lignes de fuite

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vendredi 9 février 2007

l'épouvantail d'hudimesnil

paillard_monde_cadeau.jpg

Jean-François Paillard parle également fort bien de ses propres « machines romanesques » dans un entretien avec Fabienne Swiatly proposé par remue.net :

(...) Au point où en est aujourd’hui la « Fiction », je pense qu’un roman est une expérience narrative qui doit tout tenter, même l’impossible, le présomptueux, le « plus grand que soi », la confusion, l’autodérision, l’énorme etc. Un écrivain n’a rien à perdre à s’amuser vraiment, à « convoquer » Proust pour en faire une sorte de créature tutélaire ou à essayer les trucs et ficelles de poètes (Michaux en tête pour ce qui me concerne). Le passage qui fait référence à l’épouvantail croisé sur le chemin du narrateur : « Comme lui, j’étais cette grotesque apparition, cet impossible narrateur qui agite ses bras désespérés, cherchant à se hisser jusqu’au lecteur, semblant lui dire : Reste, reste un instant, car ce que tu n’apprends pas de moi maintenant, tu ne le sauras jamais » est une phrase empruntée presque mot pour mot à La Recherche du temps perdu. Elle apparaît en conclusion d’un des textes les plus profonds que j’aie jamais lus, narrant la descente en calèche du narrateur vers Hudimesnil. Ce texte, qui a trait à l’indéchiffrable énigme du « statut de l’auteur » fait précisément l’objet d’une discussion assez lamentable entre le narrateur de ''Pique-nique'' et une de ses « créatures », Damiana Legowisko. (...)

jeudi 8 février 2007

machines romanesques

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Pour le volume Devenirs du roman (Inculte / Naïve, 2007), Philippe Vasset propose un beau texte intitulé « Machines romanesques » (p. 55-60) :

-> (...) Pour mes deux premiers textes, je pensais avoir mis en place une forme nouvelle, baptisée « Machines » (j'avais négocié pour que cet intitulé apparaisse en-dessous du fatal « roman » sur la couverture de mes livres). Je me suis bien gardé d'expliciter cette appellation car mon projet était alors assez flou (il l'est toujours un peu). En gros, il s'agissait d'écrire un équivalent textuel du Centre Pompidou et de rendre toute la structure du livre visible, de façon à ce que le lecteur s'intéresse plus à elle qu'à l'intrigue (les personnages étaient transparents, les histoires incomplètes, trouées, et le moteur du texte était, dans un cas, le fonctionnement d'un logiciel et, dans l'autre, le déploiement d'une carte). Le livre devait apparaître comme la production d'un mécanisme plus vaste, aux potentialités presque illimitées et dont le lecteur serait invité à se saisir pour en faire, à son tour, usage (tout ceux qui écrivent aujourd'hui sans comprendre que leurs lecteurs sont capables de faire aussi bien qu'eux, sinon mieux, ne produisent que des livres vains).

-> Bien sûr, mes « Machines » manquent leur but, et même d'assez loin, mais ça n'est pas très grave : je préfère prendre un risque et rater un texte plutôt que faire comme si je savais ce que je faisais, comme si le monde n'avait pas changé et que la littérature y jouait toujours un rôle, comme s'il suffisait d'inventer des personnages « attachants » et des histoires « captivantes » pour faire un texte qui soit autre chose que du papier imprimé. Tous les livres que j'aime aujourd'hui ont des ambitions bien au-dessus de leurs forces : la plupart du temps, ils tombent â côté, mais ces demi-échecs valent cent fois mieux que la littérature d'ameublement qui vient chaque septembre couvrir les tables des librairies.

-> Pour laisser s'épanouir ces formes inachevées, pour permettre la coexistence et l'interpénétration réciproque du réel et de la fiction, pour ouvrir le texte à ses lecteurs, ils nous faudrait, au lieu du roman, une forme plus proche de ce que l'art contemporain appelle installation, c'est-à-dire une juxtaposition d'éléments entre lesquels on puisse circuler, un texte préparé comme l'étaient il y a cinquante ans les pianos, bref, une machine.

-> Armés comme des pièges, ces assemblages textuels permettraient, plus sûrement que ne le peut le roman, d'appréhender les métamorphoses de la fiction. Ils révéleraient la petite économie fictionnelle qui court en arrière-plan de nos vies, la persistance presque rétinienne de certaines scènes et personnages, la multiplication à l'infini de nos avatars, et le nuage de noms et de qualificatifs qui partout nous accompagne. Eux seuls pourraient capter la langue concassée, hantée, confuse à force d'ellipse et de raccourcis qui est la nôtre et montrer que celle-ci vient toujours après : après les images et après la musique que l'on écoute sans cesse.

