, en compagnie de Jérémy Liron, qui les peint et photographie aussi, et les raconte au quotidien dans son blog Les pas perdus (dont la composition ci-dessous est extraite : allez-y pour cliquer et l'agrandir).

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post-scriptum : Jérémy Liron expose en ce moment à la Galerie Isabelle Gounod

vendredi 27 juin 2008

dans un désordre impeccable

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... Et tout s’enchevêtra dans un désordre impeccable

Une chaîne de solidarité que (une fois n’est pas coutume) je suis très heureuse de faire suivre, en souvenir de tous les plaisirs de lecture, les émotions, les découvertes, les indignations partagées, les rigolades et les punctum photographiques qu’il m’a offerts depuis 2001 : on a volé à Philippe De Jonckheere l’un de ses outils de travail essentiels, son appareil photo ; et nous pouvons l'aider à le remplacer.

Après François Bon, qui en a eu l’idée et a su vaincre les réticences de Philippe, Laure Limongi, remue.net, Marc Pautrel, etc.

::: pour le cas, bien improbable, où vous ne connaîtriez pas encore le désordre, allez vous y perdre très vite ; et, si vous préférez l’aborder de manière plus linéaire et moins risquée, vous pouvez aussi le découvrir grâce à publie.net

::: publie.net qui s’est doté il y a peu d’un index très pratique : l'occasion d'y retourner faire son marché.

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jeudi 26 juin 2008

panique du noyau

::: si ça peut aider, j'ai trouvé l'origine des plantages, paniques du noyau et autres erreurs systèmes :
les bits sont partis faire les soldes.

mercredi 25 juin 2008

kernel panic

Vous me voyez désolée pour l’indisponibilité de lignes de fuite depuis hier 16h – et par intermittences auparavant. Ce n'est pas une habile manière de prolonger mes vacances, Berlol : mon hébergeur m’a fait le coup de la panne, et voici ses explications :

« Hier soir, lors d'une mise à jour afin d'améliorer notre solution de stockage, les serveurs sont tous partis en 'Kernel Panic' et ont rebooté d'eux même. L'opération de mise à jour s'est effectuée en parallèle mais, sur plusieurs milliers de serveurs, elle a pris plusieurs heures pour les moins chanceux et s'est terminée, pour 99% d'entres vous, vers minuit. »

Il y a un point positif : j’ai élargi mon vocabulaire et découvert la « kernel panic », alias « panique du noyau » en français, et, comme je suis moi-même une grande habituée des « attaques de panique » dévastatrices à la mode humaine, le concept me plaît beaucoup !

post-scriptum : « tous les problèmes ne sont pas encore réglés » (me dit par mail Michael - à qui je souhaite bon courage !) et les commentaires (j'ai déjà posté 4 fois le même ou presque) semblent enregistrés mais ne s'affichent pas (ni en ligne ni dans mon interface administrateur) : je n'ose suggérer d'essayer le lexomil, qui marche (sans régler tous les problèmes) pour les paniques de noyau humaines ...

post-post-scriptum : si je comprends bien il est dit que nous devrons attendre une demi-heure avant que les commentaires soient publiés et qu'en plus c'est de notre faute : on ne fait pas assez le ménage dans nos blogs !?

rencontre de vacances

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Très exceptionnellement et pour faire mentir ceux qui affirment que je « ne raconte presque rien de ce qu(e je) fai(s) pour de vrai », cette rencontre de vacances très post-exotique :

dans le petit musée poussiéreux de la Castre, j’ai rencontré cet émouvant et effrayant Rambaramp venu de Malekula, une île de l'archipel des Vanuatu : il s’agit d’une effigie funéraire grandeur nature réalisée par agencement de matières minérales végétales et animales diverses (dents de cochon, plumes, terre, coquilles, toile d'araignée...) autour du crâne surmodelé d’un chef défunt. Il faut qu’un de ces jours je rende visite à ses semblables du Quai Branly.

mardi 24 juin 2008

les gens qui se photographient

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Photographier les gens qui se photographient est une activité amusante...
malheureusement Angelina Jolie et Brad Pitt n'étaient plus là !

lundi 23 juin 2008

l'inaction console de tout

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L'expérience directe est le subterfuge, ou bien le refuge, des gens dépourvus d'imagination. En lisant le récit des risques encourus par le chasseur de tigres, j'ai couru autant de risques que cela en valait la peine - sauf celui du risque lui-même, qui valait si peu la peine qu'il est déjà passé !
Les hommes d'action sont les esclaves involontaires des hommes de réflexion. Les choses n'ont de valeur que par l'interprétation qu'on en donne. On voit donc les uns créer certaines choses pour que les autres, les transmuant en signification, les transforment en vie. Raconter, c'est créer, car vivre ce n'est qu'être vécu.

