lignes de fuite

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jeudi 14 août 2008

comme un ballon bizarre

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Odilon Redon, « L’œil, comme un ballon bizarre, se dirige vers l’infini » (1878)

Ne ratez pas non plus les rencontres avec Marcel Gauchet et René Girard, ni celles de la série « Littérature contemporaine et sacré », avec :

- Bernard Sichère
- Catherine Millot
- Julia Kristeva
- Sylvie Germain
- Frédéric Boyer
- Marie Darrieussecq
- Yannick Haenel
- Valère Novarina
- et Florence Delay

mercredi 13 août 2008

la place du doute

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Parler de sainteté (et que d’aucuns proposent impudemment de me canoniser !) me fait me souvenir que je souhaitais parler de ma visite de l’exposition Traces du sacré au Centre Georges Pompidou.

La profusion (350 œuvres tout de même), la confusion et le manque de cohérence que j'ai vues reprochées ici et là à cette exposition m’ont au contraire plutôt séduite : le chaos est assez bien venu concernant le sujet du sacré, surtout si l’on considère comme Allen Ginsberg que « tout est sacré » et qu’il faut laisser toute sa place au doute.

L’exposition est malheureusement terminée depuis hier (admirez ma réactivité !) mais se prolonge par un site extrêmement riche montrant des œuvres rares sur internet, par exemple « l’ascension des objets » dans le magnifique « 1rst light » de Paul Chan, ou « Eins, Un, One », réponse originale de Robert Filliou au coup de dé mallarméen, par un champ circulaire de quelques milliers de dés donnant tous le même résultat, puisqu’ils n’ont que des faces « un »

Le site propose aussi de nombreuses vidéos exposant le projet des commissaires, Jean de Loisy et Angela Lampe et surtout donnant la parole à des artistes, par exemple Jean-Jacques Lebel, qui montre la télépathie à l'œuvre dans « Radio Momo (hommage à Antonin Artaud) », Marc Couturier qui évoque « les poils du cerveau » à propos de son « Numen », fresque à la pointe d'argent sur poudre de marbre réalisée en un seul mouvement, Gérard Garouste qui décrypte « Passage (autoportrait) », ou Huang Yong Ping qui expose un moulin à prières tibétain de 13 mètres de haut en perpétuelle rotation.

lundi 11 août 2008

ne pas rechercher la perfection

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Être humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection et être parfois prêt à commettre des péchés de loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rendrait les relations amicales impossibles et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l'amour que l'on porte à d'autres individus. Sans doute l'alcool, le tabac et le reste sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est elle-même quelque chose dont les êtres humains doivent se garder.

George Orwell, « Reflections on Gandhi », Partisan Review, janvier 1949

qu'on se le dise

... le Journal LittéRéticulaire ( comme son webmestre qui va vivre 2 étages plus haut ) déménage et devient 2.0 !

dimanche 10 août 2008

un sportif de haut niveau

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Dès sa naissance, Louis Lanher place la barre très haut. Sorti du ventre de sa mère le 6 novembre 1976 à 7h30, il est d'emblée pourvu du signe astrologique le plus puissant : Scorpion ascendant Scorpion. Double dose de créativité et de sexualité, un avenir héroïque s'ouvre à lui. S'il était Vierge ascendant Poisson ou Verseau ascendant Capricorne, croyez bien que Louis Lanher ne se permettrait pas de publier une autobiographie. Comme le reste de l'humanité, il serait boulanger ou expert-comptable. Mais les astres en ont décidé autrement.
Ce 6 novembre 1976, Louis Lanher est déjà très beau. Ses trois kilos huit cent cinquante résonnent dans la maternité. On lui apporte un sein, des biberons, une bavette, Louis Lanher n'en a que faire. Il tend ses grosses paluches vers le décolleté de l'infirmière et lui emprunte son stylo. D'instinct, il rédige sur-le-champ la première phrase de cette autobiographie : « Je m'appelle Louis Lanher. » Accrocheuse, minimaliste, parfaitement envoyée, cette entame relègue aux oubliettes le reste de la production littéraire contemporaine. L'Auteur est né.
Ne lui reste plus qu'à dérouler. (p. 13)

