lignes de fuite

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lundi 5 janvier 2009

effet d'intime

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En travaillant ce dimanche soir sur un projet professionnel (je sais, je ne devrais pas), je m'amuse de cette page des très riches « Carnets illustrés » que Michel Longuet met en ligne depuis huit ans : elle est consacrée à un colloque sur le Journal intime jadis (le 30 novembre 2006, déjà) organisé à la BnF, et on y « reconnaît », entre autres participants, Patrick, Laure et Philippe ... lesquels (Laure et Philippe du moins) avaient passé un moment fort peu agréable à défendre l'activité de blogueur.

dimanche 4 janvier 2009

c'est parti pour la saison 4

... de la Chanson du dimanche !

devenir une espèce de commis voyageur de son écriture

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Tout cela, oui. Mais autre chose. Le principe même de la promotion. Comme une salissure. Aller vendre sa soupe. Finalement, ce n'était pas autre chose. Ne plus écrire, mais devenir une espèce de commis voyageur de son écriture. Justifier un texte déjà ancien, au lieu de s'immerger dans un nouveau projet. Au fur et à mesure que le succès s'amplifiait, ressentir jusqu'au vertige la certitude que tout serait infiniment plus difficile désormais, et comme bridé par l'idée qu'on se ferait d'elle à l'avance. De plus, elle n'était pas romancière. Les pages qui avaient fait la célébrité de Granité café tenaient davantage du poème en prose pour la forme, et pour le fond... Les analyses sur le livre commençaient à lui donner la nausée. Elle ne pourrait envisager d'écrire sensiblement le même genre de chose sans qu'on lui reproche d'exploiter un système. Et rien d'autre ne la tentait.

Philippe Delerm, La bulle de Tiepolo (Gallimard, 2005, Folio, p. 67)

samedi 3 janvier 2009

trop humains

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La nouvelle de la mort, le 31 décembre dernier, de Donald Westlake, né le 12 juillet 1933 à Brooklyn, m'attriste.

Bien sûr j'ai ri en lisant les aventures de l’inénarrable Dortmunder, apprécié ses polars sociaux façon Couperet, mais m’avait surtout touchée un de ses romans les plus atypiques, Trop humains (1992), dans lequel l’ange Ananayel, chargé par Dieu d’organiser la fin du monde, s’attache à ces humains si ratés mais si touchants qu'il avait pour mission d'aider à s'entretuer.

::: site Donald Weslake

::: Bartleby les yeux ouverts
::: BibliObs
::: Libération

vendredi 2 janvier 2009

des images pour saluer 2009

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::: Martin Vidberg, déjà en grande forme en décembre 2008 avec la série « Connecté » (à lire dans l'ordre), salue avec brio l'an neuf et autorise à emprunter son dessin (j'en profite) !

::: les voeux des bits du blog

::: les belles images de Laure Limongi et Emilie Notéris

::: espace-holbein propose aussi une carte originale ... et 80 millions de minuscules images

::: un post-scriptum pour ajouter Boulet, très en forme lui aussi avec « Level 2009 »

jeudi 1 janvier 2009

que l'an neuf vous apporte du neuf

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... très belle année 2009 à tous !

mercredi 31 décembre 2008

des visages des figures et des mots

« Un an de statuts sur Facebook, un an de photographies sur le bloc-notes Liminaire. Un montage multimédia de quinze minutes, une diapoésie de Pierre Ménard. »

ce n’est pas rien, cela

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Mon seul dessein sera de partager avec vous des émotions intimes. La haine de la littérature sévit un peu partout en France, pas seulement à la télévision. Il faut donc se battre.

Je dédie le premier numéro de ce blog à Madame de La Fayette, l’auteur du premier roman d’amour et d’analyse français, « La Princesse de Clèves », qui fait si peur à notre Président. Que cela puisse aujourd’hui paraître une provocation ou un acte de résistance en dit long sur nos renoncements.

Je connais quelqu’un qui, chaque fois qu’il a un chagrin d’amour, offre ce livre à celle qu’il a aimée ou qui l’a aimée. Ce n’est pas rien, cela.

Le « Bateau-Livre » est mort, vive le « Bateau Libre » !

Ce ne sera qu’un esquif mais j’en serai le seul amiral. Une sorte de navigateur solitaire, de Capitaine Haddock enivré par l’encre noire et les écueils (de l’informatique).