C'est l'occasion d'inciter à lire ses trois romans :
- Exemplaire de démonstration, Machine I (Fayard, 2003 ; Pocket, 2005)
dont on peut lire en ligne des extraits (remue.net)
- Carte muette, Machine II (Fayard, 2004 ; Pocket, 2006 )
- Bandes alternées (Fayard, 2006)

Philippe Vasset est né en 1972. Il est rédacteur en chef d'Africa Energy Intelligence et membre de la rédaction d'Intelligence Online.

oreille absolue

Merci à buzz littéraire de mettre en ligne un (trop) court extrait de l'intervention de Régis Jauffret lors du colloque Enjeux contemporains du roman.

mercredi 7 février 2007

la femme qui rit

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Le court essai un peu énigmatique d'Isabelle Sorente, La femme qui rit. Le marché noir de la réalité (Descartes & Cie, 2007) rappelle que « la femme » n'existe pas ; mais, comme le souligne le (joli!) titre, que les femmes sont plus à même d'accepter, et de supporter, les mutations à venir pour l'humain : si l'intelligence humaine, par exemple, se voyait dépassée par l'intelligence artificielle, peut-être ne serait-ce pour les femmes, à qui l'homme n'a consenti l'intelligence que depuis finalement assez peu de temps, que matière à éclater de rire.

Que passe la femme sous le manteau, la jupe ? La femme, le sexe : de cette réalité je ne connais rien, sauf l'intimité de mon travestissement. Quand je dis femme, je pose l'inconnue.
C'est tout.
De la Femme, du rôle, je sais quelques postures. Après tout, je la joue depuis la naissance. Elle, chiffre 2 de ma carte vitale. Elle, mon personnage. Ou elles, mes personnages ? (Le bordel, déjà.) Le pluriel semble moins injuste, mais dans mes personnages, il y a aussi des ils, et des ni l'un ni l'autre.
Alors disons Elle, la Femme et ses postures. (p. 29)

Une joie immense attend, dans le ventre des femmes, elle attend l'heure des causes désespérées. Elle est le joker de l'humain, lové en elle pour lui. Lorsque l'asservissement devient la norme, alors la femme rit. C'est un rire inespéré. Ça n'est pas un déchaînement. Ça n'est pas un soupir, ni un gémissement. Peut-être un cri. Peut-être un regard qui défaille en silence. Presque rien. Mais cet œil qui défaille est ouvert sur l'abîme, la jouissance travestie soudain se révèle, le sexe n'est pas, le visage n'est pas...
Une joie qui dresse les cheveux sur la tête.
(...) Plus on l'insulte, plus la femme rit.
C'est un rire presque imperceptible, à peine si la femme l'entend. Sous l'insulte, elle perçoit autre chose, un manque de mots pour dire ce qu'elle est. Un aveu devant un autre monde. L'insulte sous le manteau signifie, Bon voyage ! C'est un rire faible, terrifiant, Bon voyage !
Ce pourrait être un cri, qui proclame en l'humain la faillite du réel, l'illusion de l'humain. L'exclamation du voyageur face à la Terra Incognita. Si c'était un mot, ce pourrait être ça, Terre ! Mais ça ne proclame rien. Ça ne dit rien. C'est détaché de ça aussi. Dans la nuit, c'est le seul éclat. C'est un rire. Parfois, on l'entend. (p. 49-51)

Isabelle Sorente est née en 1971 à Marseille.
Elle est polytechnicienne et journaliste.
Elle a a publié des nouvelles, deux pièces de théâtre (Hard copy, 2001, L'Ogre, 2004) et quatre romans :
- L (Lattès, 2001)
- La prière de septembre (Lattès, 2002)
- Le Coeur de l'ogre (Lattès, 2003)
- Panique (Grasset, 2006)
- un texte à lire en ligne « Je suis une créature » (15 juin 2004).

the machine is us/ing us

... comme le (dé)montre cette vidéo très réussie, découverte grâce à Martin Lessard (Zéro seconde), qui explique qui et pourquoi.

mardi 6 février 2007

talenterie sur internet

Le week-end dernier avait lieu le Festival Gromanche de la talenterie sur internet (!)