Un romancier est avant tout un sportif de haut niveau. Il en faut de l'entraînement pour se lever tous les matins à 14 h 30, traverser fièrement son pâté de maisons jusqu'à la maison de la presse, acheter sans hésitation le magazine du jour (lundi : Voici, mardi : Les Inrocks, mercredi : VSD, jeudi : Le Nouvel Obs, vendredi : RTT-décompression, samedi : Le Monde 2, dimanche : Le journal du dimanche, si, si), choisir une terrasse de café orientée sud-ouest, décortiquer toutes ces sources d'inspiration universelle, puis, exténué, repu, empli d'un sentiment inégalable de devoir accompli, rentrer chez soi pour écrire toute la nuit un début de nouveau roman fortement inspiré par les photos de vacances de Claire Chazal.
Il est 18 h 30, un chef d'oeuvre est sur le point de naître, je le sens picoter au bout de mes doigts comme un bouton d'herpès qui refuserait de sortir (c'est aussi ça la force du romancier, trouver des métaphores vraiment classe).
Il est 18 h 31 donc, j'ouvre fébrilement mon ordinateur portable, caresse la souris d'un doigt humide (le romancier se lave toujours les mains après être allé aux toilettes), et remonte le long des icônes jusqu'au point G. Google. Je dois trouver des noms de plages, des parfums de beignets, des marques de bikini, des formules de crèmes solaires qui pénètrent bien la peau, de quoi placer le décor de ma page 1 que j'intitule sobrement : La Possibilité d'une île de sable ou Plateforme à marée basse. J'aime les noms qui claquent, surtout quand c'est moi qui les invente. (p. 119-120)

Louis Lanher, Ma vie avec Louis Lanher : nouvelles (Au Diable Vauvert, 2008)

Louis Lanher est né en 1977, mais, comme son narrateur, Il « passe à la télé » ; il a publié :
- Microclimat (Au Diable Vauvert, 2002)
- Un pur roman (Au Diable Vauvert, 2004)

On peut lire en ligne les avis de :
- Thomas Clément
- Frédéric Vignale
- ActuaLitté

samedi 9 août 2008

blog posthume

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Pratiqué avec sérieux, le sport n'a rien à voir avec le fair-play. Il déborde de jalousie haineuse, de bestialité, du mépris de toute règle, de plaisir sadique et de violence ; en d'autres mots, c'est la guerre, les fusils en moins.

George Orwell, « The sporting spirit », Tribune, décembre 1945

Cette citation pour déplorer l'ouverture de plusieurs semaines d'overdose d'actualités sportives et saluer celle, aujourd'hui 9 juillet 2008, du blog (posthume) de George Orwell, dont la matière sera celle du Journal (en grande partie inédit et dont son fils a lu la semaine dernière quelques extraits sur la BBC) que l'écrivain a tenu du 9 août 1938 jusqu'en 1942.

trois autres sites sur Georges Orwell :

http://george.orwell.free.fr/
http://www.george-orwell.org/
http://www.orwell.ru/

vendredi 8 août 2008

le tumulte superbe

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Tout dit dans l'infini quelque chose à quelqu'un ;
Une pensée emplit le tumulte superbe.

Victor Hugo, « Ce que dit la bouche d’ombre », Contemplations (1856), VI, 26

(en l'honneur de ce 08/08/08 et parce que j'ai toujours trouvé que c'était une belle définition d'internet)

jeudi 7 août 2008

de tout temps, les couples n'ont pas formé un tout

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Retends-lui la peau... (à Hélène ?) ...
tu vois bien qu'elle préfère son mari à tout autre !
Que l'honneur est sauf.
Si dans Hélène il y a Hell et Laine, c'est que l'enfer est doux.
Selon certains chercheurs, elle n'est qu'une éraflure sur une poterie grecque. Cependant, les immortelles ne peuvent être esquintées ni vieillies. Pour la plupart des gens, une femme qui part sans dire pourquoi est toujours suspecte.
Amoureuse de deux hommes à la fois, d'accord, mais est-ce possible de plaider l'innocence ensuite ?
Passe la bande à l'envers : tu constates d'âpres négociations entre mari et femme. En accéléré, c'est pire, elle bouge tout le temps tandis qu'il demeure les bras croisés, on ne sait plus qui prendra la décision de partir ou rester, partir, rester, on ne sait plus. (p. 19)