écrivait Frédéric Ferney dans le premier billet de son blog, Le Bateau Libre, le 22 décembre dernier : bon vent !

mardi 30 décembre 2008

des petits pains de plastique dans les neurones

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Quand on commence à appuyer sur la gâchette et que le tremblement du fusil mitrailleur secoue le corps tout entier, on a beaucoup de mal à s'arrêter. Tout le monde ici adore se servir de son arme. Le tremblement du fusil mitrailleur nourrit la peur en même temps qu'il l'évacue et on a l'impression que toute cette saloperie pourrait être ensevelie sous le bruit des balles, écrasée, jusqu'à se dissoudre, dans le tremblement des machines de guerre. Tout-puissant, maître du jeu. C'est effrayant. (p. 9)

Quand l'un de nos gars se fait accrocher nous finissons toujours par réagir, d'une manière ou d'une autre. Pas vraiment de la vengeance. Plutôt un défoulement. Dans des moments pareils, il nous pousse instantanément des dents de fauve dans la tête. Toute cette sauvagerie qui remonte à la surface avec une facilité, une rapidité effrayantes, comme une purge. La peur extrême, la rage extrême. La préparation militaire nous a comme qui dirait greffé des petits pains de plastique dans les neurones. La moindre étincelle fait tout péter.

Je n'étais pas comme ça, avant. (p. 12)

La peur extrême s'accompagne d'un très fort sentiment de solidarité entre tous les gars, un sentiment que je n'ai ressenti qu'au combat, comme qui dirait un instinct collectif de défense, avec l'impression de constituer un même organe biologique dont nous serions les anticorps. Nous nous retrouvons côte à côte avec des gars que nous ne connaissons pas et avec lesquels, instantanément, nous partageons une très forte intimité. Nous défendons les mêmes valeurs. Tous complices. La haine, la peur, les dents de fauve dans la tête. Dans ce genre de situation nous prenons des risques inouïs. Instinctivement. Sans héroïsme. C'est beaucoup plus que de la camaraderie. Se protéger les uns les autres d'un ennemi commun, ça n'est pas rien... Dans des moments pareils, brusquement, on ne sent plus le danger. D'ailleurs on ne sent plus rien. On fait la guerre, on court, on vide son chargeur, on est une machine. On se défonce. Ça va très vite. Comme expulsé du réel. On crie, on court, on vide son chargeur. On est une machine, on crie, on fait la guerre. On crie, ça va très vite. Je ne vois pas trop ce qui pourra remplacer ça lorsque nous serons rendus à la vie civile. (p. 33-34)

Jean-Michel Espitallier, Army (Al Dante, 2008)

Jean-Michel Espitallier poursuit avec Army la réflexion abordée dans En guerre ; en construisant un témoignage fictionnel à la première personne à partir de sources médiatiques évoquant la guerre en Irak, toutefois, il poursuit une réflexion cognitive, comme dans son précédent Tractatus logo mecanicus, bien davantage qu'une visée moraliste.

::: un article de Philippe Boisnard (Libr-critique)

lundi 29 décembre 2008

le défini n'est pas l'opposé de l'infini

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19 novembre

La trace
Conservation
De la partie au tout.
Folie ou Nécessite ?
De l'illusion au savoir.

Eh ! Vous avez vu ce dégradé ?
Né de ma plus infantile angoisse :

Le défini n'est pas l'opposé de l'infini. (p. 72)

26 novembre

Répétition.
Ils ne comprennent rien.
Tous différents, ils ne sont pas Ils.
En dessous du troupeau de bêtes.
L'intelligence humaine est une tare naturelle.

Trop fin, chaque cheveu est bactériel. (p. 74)

Mathieu Brosseau, Surfaces. Journal perpétuel (Caractères, 2004)

Mathieu Brosseau est né le 23 décembre 1977 à Lannion.
Il a publié aussi : L'Aquatone (La Bartavelle, 2001)
et anime le site plexus S

dimanche 28 décembre 2008

qu'on se le dise ...

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Jérôme Gontier, dont j'aime beaucoup les livres, vient d'ouvrir un blog !

samedi 27 décembre 2008

moi aussi je fais ma compil

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::: belle série de billets de François Bon sur facebook, ici, , et .

::: dans ce dernier billet, il donne la liste de ses « statuts » facebook ; Virginie Clayssen lui emboîte le pas, ainsi qu'Arnaud Maïsetti, et d'autres encore, sur facebook.

