Retends-lui la peau... (à Hélène ?) ...
tu vois bien qu'elle préfère son mari à tout autre !
Que l'honneur est sauf.
Si dans Hélène il y a Hell et Laine, c'est que l'enfer est
doux.
Selon certains chercheurs, elle n'est qu'une éraflure sur une poterie grecque.
Cependant, les immortelles ne peuvent être esquintées ni vieillies. Pour la
plupart des gens, une femme qui part sans dire pourquoi est toujours
suspecte.
Amoureuse de deux hommes à la fois, d'accord, mais est-ce possible de plaider
l'innocence ensuite ?
Passe la bande à l'envers : tu constates d'âpres négociations entre mari
et femme. En accéléré, c'est pire, elle bouge tout le temps tandis qu'il
demeure les bras croisés, on ne sait plus qui prendra la décision de partir ou
rester, partir, rester, on ne sait plus. (p. 19)
Pour un schéma ou deux, un formulaire, ton analyse suggère une description,
puis une autre description plus fine encore.
Dire qu’Hélène ressemble à toutes les femmes qui ont vécu, vivent, vivront,
c’est dire que la Terre est plate.
Avec une voix de speakerine. (p. 92)
Les masculins sont Ménélas dans toute leur splendeur.
Ménélas est-il splendide ?
De dos, ses épaules tombent.
Les virils sont-ils bêtes ?
Que possède Pâris que Ménélas n'a pas ? L'électricité de
l'amant ?
Le faste de la nouveauté ?
L'amant symbolise une sphère supérieure à l'ennui des jours qui
passent.
Vous avez des idées, il réalisera vos désirs.
Je ne sais pas ce qui m'a pris dira la femme chamboulée qui
retrouve une prime jeunesse. (p. 93)
Réfléchis au thème de la femme qui s'en va.
Qui est toujours déjà partie, se trompe mais part quand même.
(Sans ses affaires).
Elle dit qu'elle écrira mais ne le fait pas.
S'en va.
Traité mille fois, le thème non épuisé de la femme mécontente.
Celle qui marche sous un parapluie, déculpabilisée en imperméable, Anna, Emma
ou Gertrud, immobile, égarée, grande dépressive qui laisse une chanson derrière
elle. Vous croisez cette femme, vous la croiserez, vous la reconnaîtrez à sa
mélancolie, sa tristesse particulière. (p. 97)
De tout temps, les couples n'ont pas formé un tout.
Établis la nomenclature des époques où les femmes auraient pu se libérer et
ne l’ont pas fait.
Le monde s'est construit autour de la femme malheureuse, tragédienne
inventée par des hommes, parvenue à un état d'achèvement précaire.
Il se peut que la femme moderne appartienne à un entre-deux, qu'elle se
maquille plus qu'autrefois.
Décompose son mouvement, entre l'intelligente et la gentille, tu obtiendras une
personnalité complexe.
Regarde celles qui posent sur de grandes affiches en sous-vêtements, toutes
identiques, cheveux relevés, chignons de toutes espèces.
Reviens sur le couple comme cellule naturelle et facteur de stabilité.
H et M ont formé un couple, c'est vrai, unique, malgré quelques scènes. Une
scène, ça n'arrive pas qu'une fois dans la vie. Les voix augmentent à travers
un million de micros, angoisses des uns, incertitudes des autres.
Tu as presque réussi l'épopée d'un homme en colère à qui on pardonne sa
rage.
Dans un film ou un livre, il se détache, protagoniste en toutes choses,
utilisant la force qui le transforme en chose, loin du foyer et des
servantes aux beaux cheveux.
Il aime la guerre, les chevaux tristes, les chars vides.
Être loin.
On lui pardonne. (p. 101-102)
Véronique Pittolo, Hélène mode d’emploi (Al Dante, 2008)
Dans tous ses livres, Véronique Pittolo traque de manière ludique,
mélancolique et intelligente - à travers les mythes, les contes, les films, les
histoires, les stéréotypes et autres lieux communs - les fictions qui
constituent notre humaine réalité et sont la trame de toute littérature.