Pour un schéma ou deux, un formulaire, ton analyse suggère une description, puis une autre description plus fine encore.
Dire qu’Hélène ressemble à toutes les femmes qui ont vécu, vivent, vivront, c’est dire que la Terre est plate.
Avec une voix de speakerine. (p. 92)

Les masculins sont Ménélas dans toute leur splendeur.

Ménélas est-il splendide ?
De dos, ses épaules tombent.
Les virils sont-ils bêtes ?
Que possède Pâris que Ménélas n'a pas ? L'électricité de l'amant ?
Le faste de la nouveauté ?

L'amant symbolise une sphère supérieure à l'ennui des jours qui passent.
Vous avez des idées, il réalisera vos désirs.

Je ne sais pas ce qui m'a pris dira la femme chamboulée qui retrouve une prime jeunesse. (p. 93)

Réfléchis au thème de la femme qui s'en va.
Qui est toujours déjà partie, se trompe mais part quand même.
(Sans ses affaires).
Elle dit qu'elle écrira mais ne le fait pas.
S'en va.
Traité mille fois, le thème non épuisé de la femme mécontente.
Celle qui marche sous un parapluie, déculpabilisée en imperméable, Anna, Emma ou Gertrud, immobile, égarée, grande dépressive qui laisse une chanson derrière elle. Vous croisez cette femme, vous la croiserez, vous la reconnaîtrez à sa mélancolie, sa tristesse particulière. (p. 97)

De tout temps, les couples n'ont pas formé un tout.

Établis la nomenclature des époques où les femmes auraient pu se libérer et ne l’ont pas fait.

Le monde s'est construit autour de la femme malheureuse, tragédienne inventée par des hommes, parvenue à un état d'achèvement précaire.
Il se peut que la femme moderne appartienne à un entre-deux, qu'elle se maquille plus qu'autrefois.
Décompose son mouvement, entre l'intelligente et la gentille, tu obtiendras une personnalité complexe.

Regarde celles qui posent sur de grandes affiches en sous-vêtements, toutes identiques, cheveux relevés, chignons de toutes espèces.

Reviens sur le couple comme cellule naturelle et facteur de stabilité.

H et M ont formé un couple, c'est vrai, unique, malgré quelques scènes. Une scène, ça n'arrive pas qu'une fois dans la vie. Les voix augmentent à travers un million de micros, angoisses des uns, incertitudes des autres.

Tu as presque réussi l'épopée d'un homme en colère à qui on pardonne sa rage.
Dans un film ou un livre, il se détache, protagoniste en toutes choses, utilisant la force qui le transforme en chose, loin du foyer et des servantes aux beaux cheveux.
Il aime la guerre, les chevaux tristes, les chars vides.
Être loin.

On lui pardonne. (p. 101-102)

Véronique Pittolo, Hélène mode d’emploi (Al Dante, 2008)

Dans tous ses livres, Véronique Pittolo traque de manière ludique, mélancolique et intelligente - à travers les mythes, les contes, les films, les histoires, les stéréotypes et autres lieux communs - les fictions qui constituent notre humaine réalité et sont la trame de toute littérature.

Hélène mode d’emploi a fait l’objet d’un Atelier de création radiophonique (France culture, octobre 2006) et d’une mise en scène par Myriam Marzouki (juin 2008).