L'inaction console de tout. Ne pas agir nous donne tout. Imaginer est tout, pourvu que cela ne tende jamais à l'action. Personne ne peut être roi du monde autrement qu'en rêve. Et chacun de nous, s'il se connaît vraiment, désire être le roi du monde.
Ne pas être, tout en pensant, c'est posséder un trône. Ne pas vouloir, tout en désirant, c'est recevoir la couronne. Nous possédons tout ce à quoi nous renonçons, parce que nous le conservons intact, en le rêvant éternellement à la lumière du soleil qui n'existe pas, ou de la lune qui ne peut exister.

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, 163 et 164 (trad. Françoise Laye, Christian Bourgois, 1999, p. 184)

dimanche 22 juin 2008

comme la flaque laissée dans le sable

Je reste toujours ébahi quand j'achève quelque chose. Ébahi et navré. Mon instinct de perfection devrait m'interdire d'achever ; il devrait même m'interdire de commencer. Mais voilà : je pèche par distraction, et j'agis. Et ce que j'obtiens est le résultat, en moi, non pas d'un acte de ma volonté, mais bien d'une défaillance de sa part. Je commence parce que je n'ai pas la force de penser ; je termine parce que je n'ai pas le courage de m'interrompre. Ce livre est celui de ma lâcheté.
La raison qui fait que j'interromps si souvent une pensée par un morceau de paysage, qui vient s'intégrer de quelque façon dans le schéma, réel ou supposé, de mes impressions, c'est que ce paysage est une porte par où je m'échappe et fuis la conscience de mon impuissance créatrice. J'éprouve le besoin soudain, au milieu de ces entretiens avec moi-même qui forment la trame de ce livre, de parler avec quelqu'un d'autre, et je m'adresse à la lumière flottant, comme en ce moment, sur les toits de la ville, mouillés sous cette clarté oblique ; à la douce agitation des arbres qui, haut perchés sur les pentes citadines, semblent tout proches cependant, et menacés de quelque muet écroulement ; aux affiches superposées que font les maisons escarpées, avec pour lettres les fenêtres où le soleil déjà mort pose une colle humide et dorée.
Pourquoi donc écrire, si je n'écris pas mieux ? Mais que deviendrais-je si je n'écrivais pas le peu que je réussis à écrire, même si, ce faisant, je demeure très inférieur à moi-même ? Je suis un plébéien de l'idéal, puisque je tente de réaliser ; je n'ose pas le silence, tel un homme qui aurait peur d'une pièce obscure. Je suis comme ceux qui apprécient davantage la médaille que l'effort, et qui se parent des plumes du paon.
Pour moi, écrire c'est m'abaisser ; mais je ne puis m'en empêcher. Écrire, c'est comme la drogue qui me répugne et que je prends quand même, le vice que je méprise et dans lequel je vis. Il est des poisons nécessaires, et il en est de fort subtils, composés des ingrédients de l'âme, herbes cueillies dans les ruines cachées de nos rêves, coquelicots noirs trouvés sur les tombeaux de nos projets, longues feuilles d'arbres obscènes, agitant leurs branches sur les rives sonores des eaux infernales de l'âme.
Écrire, oui, c'est me perdre, mais tout le monde se perd, car vivre c'est se perdre. Et pourtant je me perds sans joie, non pas comme le fleuve qui se perd à son embouchure - son seul but, depuis sa source anonyme -, mais comme la flaque laissée dans le sable par la marée haute, et dont l'eau lentement absorbée ne retournera jamais à la mer.

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, 152 (trad. Françoise Laye, Christian Bourgois, 1999, p. 174-175)

samedi 21 juin 2008

être compris c'est se prostituer

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J'ai toujours évité, avec horreur, d'être compris. Être compris c'est se prostituer. J'aime mieux être pris sérieusement pour ce que je ne suis pas, et être ignoré humainement, avec décence, avec naturel. Rien ne provoquerait autant mon indignation que de voir mes collègues de bureau me trouver « différent ». Je veux savourer à part moi cette ironie de ne pas être, pour eux, différent. Je veux endurer ce cilice de les voir me juger semblable à eux, et subir cette crucifixion de ne pas être distingué. Il est de ces martyres plus subtils que ceux des saints et des ermites. Il y a des supplices de l'intelligence, comme il y a ceux du corps et du désir. Et l'on connaît dans ces supplices, comme dans les autres, une certaine volupté.

Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité, 128 (trad. Françoise Laye, Christian Bourgois, 1999, p. 153)

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