Pendant ce temps là le Festival Romans de la création sur internet a attribué le Grand prix Littérature à Police. Le blog d'un flic : il s'agit en fait d'une flic, qui propose en ligne la chronique de son quotidien ; son blog est en cours de publication.

Les prix ont été décernés sur la base de la popularité : les votes des internautes ont permis d'aboutir à une première sélection (10 sites pour chacune des 9 catégories) soumise dans un deuxième temps aux votes des jurys.

Pour davantage d'informations, vous pouvez consulter le blog de Christophe Ginisty, l'organisateur, le reste du palmarès et la liste des participants inscrits dans la catégorie Littérature (avec le nombre de voix obtenues) : cliquez, il y en a d'intéressants ou d'amusants.

Cairo (merci à lui !) me signale par ailleurs la création d'un blog hébergé par le Matricule des anges : Écrivains en campagne. Son principe est de « donner aux écrivains la possibilité de s’exprimer sur la campagne électorale, sur la manière dont les médias en parlent. Pourquoi interroger seulement les écrivains ? D’abord pour mesurer ce que la littérature a à dire du politique aujourd’hui. Ensuite pour réparer une injustice : on demande plus facilement à miss France, à un mannequin ou à un sportif son avis sur le monde qu’à ceux qui tentent de le penser où qui nous en donnent une vision singulière. » À suivre ...

lundi 5 février 2007

étranges estampes

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J'ai la mauvaise habitude d'aller voir les expositions à la dernière minute : il est donc aujourd'hui trop tard pour aller voir à la Fondation Cartier les installations de Tabaimo, de son vrai nom Ayako Tabata, née en 1975 à Hyogo.

Les trois installations proposées (quatre autres sont présentées grâce à des vidéos) mettent en scène des films d’animation à l’atmosphère très singulière, qui ont la particularité d’être dessinés à la main et d’unir les couleurs et certains thèmes des estampes du 19ème siècle à la technologie informatique. Dans Japanese Commuter Train (2001) le spectateur pénètre le décor banal des wagons d’un train de banlieue où se déroulent des scènes d'une inquiétante étrangeté : une femme s'envole par la fenêtre, des bras trop entreprenants sont coupés comme des queues de lézard, des passagers transformés en sushis, etc. ; dans Haunted House (2003), il peut s’adonner au plaisir du voyeurisme en promenant son regard, à travers une longue vue, sur les façades et fenêtres anonymes d’une ville. J'ai trouvé ces expériences émouvantes et troublantes, d'autant qu'à la sortie le boulevard Raspail nocturne exposant les larges baies vitrées de ses ateliers d'artistes transformés en appartements bourgeois permettait de poursuivre l'observation voyeuriste.

Dans sa Boîte à images, KA, même s'il se montre un peu critique, décrit ces œuvres de manière approfondie (comme à son habitude), et en propose de nombreuses reproductions.

dimanche 4 février 2007

l'auteur est mort

Comme institution, l'auteur est mort : sa personne civile, passionnelle, biographique, a disparu ; dépossédée, elle n'exerce plus sur son œuvre la formidable paternité dont l'histoire littéraire, l'enseignement, l'opinion avaient à charge d'établir et de renouveler le récit : mais dans le texte, d'une certaine façon, je désire l'auteur : j'ai besoin de sa figure (qui n'est ni sa représentation, ni sa projection), comme il a besoin de la mienne (sauf à « babiller »).

Roland Barthes, Le Plaisir du texte (Œuvres complètes, Seuil, 2002, tome IV, p. 235)

Sous le titre « qu'est-ce qu'un auteur ? » (qui était déjà celui d'une conférence célèbre de Michel Foucault en 1969), François Bon rend compte sous forme de cut up d'une table ronde organisée par le Centre National du Livre, et aujourd'hui consultable en ligne, sur la « Situation des auteurs de l’écrit » . Cela commence très fort, par l'axiome : « Les auteurs ne sont éventuellement victimes de rien d’autre que de leur propre choix de vivre exclusivement de leur art. »

Découvert au passage : Fabula propose en ligne, sous le même titre, un cours historique d'Antoine Compagnon riche en pistes et citations.

samedi 3 février 2007

plus que quinze chocolats

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Si vraiment il ne nous reste plus que quinze chocolats à déguster, merci pour cet Angelus novus de Paul Klee et tous ces beaux moments de lecture, Jean-Claude Bourdais.