mercredi 6 août 2008

l’homme écrasé et l’homme poussé

J’organise des Journées de l’Histoire,
une table ronde sur le thème de La République naissante.
Ma démarche est scientifique, comparative.
En effet, que reste-t-il des grands renversements ?
Comment peut-on se mouvoir aujourd'hui dans la multitude ?
Les idées politiques sont-elles correctes ?
Si un candidat ne lit pas la Princesse de Clèves ni ne visite les musées,
que son seul espoir est le pouvoir, que fait-il, le grand homme,
une fois au sommet ?
Et si le grand homme est petit, que se passe-t-il ?
Celui qui gagne les élections est-il différent de celui qui provoque
un coup d’état ?
Ce qui relevait d’un petit projet, quelle forme prendra-t-il, ce projet,
une fois qu’on occupe le trône ?
Avant le grand homme, il y a l’homme écrasé et l’homme poussé.
L’homme poussé est favorisé depuis la naissance, on lui a dit
Qu’il pourrait atteindre les sommets.
Imaginez, on vous a dit quand vous étiez petit que vous étiez le meilleur,
vous allez le croire toute votre vie.
Vous ferez des études pour atteindre un prix d’excellence,
devenir propriétaire, accumuler des points dans les sondages.
L’homme écrasé , lui, devra affronter des éléments primaires :
payer des factures, réserver ses vacances sur internet,
accomplir des trajets quotidiens en métro.

Véronique Pittolo, La Révolution dans la poche (publie.net, 2008, p. 74-76)

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Véronique Pittolo est née en 1960 à Douai. Elle a aussi publié :

- Montage (Fourbis, 1992)
- XY ou la Poursuite du Bonheur (Cahiers Ephémérides, 1998)
- Héros (Al Dante, 1998)
- Schrek (L’Attente, 2003)
- Chaperon Loup Farci (La Main Courante, 2003)
- Gary Cooper ne lisait pas de livres (Al Dante, 2004)
- Opéra isotherme (Al Dante, 2005)
- Exploration (Éoliennes, 2006)
- Danse à l’école (L’Attente, 2006)
- Hélène mode d’emploi (Al Dante, 2008)

mardi 5 août 2008

des vols qu'ils nous ont fait d'avance

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Ils ont dit, il est vrai, presque tout ce qu'on pense.
Leurs écrits sont des vols qu'ils nous ont fait d'avance ;

Alexis Piron, La métromanie, acte III, scène 7 (1738)

lundi 4 août 2008

réel espoir de survie pour l’espèce menacée

Les vrais écrivains étant, depuis l’origine sans doute, en voie d’extinction, il en est un, et des meilleurs, qui a trouvé la parade, un réel espoir de survie pour l’espèce menacée : Antoine Volodine se reproduit par scissiparité. Loués soient-ils !

Éric Chevillard, L’autofictif, 300

(vous trouvez que je cite trop souvent Éric Chevillard ? je n'y peux rien, c'est compulsif !)

la gêne éthique

::: si jamais vous ne connaissez pas encore La cuisine de Nicolas, un rattrapage d’urgence des huit premiers épisodes s’impose pour profiter de toutes les subtilités de cet épisode 9 très réussi.

le chœur formé par les coquillages

On croit entendre la mer en approchant de son oreille un coquillage, alors que c’est au contraire le chœur formé par les coquillages qu’elle recèle que l’on entend en s’approchant de la mer.

Éric Chevillard, L’autofictif, 299

et c'est pareil pour les blogs et internet ?
(pour saluer le retour en grande forme d'Éric Chevillard)

dimanche 3 août 2008

si j’avais la notice, ce me serait utile

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Je m’appelle Chloé Delaume. Je suis un personnage de fiction. (…)

Si j’avais la notice, ce me serait utile, un peu comme pour la vie. Pourquoi s’écrire en Je si ce n’est pour que la vie se mêle à l'écriture de façon renouvelée, si possible inédite. Pourquoi s’écrire en Je, et pas en marquise qui bien sûr, ça va de soi, sortirait à cinq heures.

S’écrire, non pas à nu, mais parfaitement à vif, sans le tissu soyeux de la fiction classique, sans les transferts, les masques et tous les ornements qui rendent plus confortables tant le pacte d’écriture que celui de lecture.