::: pour qui ne connaît pas facebook, le « statut » est une case dans laquelle il est inscrit par défaut « Que faites-vous en ce moment ? » et qui peut donner lieu à des exercices très amusants de description de soi à la troisième personne, par exemple, pour moi (à lire de bas en haut!) :

Christine fait quand même sa compil perso.
Christine n'a pas assez d'ancienneté pour faire une compil, mais s'amuse bien avec la fonction statut.
Christine lit des compils de statuts.
Christine garde son andante.
Christine configure son nouveau pc tout beau tout neuf.
Christine décide d'être positive et souhaite un joyeux noël à ses 254 nouveaux amis.
Christine retrouve des réflexes d'anorexique devant les vitrines de noël.
Christine ... grosse fatigue.
Christine traverserait bien le miroir.
Christine trouve aussi que les miroirs feraient bien de réfléchir avant de renvoyer les images.
Christine a atteint le stade du miroir.
Christine réfléchit en miroir.
Christine se demande pourquoi on veut toujours sa photo.
Christine échange corps débile contre clone génétiquement modifié.
Christine cache son fou.
Christine laisse infuser davantage.
Christine est tout à fait intranquille.
Christine trouve que facebook se couche tôt.
Christine est aussi indécise qu'un chat de Schrödinger.
Christine évite de justesse une collision avec le boson de higg.
Christine aimerait passer la période honnie des fêtes de fin d'année en hibernation.
Christine met un pied devant l'autre et recommence.
Christine aquabonise.
Christine se dit qu'elle vient trop tard et que tout est dit déjà dans les statuts de facebook.
Christine en a marre de l'hiver qui n'est même pas commencé.
Christine sort à cinq heures.
Christine apprend que la lune est à son périgée.
Christine a planté son PC.
Christine se souvient de Je me souviens.
Christine est-elle l'auteur de lignes de fuite ?
Christine apprend à parler d'elle à la troisième personne.
Christine s'est fait 110 amis en 48 heures.
Christine : qu'est-ce que je peux faire ... j'sais pas quoi faire ...
Christine essaie de comprendre comment ça marche.
Christine s'arrache à son écran et à tous ses nouveaux amis pour aller voir si elle a autant d'amis dans la vraie vie.
Christine essaie de répondre à tous les nouveaux amis que lui envoie François Bon.
Christine préfère ne pas dire ce qu'elle fait !

zeus chez héphaïstos mourant

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« Je puis vous dire — écrit Prarond à Eugène Crépet en 1886 — comment Baudelaire se présenta sans intermédiaire à Balzac. Lui-même me l'a dit, le lendemain de la rencontre. Balzac et Baudelaire s'avançaient en sens inverse, sur un quai (de la rive gauche). Baudelaire s'arrêta devant Balzac et se mit à rire comme s'il le connaissait depuis dix ans. Balzac s'arrêta comme devant un ami retrouvé. Et ces deux esprits, après s'être reconnus d'un coup d'oeil et salués, cheminèrent ensemble, causant, discutant, s'enchantant, ne parvenant pas à s'étonner l'un l'autre. » Qu'est-ce qui me charme tant dans ces morceaux mythiques ? L'entrée de plain‑pied dans les appartements privés ? Le côté Théogonie, comme une rencontre d'Hadès et d'Héphaïstos ? Le peu de réel qui s'y cache quand même (ici le quai de la rive gauche, et vraisemblablement le rire de Baudelaire, qui me semble bien dans sa façon, sa pose, son petit cinéma spécifique) ? Qu'est-ce qui me charme tant – et me laisse pourtant sur ma faim ? C'est peut-être que j'y vois une des parties émergées de l'immense roman mille fois ébauché par mille plumes mais jamais rassemblé dans un impossible corpus, un corpus qu'aucun Bouvard ni Pécuchet ne pourrait boucler, le roman de la littérature en personne, en toutes ses personnes depuis Homère. C'est une petite épiphanie en miroir de la littérature personnellement qui m'émeut là. En deux personnes au même endroit sur ce quai, venue de droite, venue de gauche, la littérature apparaît. Son gilet est long et noir. Elle porte bravement la canne du Grand Mogol. Elle est pleine de grâce. Elle va à la rencontre d'elle-même. Elle s'arrête et se parle. Ils se parlent sur la rive gauche. Qu'importe que nous ne les entendions pas, nous ne saurions rien de plus. Le grand maigre a pris le gros homme par le bras, le gilet du grand maigre est long et noir, la canne de l'autre a pour pomme une turquoise de Mogol, ils ont l'un et l'autre le fantastique habit noir, sur la tête la chose noire et surnaturelle, ils s'éloignent le long de la Seine, ils gesticulent un peu, ils tournent le coin de la rue du Bac, on ne les voit plus. On ne voit plus les habits noirs. On voit en plein jour la lune voilée de nuages. Était-ce bien la littérature, là, tout à l'heure ? Il y a un peu de brouillard sur Paris, ce matin de mars 1842.