Tout ce que vous écrivez est vrai, et un peu faux aussi, et triste surtout, car ce n'est pas, il me semble, seulement les blogs ni les rencontres virtuelles que vous décrivez, mais l'écriture et les rencontres de la vraie vie tout aussi bien, et toutes nos autres humaines « manières de fuir la réalité ».

Et si, comme la plupart de ceux qui vous liront (Berlol par exemple, qui saisit là l'occasion d'un beau titre), j'espère faire partie, dans la galaxie des blogs, des « centrifuges, ouverts et tournés sur l'extérieur, ceux qui qui essaient de lancer des passerelles, d'établir des liens », je n'en suis pas sûre : un titre ne suffit pas ...

vendredi 2 février 2007

sa plus sournoise prison

curiol_permission.jpg




Ce que l'on a, un jour, appelé fiction n'existe plus et nul ne peut aujourd'hui nier les effets subversifs de cette catégorie d'écrits trop longtemps portée aux nues. En donnant de Ia réalité des représentations illusoires, en la distordant pour prétendument révéler son sens caché ou en abusant de cette manie qu'est l'invention d'histoires, les écrivains de fiction ont communiqué leurs frustrations à leurs semblables ; ils ont créé chez eux des souhaits démesurés et par contraste mis en valeur la monotonie de leur vie. Leur méthode se fondait sur l'utilisation excessive du processus d'identification qui leur permettait de magnifier les sentiments les plus ambigus, les plus contradictoires de leurs lecteurs et ainsi de les plonger dans l'incertitude et Ia consternation. Au cours des décennies passées, la fiction est apparue de plus en plus comme une menace pour l'évolution de l'humanité, ses écrivains comme les promulgateurs d'un malaise qui aurait dû demeurer entièrement le leur. L'imagination, nous le savons à présent, n'est pas un atout de l'être humain mais sa plus sournoise prison.

Céline Curiol, Permission (Actes sud, 2007, p. 100-101)

Née en 1975 à Lyon, Céline Curiol a publié auparavant Voix sans issue (Actes sud, 2005 ; Babel, 2006)

à lire :
- Vincent Roy, « Céline Curiol et Antoine Bello : sortir des prisons de verre », Le Monde des livres, 25 janvier 2007
- Agnès Séverin, « L'imagination, voilà l'ennemi », Le Figaro, 25 janvier 2007

jeudi 1 février 2007

i'm a cyborg but that's ok

cyborg2006.jpg

Repéré grâce à Thomas Bécard (Ma vie numérique, Télérama), le site promotionnel de I'm a Cyborg, But That's OK, le dernier film du coréen Chan-Wook Park, est un amusant livre rose dont les pages se tournent quand on clique pour faire se déployer de belles animations en forme de découpages.
Une idée pour renouveler la présentation des livres en ligne et changer du sempiternel pdf ...?

prix hors-saison

Je me nomme François Rousseau. Celui qu'hier on a pensé honorer en le couchant entre Descartes et Voltaire dans la crypte du Panthéon naquit sept ans après moi. Tu avais onze ans quand je quittai notre pays natal pour n'y plus jamais revenir. Puis-je prétendre te mieux connaître que ceux qui t'enterrèrent hier ? Je le crois. Nous n'étions d'abord frères que par les hasards du sang, lesquels ne valent guère plus que le peu de foutre qui les cause ; mais, je le dis hautement, j'ai conquis par mon existence le droit de m'adresser à toi. Quant à l'idée de composer le présent mémoire, voici comment elle me vint. Un ami me prêta le volume premier de tes Confessions, qui venait de paraître. Le titre m'en déplut, parce qu'il puait la sacristie et l'encens refroidi. Pourtant je lus l'ouvrage d'une traite, mais non sans un vif agacement sur la scène immense de ton orgueil tous les personnages de ta vie paraissaient en figurants, des plus illustres aux plus humbles. Quant à ton frère François, tu ne le mentionnais que trois ou quatre fois. Pour un homme qui prétendait dire la vérité entière, tu te faisais d'elle une image bien singulière ; à telles enseignes que je pensai qu'il serait plaisant d'administrer à ces pompeuses confessions la correction qu'elles méritaient. Puis j'eus mieux à faire qu'écrire, et me voici parvenu à la fin de ma vie : j'écrirai maintenant, ou jamais. (Fils unique, Prologue, p. 14-15)

Le prix des Deux-Magots 2007 a été décerné mardi 30 janvier à Stéphane Audeguy pour Fils unique (Gallimard).