De retour de Cerisy, Chloé Delaume a mis en ligne sa communication sur le thème de l’autofiction, « S’écrire mode d’emploi » (qui est aussi disponible chez publie.net)

Dans la foulée, elle a aussi entrepris d’ajouter sur son site extraits et lectures de chacun de ses livres ... une bonne façon de les découvrir si vous avez la chance de ne pas les avoir lus encore :
- Les Mouflettes d'Atropos (Farrago, 2000)
- Le Cri du Sablier (Farrago ; Léo Scheer, 2001)
- Mes week-ends sont pires que les vôtres (Néant, 2001)
- La Vanité des Somnambules (Farrago ; Léo Scheer, 2003)
- Corpus Simsi (Léo Scheer, 2003)
- Certainement pas (Verticales, 2004)
- Les juins ont tous la même peau (La Chasse au Snark, 2005)
- J'habite dans la télévision (Verticales, 2006)

… et peut-être d’autres à venir : à suivre sur son blog Remarques & Cie, à propos duquel elle dit à Cerisy « Dans mon laboratoire, il y a une fenêtre qui l’ouvre sur le monde ».

samedi 2 août 2008

roman au carré dans le désordre

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- Ceci n'est pas un roman.
- Tu veux dire, Morna, que tout ce qui nous arrive là est réel, que c'est la vraie vie ?
- Pas du tout, répondit-elle aromatiquement. Je veux dire qu'il s'agit en fait de la représentation d'un roman, d'une image, d'un reflet.
- Mais c'est cela qui, pour moi, est la définition même du roman !
- Exactement.
- Donc Ceci n'est pas un roman = Ceci est un roman.
- Voilà.

♥ De même que toute œuvre comportant quelque qualité littéraire = un roman ! Qu'entends-tu par qualité littéraire ? Une façon, je suppose, d'adjoindre, au sein de la langue écrite, une certaine dose d'invention (poiésis) au faisceau des conventions qui garantissent la lisibilité et l'ancrage dans l'espace et l'histoire de. Donc, d'après toi, vers ou prose, peu importe. Oui, il s'agit surtout de savoir quel crédit on accorde à la réalité matérielle de la page. - Attention, sujet brumeux. Faire vérifier par un spécialiste. (Note des Lecteurs en avance sur leur temps.) (p. 74)

D’aucuns diront que tout cela leur évoque quelque livre de Boris Vain, mais je leur répondrai : « Oh que non ! Que c’est bien pire ! » (p. 100)

- Ceci n'est pas un roman.
- Tu veux dire, Norma, que tout ce qui nous arrive là est réel, que c'est la vraie vie ?
- Pas du tout, répondit-elle aigre-doucement. je veux dire qu'il s'agit en réalité de la représentation d'un roman, d'une simple image, d'un reflet double.
- Mais c'est cela qui est, pour moi, la définition même du roman !
- Exactement.
- Donc Ceci n'est pas un roman = Ceci est un roman ?
- Voilà. ♥ (p. 166)

Orion Scohy, Norma Ramón (POL, 2008)

Orion Scohy, né en 1974, a publié un premier livre : Volume (POL, 2005)

en ligne, on peut lire aussi les 17 premières pages,
un entretien avec Laure Limongi pour La Revue Littéraire,
et un billet inspiré de Didier da Silva.

vendredi 1 août 2008

images dérisoires

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Hokusai est également à l'origine du terme « manga », pour désigner ses carnets de croquis sur le vif.

« La Mangwa, cette profusion d’images, cette avalanche de dessins, cette débauche de crayonnages, ces quinze cahiers où les croquis se pressent sur les feuillets, comme les œufs de la ponte des vers à soie sur une feuille de papier, une œuvre qui n’a pas de pareille chez aucun peintre de l’Occident ! La Mangwa, ces milliers de reproductions fiévreuses de ce qui est sur la terre, dans le ciel, sous l’eau, ces magiques instantanés de l’action, du mouvement, de la vie remuante de l’humanité et de l’animalité, enfin, cette espèce de délire sur le papier du grand fou de dessin de là-bas ! » écrit à leur sujet Edmond de Goncourt, dans Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle (Flammarion, Paris, 1896, p. 96)

on peut voir en ligne de nombreuses « images dérisoires » des recueils de dessins d’Hokusai :
- une collection très complète (mais des légendes en japonais)
- Manga 1
- Manga 10

jeudi 31 juillet 2008

image fantôme

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Katsushika Hokusai, « Le fantôme d'Oiwa »

mercredi 30 juillet 2008

soit un point, soit une ligne

Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Écrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin.