Ce fut en plein été que Balzac rencontra définitivement le grand maigre, le vrai, pas Baudelaire – ou prit définitivement congé de lui, comme on voudra. Pour nous éclairer sur cette rencontre, ou ce congé, nous possédons aussi un morceau mythique. Et cette fois c'est Zeus en personne qui raconte, Zeus chez Héphaïstos mourant, au cœur de l'été, à neuf heures du soir, le 17 août 1851, rue Fortunée, autant dire sous l'Etna : « Il faisait un clair de lune voilé de nuages. La rue était déserte. On ne vint pas. Je sonnai une seconde fois. La porte s'ouvrit. Une servante m'apparut avec une chandelle : « Que veut monsieur ? » dit-elle. Elle pleurait. Je dis mon nom (Zeus). » Zeus était de petite taille, trapu, imberbe, tiré à quatre épingles, avec un front qui se recommandait par une ampleur poétique. La servante le conduisit. »La bougie éclairait à peine le splendide ameublement du salon et de magnifiques peintures de Porbus et d'Holbein suspendues aux murs. Le buste de marbre se dressait vaguement dans cette ombre comme le spectre de l'homme qui allait mourir. Une odeur de cadavre emplissait la maison. Nous traversâmes un corridor, nous montâmes un escalier couvert d'un tapis rouge et encombré d'objets d'art, puis un autre corridor et j'aperçus une porte ouverte. J'entendis un râlement haut et sinistre. » Voilà : ici Zeus entre et redevient Victor Hugo, il voit sur le lit d'agonie une sorte de sosie de l'Empereur. Mais il a senti l'odeur. Il a entendu l'ahan. C'est le grand maigre toutes dents dehors qui met les bouchées doubles dans les derniers cent mètres, qui finit scrupuleusement son travail, avec beaucoup de soin, dans toutes les formes, un peu de hâte tout de même, car il sent l'écurie.

Oserai-je dire que cette lune voilée de nuages sur la dernière nuit me fait penser aux derniers mots du journal de guerre d'Ernesto Che Guevara : « Nous sommes dix-sept sous une lune très petite et la marche est difficile » ? Ils sont morts le lendemain matin, l'un et l'autre. Ils ont vécu en état de guerre. C'étaient de bons capitaines. La marche est difficile. Une odeur de cadavre emplit la maison. Les nuages vont et viennent sur la lune. On dit que Guevara est en enfer aujourd'hui, comme l'était Balzac du temps où il passait pour un réaliste. Je voudrais les mêler dans la même louange.

De quoi parlent ces lignes ? De Balzac ? De la littérature ? Du monde ? De mon impossibilité à les dire ? De notre impossibilité à dire ? Quand on lui demande de montrer la lune, le moderne garde sa main dans sa poche. La lune est trop manifeste, à quoi bon la montrer. Si je montre la lune, l'imbécile me dit que l'imbécile regardera mon doigt. D'ailleurs il y a des nuages.

Pierre Michon, Trois auteurs (Verdier, 1997, p. 39-43)