Stéphane Audeguy est né à Tours en 1964.
Agrégé de Lettres Modernes, il a été assistant à l’université de Charlottesville (Etat de Virginie, Etats Unis), a travaillé dans le milieu du cinéma, et enseigne aujourd’hui l’histoire du cinéma et de la littérature. Il vit à Paris.
Il a publié :
- La théorie des nuages (Gallimard, 2005)
- Fils unique (Gallimard, 2006)
On peut lire en ligne un entretien avec Nathalie Jungerman (Fondation La Poste).

mercredi 31 janvier 2007

dans l'œil des autres

canons.jpg

intensifiez
votre regard
d'un trait de crayon
à l'intérieur de l'œil
sans broncher
vous supportez
vous voyez
dans l'œil
des autres
une tache
vous
vous vous voyez
dans l'œil
de tout le monde
vous
en quatre
en dix
en cent
vous vous intensifiez
à l'intérieur
vous vous épuisez
cette générosité trahit
un manque de confiance
en vous
vous supportez
ce manque
patiente
vous vous supportez
sans broncher
tapotez légèrement
votre visage
avec une noisette
de fluide hydratant
vous voyez
vous supportez
votre visage
ne relâchez
jamais
votre visage
soyez dévouée
votre visage
supporte les contraintes
soyez patiente
tapotez
tapotez légèrement
mais
cela ne suffit pas
cela ne suffit jamais
dans le regard
des autres

Patrick Bouvet, Canons (L'Olivier, 2007, p. 8-9)

« Une lectrice de magazines, une jeune starlette et une performeuse féministe : trois femmes aux prises avec les canons de la beauté. Comment s'y prendre pour exister ? Soumises ou rebelles, elles savent que l'apparence a toujours le dernier mot. »
(dit la 4ème de couv' : d'habitude je renvoie vers le site de l'éditeur, mais de site il n'y a pas, et un lien vers un libraire en ligne, je n'ose !)

Patrick Bouvet est né en 1962.
Il pratique également le sampling et le collage musical et a publié :
- In situ (L'Olivier, 1999)
- Shot (L'Olivier, 2000)
- Direct (L'Olivier, 2002)
- Chaos Boy (L'Olivier, 2004)

En ligne, on trouve notamment :
- des informations et des textes (Inventaire/Invention)
- un entretien (Fluctuat.net)
- son site internet

Ajoutons, trouvé depuis, un autre extrait (rougelarsenrose)

mardi 30 janvier 2007

lignes d'influence

medium_trend_web.png

Pour prendre de l'altitude, découvrez la cartographie de la généalogie des influences culturelles élaborée par Mike Love, assistant de recherche à l'Institute for The Future (IFTF), qui a utilisé les données de Wikipedia pour alimenter deux outils cartographiques interactifs : on clique sur un nom et cela se déploie, c'est amusant et assez fascinant. J'ai découvert ce site grâce à Outils froids, qui le décrit de manière plus rigoureuse que moi.

Pour tous ceux qui aiment les cartes (et qu'elles éclairent le territoire) les conseils éclairés de Serial Mapper (Claude Aschenbrenner) s'imposent. J'ai découvert grâce à lui cette splendide Table périodique des méthodes de visualisation, qu'il qualifie très justement de « pierre de rosette de la cartographie de l'information ».

Quand au plan de métro ci-dessus (beaucoup vu, mais on ne s'en lasse pas), il illustre les « influences dominantes de la websphère en 2007 » selon iA (agence de Design Stratégique à Tokyo).

lundi 29 janvier 2007

à suivre

::: naissance du Bulletin des lettres, le blog d'un collectif d'écrivains composé de cinq auteurs publiés chez Minuit et POL, qui a choisi de se donner le nom d'Etienne Lousteau, personnage de La Comédie humaine de Balzac (La Muse du département).
Je ne sais pas (encore) qui ils sont en vrai mais j'espère l'apprendre ... et puisque je figure dans leur blogroll, en bonne compagnie, mon a priori est forcément (dirait-elle) positif.

::: création par la ville de Laval d'un site Alfred Jarry (né à Laval en 1873, mort à Paris en 1907, à l'âge de 34 ans) dans la cadre de la célébration du centenaire de sa mort.