Katsushika Hokusai, Postface aux Cent vues du mont Fuji (1834)

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Plus que quelques jours pour aller visiter l'exposition Hokusai au Musée Guimet et s'apercevoir que le « vieux fou de dessin » a également inspiré Plantu, ce qu'on ne dit pas assez : dans l'une des estampes de sa série érotique, « Modèles d'étreintes », on découvre avec ravissement, dans un coin en bas à droite, deux souris en train de forniquer avec malice.

mardi 29 juillet 2008

cerveau gauche et cerveau droit communiquent

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TAUDIS DE L’ÉCRITURE
Tout comme peindre écrire consiste à opposer une figure à un fond. En la matière le fond est la façon dont on écrit et la figure ce qu'on signifie. Il est un certain art d'écrire qui tend à conserver les deux en un rapport qui est un déplacement constant en sorte qu'il ne peut jamais être décidé ce qui est figure et ce qui est fond, le fond prenant la place et assurant la fonction de la figure et inversement, constamment. De sorte que ne subsiste plus à proprement parler ni figure ni fond - que la relation de la figure au fond : sens du mouvement qui assume le mouvement du sens et inversement. Il s'agit donc avant tout de conserver sa fluidité au mouvement même si aux yeux des tenants de la vérité la pratique a en soi quelque chose de grinçant. (p. 26)

AUTEL DE L’ÉCRITURE
Il y a une sorte d'écriture qui consiste à évoquer ce qu'elle ne peut pas consigner du fait qu'elle le reconnaît a priori comme inconnaissable : appeler ce qui ne saurait répondre. Il n'y a là rien qui diffère d'un jeu d'enfant sinon que celui-ci a le pouvoir d'engendrer par sa relation au silence du rien une réaction qu'il peut de surcroît tenir pour une réponse, se donnant ainsi une satisfaction - laquelle est d'ailleurs la seule réponse qui convienne. Mais peut-être en l'occurrence l'adulte a dépassé l'enfant, qui se satisfait même de l'insatisfaction. (p. 27)

TAUDIS DE L’AUTEL
Il arrive qu'un enfant
se promenant
s'arrête et se mette
sans l'avoir décidé vraiment
sans trop savoir pourquoi
à assembler quelques bouts de bois
entasser quelques cailloux
et poursuive
après les avoir considérés un instant. (p. 104)

AUTEL DE L’AUTEL
Grandi ou vieilli
s'il s'en souvient
et que la raison lui en est demandée
par lui-même ou par autrui
il dira qu'il n'en voit pas d'autre
sinon
qu'il a peut-être pensé qu'un jour
la raison lui en serait demandée
par lui-même ou quelqu'un d'autre
et que la réponse
ou la raison
se trouvait là-bas
dans le temps
puisque c'était
le Temps. (p. 105)

Marc Cholodenko, Taudis/Autels (POL, 2008)

Après son précédent Glossaire (POL, 2007) (voir ici, ici, ici et ), Marc Cholodenko poursuit son exploration ludique et dresse un nouvel autoportrait fait de couples de poèmes : en principe chaque page de droite exalte (« autel ») ce que chaque page de gauche démolit (« taudis ») ... mais ce n’est jamais si simple, car cerveau gauche et cerveau droit communiquent.

::: en ligne : les premiers (par ordre alphabétique) « Taudis/Autels » du livre.

lundi 28 juillet 2008

une goutte de vérité qui tombe

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le vrai charme des gens, c'est le côté où ils perdent un peu les pédales, c'est le côté où ils ne savent plus très bien où ils sont ... ça ne veut pas dire qu'ils s'écroulent, au contraire, ce sont des gens qui ne s'écroulent pas ... mais si tu ne saisis pas la petite racine, le petit grain de la folie chez quelqu'un, tu peux pas l'aimer ... on est tous un peu dément … or, j'ai peur ou au contraire je suis content que le point de démence de quelqu'un soit la source de son charme même.

Gilles Deleuze, Abécédaire, Lettre F comme fidélité

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