vendredi 26 décembre 2008

cette espérance mortelle

Deux explications possibles de l'effondrement créateur de Balzac, vers 1848, dont il a fini par mourir :
Hypothèse idéaliste : « On renonce d'abord à l'impossible, ensuite à tout le reste » (Henri Thomas). Ou : quand on ne croit plus à l'impossible, pourquoi remuer le petit doigt ? Balzac ne croyait plus que la littérature lui fût inaccessible, pas plus que la femme titrée, ni la gloire. Il avait usurpé tout cela. Et quand par violence on s'est emparé de tout cela, quelle raison, quelle espérance insensée, peut vous pousser à continuer le cinéma nocturne ? La littérature le reconnaissait pour un des siens. Et peut-être qu'alors Balzac, le gros homme vaniteux, le gros homme indigne, disait à part lui, comme Groucho Marx : « Comment voulez-vous que j'accepte d'appartenir à un club qui accepte des gens comme moi ? »
Hypothèse nihiliste : « À propos, je suis enfin allé dans les appartements privés, et je dois avouer qu'ils n'existent pas du tout... Curieux ! Et j'ai cru dur comme fer aux appartements privés » (Robert Walser). Quand on a écrit La Comédie humaine, on sait que ce n'était rien, la littérature : seulement cette frime nocturne, ces larmes qu'on s'arrache, ce putsch de l'incipit et ce vouloir qui vous tire en avant, vers la fin, ce corps qu'on troue de caféine, cette espérance mortelle.
Parmi ceux qui pénètrent dans les appartements privés, certains comprennent sur-le-champ qu'ils n'existent pas : Rimbaud. D'autres rament vingt ans pour l'apercevoir ; l'ayant compris, ils détournent la tête et continuent tout de même, mais déchoient sans recours : Parabole de Faulkner. D'autres enfin mettent aux appartements de quadruples verrous et une porte blindée : Finnegans wake.
Reste la Grâce. Qu'importe qu'ils soient vides, les appartements ? Reste le chemin plein d'espérance et de foi qui vous mène à leur porte. Reste ce gros homme plein de grâce ; que la Grâce a tenu par la peau du cou pendant quinze ans, une grâce tortueuse affublée des masques de la vanité, de l'avidité, du snobisme, du génie, qui peut-être s'est dévoilée pour finir et lui a dit en partant : ce n'était pas ce que tu croyais, c'était La Comédie. Tu la crois à peine commencée, mais elle est faite, elle est la clef des appartements, visite, puis meurs si tu veux, ou vis, j'ai à faire ailleurs. Je ne reviendrai pas.

Pierre Michon, Trois auteurs (Verdier, 1997, p. 29-31)

jeudi 25 décembre 2008

si vos cadeaux ne vous ont pas plu

... dites vous que cela aurait pu être pire !

mercredi 24 décembre 2008

si vous cherchez des idées de cadeaux

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en voici deux trouvées en ligne ( je sais ce n'est pas beaucoup mais noël me fatigue énormément ... si vous avez d'autres n'hésitez pas ) :

::: acheter Jean-François Paillard

::: donner au père noël des idées pour améliorer le catalogue de la BnF (moi j'en aurais plein mais je ne crois plus au père noël)

sinon vous avez aussi la boule à sapin usb munie d'un écran lcd, mais il faut avoir un sapin ... et la revue d'ici là a une très jolie couverture assortie avec le père noël, mais vous ne pourrez pas l'accrocher au sapin, à supposer que vous ayez un sapin, car elle est numérique.

mardi 23 décembre 2008

des (re)bonds mais pas de lapins

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::: Valclair et Fuligineuse sont allés visiter l'exposition Mantegna, mais ni l'un ni l'autre n'apporte d'informations complémentaires concernant la question des lapins ...

::: Valclair, relayé par Pierre l'Idéaliste , et encore là, s'interroge aussi sur ce que devient l'intime lorsqu'il s'expose en ligne.

flaubert est coupable

Dans le livre posthume de Daniel Oster, je lis : « On finit parfois par ne plus comprendre de quoi il s'agit dans le système littérature. C'est quoi ? De quoi ça parle ? C'est à quel sujet ? Qui c'est qui cause ? Qu'est-ce que tout ça peut bien nous faire ? »
De ce questionnement éperdu, de ce déboussolage, peut-être de la mort de Daniel Oster, Flaubert est coupable. Finis, les jeux savants et subtils. Maintenant il nous faut le texte absolu, la vérité en littérature, le texte qui tue, la prose parfaite, tout cela profère derrière le masque de bois. La littérature nécessaire, comme le sont la mort, le travail, les larmes. De quel droit nous contraindre à cela ? Nous ne travaillerons jamais. Nous n'écrirons pas. Nous ne savons plus pleurer. Mourir, nous le voulons bien.