::: premier numéro aujourd'hui de Wah ! le journal du monde qui va bien, et qui se définit comme « une petite expérience 'anti-presse' impliquant des 'écrivants' » (Chloé Delaume, Frédéric Dumond, Emily King, Hugues Jallon, Dominiq Jenvrey, Jean-Charles Massera, Jean Perrier, Philippe Vasset, Eric Arlix & Mycroft, dessinateurs : Jérôme Mulot et François Olislaeger).

post scriptum : le Bulletin des lettres est devenu un club privé !

le roman n'a pas de dehors

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Pour rebondir sur cette affirmation d'Arno Bertina, un petit écho d'une polémique qui n'est pas sans rapports : j'ai signalé incidemment il y a quelque jours un billet d'Alexandra (''Buzz littéraire'') qui a depuis donné lieu à une explosion de commentaires, découverte grâce à un ricochet de Maxence (''Mille feuilles'').
M'étonne l'acharnement mis par nombre des intervenants à s'opposer à ce que des ponts existent entre science-fiction et « littérature générale » (terme vide s'il en est) et à inventer, pour éviter à tout prix que les deux se mélangent, des catégories intermédiaires ; me surprend ce refus des uns et des autres de lire, voire de simplement feuilleter, des livres n'appartenant pas au genre qu'il soutiennent.

Sans doute les réactions épidermiques de certains tenants de la science-fiction sont elles dues au fait que le genre a été durant quelques décennies considéré comme un sous-genre, sans doute certaines réactions de leurs adversaires montrent-elles que des a priori existent malheureusement encore. Il est peut-être utile toutefois de rappeler que la notion de science-fiction est assez récente, plus récente encore sa « ghettoïsation » et que la science-fiction a été promue en France au début des années 50 par Boris Vian et Raymond Queneau.

Le roman a toujours été un genre ouvert, qu'il devient aujourd'hui de plus en plus difficile de cloisonner en sous-genres aux frontières étanches. Sans être spécialiste de science-fiction, j'en lis beaucoup, et il me plait que, de plus en plus, les romanciers d'aujourd'hui (nourris tout autant par la lecture de Duras que par celle de Philip K. Dick - ainsi que par les images de 2001 Odyssée de l'espace, Star trek ou Matrix) fassent du roman un genre « poreux » où les thèmes généralement réservés à la science-fiction introduisent du « courant d'air » : même si ces romans ne sont pas tous réussis, le frottement des genres est souvent fructueux et donne parfois lieu à des étincelles.

dimanche 28 janvier 2007

photographie bougée

enjeux2.jpg

Quelques autres bribes impressionnistes concernant le colloque sur les Enjeux contemporains du roman ( sans prétendre égaler l'inégalable et savoureux impressionnisme de Si par hasard à qui j'ai emprunté la photo ci dessus).

::: le Nouveau roman revient souvent dans les propos, le plus souvent comme un héritage un peu lourd à porter ; Claude Simon semble pris dans un devenir Proust (l'oeuvre incontournable dont tout le monde parle sans l'avoir forcément lue) et Robbe-Grillet (cité très négativement à plusieurs reprises) faire figure de repoussoir.

::: en dépit du caractère précis, documenté et souvent judicieux des questions posées par les modérateurs (Dominique Viart, Thierry Guichard, Dominique Rabaté, Pierre Schoentjes, etc.) les écrivains n'y répondent pas ou pas vraiment, répondent à côté, parlent d'autre chose ; certains affirment clairement ce qui crève les yeux : ils ne sont pas les mieux placés pour parler de leurs romans.

::: m'éveuvent tout particulièrement (identification sans doute) ceux pour qui la parole n'est pas facile : Nicole Caligaris, Laurent Mauvignier ou Tanguy Viel, par exemple.

::: Nicole Caligaris dit chercher à transcrire dans ses romans ce qu'elle ressent de notre moderne humanité : non des identités constituées en personnages mais des « foyers de conscience multiples (...) comme des foyers lumineux qui entrent en rapport les uns avec les autres ».

::: Laurent Mauvignier décrit son sentiment qu'écrire l'« opacifie » : quand j'écris, dit-il, « je ne cherche pas à comprendre mais à comprendre pourquoi je ne comprends pas »

::: Tanguy Viel voudrait « ajouter des couches » à ses récits qu'il trouve trop simples ; tandis que Christine Montalbetti et Marie Darrieussecq, ses voisines de table ronde, reprennent à leur compte un propos qu'il a tenu un jour : les romanciers des années 60-70 sont une « génération fantôme », discrète, inquiète, un peu perdue et entre-deux.