Pierre Michon, Corps du roi (Verdier, 2002, p. 28)

lundi 22 décembre 2008

cet entonnoir sidéral

À la BNF, la Très Grande Bibliothèque de France, la quadruple stèle Francois-Mitterrand, flanquée de noms de victoires, Tolbiac, Austerlitz, j'arrivai à midi le 12 juin 2002 pour dire Booz endormi. Je ne déteste pas cet endroit rude, dressé sur un champ de bataille au milieu d'un désert. Il prédispose au vide, au remuement amer des gros bouquins qu'on ne lira pas, aux alcools raides. Il aspire le vide universel : l'ensemble, on le sait, est une immense esplanade délavée comme un pont de bateau, coincée entre quatre bouquins de béton posés sur le pied et ouverts sur rien, à pic, illisibles. Ça contient des livres. C'est pensé à la serpe, dans une mimésis hâtive, mais très efficace et juste. Ça n'a pas plus de cœur que n'en avait, à ce qu'on dit, son fondateur éponyme. Ça ne manque pas de gueule. Le ciel était celui qui convient a ce lieu : gris avec des fulgurations bleues, venté, à la fois tonique et aveuglant, accablant. Les nuages allaient vite. Le taxi m'avait déposé à l'ouest, près de la Seine ; il faut monter les trois volées de marches triomphales vers Francois-Mitterrand ; je les montai. Il faut monter aussi vers le fauteuil de pierre de Charlemagne, à Aix-la-Chapelle, je venais de le lire dans le train de la main de Hugo. On monte vers le vide et la toute­-puissance.
Je traversai vite cet entonnoir sidéral, ce trou perdu où les quatre in-octavo de cent mètres se renvoient l'un à l'autre le vent jour après jour. Nul ne s'y attarde, c'est trop beau peut-être, c'est trop raide. Je fus vite dans le sous-sol du bouquin de l'est, où je devais lire, et où je lus.
(,,,)
Nous quittâmes le trou perdu de Tolbiac pour le vrai Paris habité. Le soleil avait vaincu les nuages, il revenait, les quatre tours resplendissaient : le vide en moi avait fait du chemin, prétendait à la lumière. La Seine miroitait, le vide et la lumière allaient vite sur les voitures du quai.

Pierre Michon, Corps du roi (Verdier, 2002, p. 95-98)

(le troisième roi-mage, pour ms !)

dimanche 21 décembre 2008

une revue et plein de sites

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Intitulé « nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêve », d'après Georges Perec, et consacré à notre rapport au quotidien, au banal, le numéro 1 de la revue d’ici là, revue trimestrielle en ligne, proposée sur publie.net par Pierre Ménard, est disponible aujourd'hui :

« L’idée de cette revue est de jouer la carte d’une lecture écran, et de former, notamment autour des auteurs dont les textes numériques sont diffusés sur la plateforme publie.net, mais pas uniquement bien sûr, un ensemble éditorial où se confrontent l’image, le texte et le son.

Plusieurs numéros sont lancés parallèlement chaque année, sous forme de chantiers à suivre, à partir d’une phrase qui fera office de point d’orgue. Les textes doivent être courts, quelques lignes, la plupart du temps. Mais la revue accueille également des textes plus longs, sur plusieurs pages, indépendamment de la forme de l’écrit. Chacun peut envoyer ses créations tant que le chantier n’est pas terminé.

Des graphistes, dessinateurs, peintres, illustrateurs, photographes, sont de la même façon, invités régulièrement à envoyer leur travail. La revue est accompagnée d’une bande son, qui forme une approche du thème au même titre que les textes et les images. »

Dans le sommaire de ce premier numéro on retrouve les auteurs de nombreux blogs ou sites que l'on connaît déjà, et de plein d'autres qu'il donne l'occasion de découvrir, sans modération et avec beaucoup de plaisir :

Gilles Amalvi ::: Félicia Atkinson ::: Ludovic Bablon ::: Isabelle Boinot ::: Raymond Bozier ::: Mathieu Brosseau ::: Michel Brosseau ::: Philippe Cou ::: Pierre Coutelle ::: Philippe De Jonckheere ::: Caroline Diaz ::: Armand Dupuy ::: Stéphane Dussel ::: Pierre Escot ::: Guillaume Fayard ::: Pierre-Yves Freund ::: Rémi Froger ::: Olivier Guéry ::: Déborah Heissler ::: Amande In ::: Anne Kawala ::: Frédéric Lavignette ::: David Lespiau ::: Arnaud Maïsetti ::: Xavier Makowski ::: François Matton ::: Matthieu Mével ::: Grégory Noirot ::: Lolita Picco ::: Hubert Renard ::: Philippe Rahmy ::: Esther Salmona ::: Anne Savelli ::: Joachim Séné ::: Thibault de Vivies.

::: le numéro 0 était téléchargeable gratuitement

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