::: Marie Darrieussecq a pour projet d'écrire La Princesse de Clèves et se réjouit d'avance de voir ce titre sous son nom et sur une couverture POL : beau projet ... d'autant qu'elle souhaite y raconter le départ d'une fusée vers une lune de Jupiter.

::: Devenirs du roman est présenté par Arno Bertina, Mathieu Larnaudie et Oliver Rohe : j'y reviendrais lorsque je l'aurai lu, mais de leurs interventions je retiens en particuler que « le roman n'a pas de dehors » ; c'est un espace « impur, batard, poreux, pluriel », qui avec la fin des interdits avant-gardistes a retrouvé aujourd'hui la liberté de tout absorber ; pour cela il suffit de « se placer à l'endroit le plus ouvert (...) là où il y aurait le plus de courant d'air possible » et surtout de pratiquer la « soustraction du sens » (où l'on retrouve Deleuze) ; le volume (qui mêle entretiens et textes théoriques) n'est pas un manifeste mais une « photographie bougée » et lacunaire du roman actuel .

Lire aussi Ronald Kappla dans remue.net aujourd'hui.

samedi 27 janvier 2007

cartographier les contrées à venir

mille_plateaux.jpg

Je ne suis pas très colloques en général, mais celui qu'organise aujourd'hui la Maison des écrivains, consacré aux Enjeux contemporains du roman, est intéressant en ce qu'il donne très largement la parole aux romanciers eux-mêmes : paroles très diverses, pudiques ou séductrices, doctes ou embarrassées, énervées ou passionnées, ce jour, de Philippe Forest, Olivier Rolin, Danièle Sallenave, Régis Jauffret, Laurent Mauvignier, Nicole Caligaris, Tanguy Viel, Christine Montalbetti et Marie Darrieussecq.

Parmi tous leurs mots, je retiens ceux de Régis Jauffret, drôle et percutant : le roman est en perpétuelle évolution darwinienne et biologique ; est « roman » tout texte dont son auteur dit qu'il est un roman ; le « roman fondateur » du XXIe siècle, celui qui définit le mieux la schizophrénie actuelle et future du roman, de l'art, de la la société, est Mille Plateaux de Deleuze et Guattari.

Deux courtes citations à l'appui de ce propos très judicieux :

« Écrire n'a rien à voir avec signifier, mais avec arpenter, cartographier, même des contrées à venir. »

« Le devenir n'est ni un ni deux, ni rapport de deux mais entre-deux, frontière ou ligne de fuite, de chute, perpendiculaire aux deux. »

Gilles Deleuze ; Félix Guattari, Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie, 2 (Minuit, 1980, p. 11 et p. 360)

vendredi 26 janvier 2007

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Sur le roman aussi, ce genre peut-être usé mais bien vivant, un bel article de Ronald Klapka dans remue.net (25 janvier 2007) signale la parution d'un essai de Philippe Forest, Le roman, le réel et autres essais. Allaphbed 3 (Editions Cécile Defaut, 2007).

Philippe Forest (né en 1962) est l'auteur de nombreux essais et de trois romans :
- L'Enfant éternel (Gallimard, 1997. Prix Femina du Premier roman)
- Toute la nuit (Gallimard, 1999)
- Sarinagara (Gallimard, 2004. Prix décembre)

Après La Beauté du contresens (2005) et De Tel Quel à L'Infini (2006), ce troisième volume d'Allaphbed rassemble une série d'études et de conférences consacrées au roman moderne comme « expérience de l'impossible ».

jeudi 25 janvier 2007

devenirs du roman

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À l'occasion de la sortie de Devenirs du roman (Naïve/Inculte, 2007), on peut lire en ligne, concernant ce « genre usé, éculé, qui a dit tout ce qu'il avait à dire » (Edmond de Goncourt en 1891, judicieusement cité par Nathalie Crom) :

- Nathalie Crom, « Le roman d’une polémique », Télérama, 2976, 27 Janvier 2007
(aussi pour les dessins de Jean-Philippe Delhomme : j'en ai emprunté un ci-dessus)

- Sylvain Bourmeau, « Roman ? », Les Inrockuptibles, 582, 23 janvier 2007

- un entretien Tzvetan Todorov / François Bégaudeau, La Croix, 10 janvier 2007

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